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    L'après-guerre : théorie de Yang-Mills et physique des particules élémentaires

    L'après-guerre : théorie de Yang-Mills et physique des particules élémentaires

    Le début des années 1950 fut marqué par la découverte d'un grand nombre de particules élémentaires, suite à la mise en place de puissants accélérateurs de particules. On découvrit différents types de mésons ainsi qu'un cousin de l'électron, le muon. L'étude des noyaux se poursuivit et la connexion avec les problèmes à N corps en physique du solidesolide se fit de plus en plus nette.

    Devant autant de particules liées aux phénomènes nucléaires on se posa tout naturellement la question de savoir si elles étaient toutes élémentaires et surtout la nécessité se fit plus pressante d'avoir une théorie rendant compte précisément de celles-ci et des forces nucléaires.

    À nouveau le problème de la dérivation des différents types de particules et de leurs massesmasses devint à l'ordre du jour.

    Deux contributions importantes apparurent alors.

    En 1954 deux jeunes théoriciens proposèrent une théorie audacieuse des forces nucléaires. Ils firent remarquer que les équationséquations de l'électromagnétismeélectromagnétisme, avec la conservation de la charge, se trouvaient liées à une propriété de symétrie particulière, appelée invariance de jauge, construite avec ce qu'on appelle un groupe, nommé ici U(1). Or, comme Heisenberg l'avait montré, il existe une « charge » conservée liée aux forces nucléaires, l'isospin, que l'on peut associer à une symétrie, une invariance de jauge là aussi, mais décrite par un groupe nommé SU(2).

    Par conséquent se dirent-ils, on doit pouvoir construire l'analogue des équations de l'électromagnétisme avec l'équivalent des vecteurs électrique et magnétique, sauf que le groupe de symétrie des équations n'est plus U(1), avec comme conséquence la conservation de la charge électrique, mais le groupe SU(2) avec conservation de l'isospin.

    Malheureusement leur enthousiasme fut rapidement refroidi par un problème de taille : pour être cohérente et éviter certains problèmes, comme l'apparition d'infinis dans les calculs (exigence de renormalisabilité), les « photonsphotons » du champ nucléaire devaient impérativement être sans masse, en contradiction avec l'expérience !

    Quelques précisions sur ces infinis et la renormalisabilité

    Lorsqu'ils ont essayé de faire une théorie quantique des champs, prenant en compte la théorie de la relativité d'EinsteinEinstein, les théoriciens sont rapidement tombés sur un casse-tête. La première théorie de champ quantifiée fut bien sûr l'électromagnétisme, or les calculs initiaux conduisaient à donner une valeur infinie à la masse l'électron ainsi qu'à d'autres quantités calculables dans cette théorie. On a cependant trouvé une série d'opérations mathématiques, dites de renormalisation, qui permettent de donner malgré tout un sens à ces calculs.

    En gros, les infinis présents peuvent se soustraire pour donner des résultats finis. Bien que mathématiquement justifiées, de telles procédures ne sont que des recettes de calculs dont l'origine physique est obscure, en dernier ressort leur justification est seulement de donner des résultats en accord avec l'expérience.

    Seules des théories admettant ces procédures de renormalisation, et par conséquent dites renormalisables, sont acceptables pour modéliser quantiquement les champs de particules fondamentales. Dans l'absolu, on pense qu'une théorie exacte des interactions ne devrait pas nécessiter de renormalisations car tous les résultats y seraient automatiquement finis (ce qui semble être le cas en théories des cordesthéories des cordes). Comme nous ne l'avons pas encore il nous faut nous contenter de ces approximations pour le moment, elles donnent malgré tout des prédictions remarquablement bonnes.

    • B : La théorie des champs unifiés de Heisenberg

     

    Werner Heisenberg. © AIP
    Werner Heisenberg. © AIP

    À peu près au même moment, Heisenberg s'était lancé dans l'élaboration d'une théorie unifiée des interactions et des particules élémentaires dans laquelle un seul champ fondamental existait. Celui-ci était gouverné par une « équation du Monde », avec un champ de proto-matièrematière décrit par l'équivalent de l'équation de Dirac pour l'électron sauf qu'un terme d'auto interaction non linéaire remplaçait la partie de l'équation de Dirac décrivant la masse.

    Ainsi, on partait initialement d'un champ de particule de masse nulle mais, par self interaction, comme dans la vieille théorie des électrons du début du XXe siècle, une masse apparaissait automatiquement comme conséquence des équations avec une valeur fixée par la théorie elle-même. Cela allait même beaucoup plus loin, les différentes particules et forces devenaient des effets plus ou moins non linéaires ou composites des champs de particules fondamentaux. Un photon pouvait ainsi être non élémentaire et résulter d'une « fusionfusion » de deux quanta de champ de cette équation ressemblant à celle de Dirac. Cela se comprend aisément car deux fermionsfermions de spinspin ½, comme des électrons, sont susceptibles de s'associer pour donner une particule de spin 1 comme un photon.

    Or de tels effets se trouvaient déjà dans la théorie de la physique du solide, dans celles de la supraconductivitésupraconductivité et du ferromagnétismeferromagnétisme. De fait les moyens de surmonter les obstacles aux développements de la théorie de Yang et Mills viendront des théoriciens ayant travaillé aussi bien en théorie quantique des champs qu'en physique du solide. Des gens comme Nambu, Englert, Brout et surtout Higgs (cf. a1, a2).