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Accélérateurs, détecteurs et collisions
Les accélérateurs et détecteurs utilisés de nos jours n'ont plus grand chose à voir avec ceux des débuts de la physique des particules. Nous l'illustrerons sur l'exemple du LEP et de ses quatre détecteurs. Le LEP (pour Large Electron PositronLarge Electron Positron), a été dans les années 90 le plus grand accélérateur du CERN, le centre européen pour la recherche nucléaire. Installé dans un tunnel souterrain quasi-circulaire de 27 km de circonférence, l'accélérateur permettait d'établir des collisions frontales de haute énergie entre électrons et positrons, anti-particules des électrons (voir Fig. 4 et 5). Les produits issus des collisions étaient enregistrés par quatre détecteurs, ALEPH, DELPHI, L3 et OPAL.
Fig. 4 : vue en perspective de l'anneau de collisions LEP et des quatre sites expérimentaux, ALEPH, DELPHI, L3 et OPAL.
Fig. 5 : vue d'un segment de la ligne de faisceau du LEP (à gauche) et représentation d'une collision électron positron au centre d'un détecteur (à droite).
Le fonctionnement du LEP a connu deux phases. De 1989 à 1995 (phase LEP 1), l'énergie des collisions était d'environ 91 GeVGeV. De 1995 à 2000, durant la phase LEP 2, l'énergie a été graduellement augmentée de 130 à 209 GeV. L'environnement expérimental au LEP est illustré sur la Fig. 8 qui représente la « section efficace » de collision (liée à la probabilité d'interaction) en fonction de l'énergie du LEP, pour les processus physiques les plus importants mis en jeu au cours des collisions. Contrairement au cas classique, ces processus aboutissent le plus souvent à des états finals différents de l'état initial de la collision.
On retiendra plus particulièrement deux des courbes. La première, donnée par les carrés pleins, correspond à la production d'une paire quarkquark anti-quark dans l'état final et a une forme caractéristique de courbe de résonancerésonance dont le maximum se situe aux énergies de LEP 1. Cette forme est révélatrice du processus de collision qui s'effectue par l'annihilation de la paire électron positron initiale pour former un bosonboson Z, particule caractéristique de l'interaction faibleinteraction faible, dont la massemasse est proche de 91 GeV. Après un temps très bref, le Z se désintègre à son tour et ce sont ses produits de désintégration qui sont reconstruits dans les appareillages. Une représentation schématique de ce processus est donnée par le diagramme de la Fig. 6. Si l'on traduit la section efficace en nombre de collisions, ce processus a fourni 17 millions d'états finals de désintégration du Z enregistrés par les quatre détecteurs durant la phase LEP 1.
Fig. 6 : diagramme d'une collision électron positron conduisant à la création d'un boson Z par annihilation de la paire électron positron. Le Z se désintègre à son tour en paire de fermions, ici une paire quark anti-quark.
La seconde courbe de section efficace digne d'intérêt est donnée par les points noirs. Cette section efficace prend naissance aux énergies de LEP 2, croît puis atteint un plateau. Elle correspond à la production d'une paire de bosons W+W-, qui, comme le boson Z, sont des particules caractéristiques de l'interaction faible de masse proche de 80 GeV. Une représentation schématique des processus de production est donnée par les diagrammes de la Fig. 7. Traduit en nombre de collisions, ce sont 50 mille paires W+W- que les quatre détecteurs ont enregistrées durant la phase LEP 2.
Fig. 7 : diagramme d'une collision électron positron conduisant à la création d'une paire W+W- par deux processus physiques possibles.
Fig. 8 : section efficace de collision en fonction de l'énergie du LEP pour différents processus de collision. Les points expérimentaux proviennent de l'expérience L3 et couvrent l'ensemble des points de fonctionnement en énergie de l'accélérateur. Les lignes pleines correspondent aux prédictions théoriques. Le graphique situé au-dessus des courbes de section efficace donne le nombre de collisions enregistrées à chaque point d'énergie exprimé en pb-1.
Les nombres de collisions réalisées au LEP sont importants (17 millions de Z, 50 mille paires de W), du fait de la multiplicité des états finals à étudier et de la précision de mesure souhaitée qui requiert de répéter les mesures un grand nombre de fois. Pour illustrer le travail expérimental plus avant, rappelons que les états finals de collision étaient enregistrés par les détecteurs (voir Fig. 9) sous forme de signaux électroniques numérisés qui ont été reconstruits puis traduits en information physique par des logicielslogiciels informatiques.
Fig. 9 : photo du détecteur OPAL en cours de montage : la partie centrale est séparée des deux demi coques du détecteur externe.
Un exemple d'état final de collision à LEP 1 est présenté sur la Fig. 10. Il s'agit de la désintégration d'un Z en paire quark anti-quark, qui ont la particularité de se matérialiser quasi instantanément en jets de particules qui sont détectées par l'appareillage. Ce mode de désintégration représente 70 % des possibilités de désintégration, ou taux de branchement, du Z. Les autres désintégrations possibles sont en paires formées d'un leptonlepton chargé et de son anti-particule (e+e-, μ+μ-, τ+τ-), ce qui représente 10 % de taux de branchement, et en paires neutrino anti-neutrino, pour 20 % de taux de branchement.
Fig. 10 : reconstitution graphique dans le détecteur ALEPH de la désintégration d'un Z en paire quark anti-quark qui se sont matérialisés en jets de particules. Les trajectoires des particules chargées sont reconstituées à partir des points de mesure enregistrés par les couches internes du détecteur (cf. carrés et lignes joignant ces derniers). Les particules neutres sont reconstruites par leurs dépôts d'énergie dans les couches externes denses de l'appareillage (cf. histogrammes clairs de hauteur proportionnelle au dépôt d'énergie)
Les paires de particules chargées donnent des signatures très claires (essentiellement deux trajectoires), tandis que les neutrinosneutrinos interagissent si faiblement qu'ils traversent le détecteur sans laisser de trace, échappant donc à la détection (sauf si le Z a été produit avec une autre particule détectable, comme un photonphoton).
Fig. 11 : reconstitution graphique dans le détecteur DELPHI de la désintégration d'une paire W+W- en deux leptons chargés (un positron et un muon) et une paire neutrino anti-neutrino indétectable : seules sont reconstruites les trajectoires des leptons chargés.
Un exemple d'état final de collision à LEP 2 est donné sur la Fig. 11. Il s'agit de la production d'une paire W+W- suivie de la désintégration du W+ en positron et neutrino (e+νe) et de celle du W- en muonmuon et anti-neutrino (μ-antiνμ). Les neutrinos étant indétectables, seules les trajectoires des particules chargées apparaissent. Ce type de désintégration représente 10 % des désintégrations possibles des paires de W. Les autres désintégrations sont soit de type mixte en un lepton chargé, un neutrino et une paire quark anti-quark pour 43 % de taux de branchement, soit en deux paires quark anti-quark pour 47 % de taux de branchement.
Les caractéristiques des différents états finals de collision permettent de classifier les différentes voies de désintégration des particules produites au cours de la collision et donc d'effectuer des mesures indépendantes d'une même observable, voire des mesures spécifiques à tel ou tel état final. Ces mesures utilisent la reconstitution de la cinématique de la collision à partir des énergies, impulsions et masses des particules de l'état final mesurées dans l'appareillage. Une fois la cinématique acquise, des observables sont construites et leurs distributions (i.e. leur répartition statistique sur l'ensemble des données accumulées) comparées à la théorie.