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Bilan et perspectives
La décennie écoulée a permis des progrès significatifs dans notre compréhension du monde microscopique. L'acteur majeur de cette période a été le LEP au CERN. Ses résultats, complétés par ceux du SLC et du Tevatron ont permis de valider le modèle standard de la physique des particules au niveau quantique le plus fin. Le LEP a également commencé à lever le voile qui entoure le mystère du mécanisme de la brisure de la symétrie électrofaible, enjeu des expériences futures : il a en effet établi que, si le boson de Higgs existe tel que le prédit le modèle standard, sa massemasse (à 95% de degré de confiance) est inférieure à 186 GeVGeV et supérieure à 114 GeV ; un possible signal a même peut-être été vu entre 115 et 118 GeV mais il appartiendra aux expériences futures d'apporter une réponse définitive sur ce point. Les résultats du LEP ont aussi posé des jalons pour les théories, qui, tout en incorporant le modèle standard, vont au-delà et décrivent des phénomènes supplémentaires (à plus haute énergieénergie notamment). Ainsi, les modèles dits composites, qui postulent l'existence de nouvelles particules composés de nouveaux constituants élémentaires lourds se trouvent très défavorisés lorsqu'on compare leurs prédictions aux mesures expérimentales, alors que les modèles privilégiant des mécanismes de brisure à plusieurs bosons de Higgs restent dans la course. En tout état de cause, ces extensions du modèle standard postulent l'existence de nombreuses nouvelles particules, mais aucune n'a été détectée dans la gamme de masses accessible au LEP, c'est-à-dire jusqu'à la centaine de GeV.
Les expériences présentes et futures reprendront le flambeau en poursuivant à la fois les mesures de précision et la quête de nouvelles particules dans une gamme de masses allant cette fois de la centaine au millier de GeV. Les acteurs de cette période seront le Tevatron, mais surtout le LHCLHC au CERN, puis peut-être un futur collisionneur électronélectron positronpositron international (ILC) de haute énergie qui pourrait voir le jour après 2015. Les enjeux expérimentaux recouvrent en premier lieu l'identification du mécanisme de la brisure de la symétrie électrofaible, mais aussi la recherche de nouvelles symétries ou d'une possible unification des interactions électrofaible et forte à très haute énergie, et enfin, la possibilité de commencer à tester expérimentalement une théorie quantique de la gravitationgravitation...
Fig. 20 : expérience Atlas au LHC en cours de montage au CERN (novembre 2005). Le volume d'Atlas représente 10 fois celui d'une expérience du LEP comme Delphi, dont deux exemplaires et demi pourraient tenir dans la partie centrale, entre les 8 bobines du gigantesque aimant supraconducteur que l'on voit ici entièrement monté (© Dapnia).
Certaines extensions du modèle standard proposent de telles pistes (supersymétriesupersymétrie, théories de cordes, dimensions supplémentaires) : il ne manque donc plus que de nouveaux faits expérimentaux.
Le LHC et ses détecteurs, qui peu à peu prennent forme après une quinzaine d'années de gestationgestation (voir Fig. 20) devraient dominer le paysage expérimental dans la décennie à venir, comme l'illustre la Fig. 21. Sur trois des thèmes majeurs de la physique des particules - mécanisme de brisure de la symétrie électrofaible, asymétrie entre matièrematière et antimatièreantimatière, interaction forteinteraction forte - le futur de la physique des particules se fera au LHC. Le quatrième thème, les propriétés des neutrinosneutrinos, demande des expériences spécifiques qui se déroulent surtout au Japon, leader mondial en la matière, et dans une moindre mesure en Europe et aux Etats-Unis.
Fig 21 : thèmes principaux de la physique des particules, bilan expérimental atteint pour chacun d'eux, prochain enjeu expérimental, acteurs présents et futurs.
Pour terminer, il peut être intéressant de replacer la physique des particules dans le cadre plus large des sciences qui s'intéressent à l'histoire de l'UniversUnivers. Si l'on admet le modèle du Big BangBig Bang comme explication plausible des débuts de l'Univers, le point de départpoint de départ est l'explosion d'un grain de matière extrêmement dense, suivie d'une expansion rapide (voir Fig. 22). Trois minutes après l'explosion, les noyaux atomiques commencent à se former, puis vient la formation des atomesatomes 300,000 ans plus tard et enfin, celle des étoilesétoiles et des galaxiesgalaxies qui démarre 1 milliard d'années après le Big Bang. Les sciences qui permettent de décrire ces étapes sont la physique nucléaire, la physique atomique et l'astrophysiqueastrophysique. La physique des particules élémentairesphysique des particules élémentaires quant à elle offre des scénarios pour remonter à des temps encore plus anciens de l'histoire de l'Univers, une fraction de seconde après l'explosion initiale (10-43s !).
Fig.22 : vue d'artiste des principales étapes de l'évolution de l'Univers depuis l'explosion initiale du Big Bang (document CERN). La physique des particules offre des scénarios pour comprendre ce qui s'est passé entre 10-43s et 3 mn après le Big Bang.
L'Univers est alors formé d'un ensemble de particules et d'anti-particulesanti-particules, en nombres égaux, et les trois interactions fondamentales sont indiscernables. Particules et anti-particules s'annihilent constamment en rayonnement, qui recrée aussitôt des paires particule anti-particule. Le temps passant, l'Univers en expansion se refroidit, l'interaction forte se sépare de l'interaction électrofaible, les quarksquarks et les gluonsgluons coexistent au sein d'un plasma. Durant cette phase, un léger excès de matière par rapport à l'antimatière apparaît, en partie à cause de l'interaction électrofaible qui ne se comporte pas de la même manière pour les particules et les anti-particules. A 10-10s après le Big Bang, la symétrie électrofaible est brisée, électromagnétismeélectromagnétisme et interaction faibleinteraction faible s'individualisent et les particules acquièrent une masse.
A cette époque l'Univers s'est refroidi au point que le rayonnement n'a plus assez d'énergie ni pour s'opposer à l'apparition de systèmes liés de particules, ni pour recréer des paires particule anti-particule. Celles-ci continuent à disparaître par annihilation et, en raison du léger excès de matière, il ne reste bientôt plus que des particules dans l'Univers. Celles-ci vont alors former les premiers systèmes liés, protonsprotons et neutronsneutrons, qui donneront naissance par la suite aux noyaux et enfin aux atomes.