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La théorie des électrons
D'une certaine façon l'origine du boson de Higgs remonte au début du XXe siècle, lorsque des théoriciens comme Lorentz et Poincaré cherchaient à mieux comprendre la structure de la matière et surtout celle de l'électron. Leur idée, en conformité avec certains résultats sur l'émission de la lumière par les électrons, était de représenter ceux-ci par une petite sphère ou une petite boule uniformément chargée.
La force d'auto-interaction de celle-ci pouvait servir à expliquer différentes choses comme la massemasse de l'électron, ou encore le rayonnement émis lors d'une accélération. L'inertieinertie, la masse d'une particule chargée, était alors simplement une conséquence des lois de l'électromagnétismeélectromagnétisme de Maxwell-Lorentz. Un tel résultat était renforcé par la découverte de la relativité par EinsteinEinstein et la dérivation de la fameuse formule Eformule E=mc². En effet on peut associer une énergie potentielleénergie potentielle électrostatiqueélectrostatique à une telle boule et donc une masse.
Anton H. Lorentz, continuateur de Maxwell et créateur de la théorie des électrons classiques. © Museum Boerhaave
Précisons un peu cela. Si l'on considère une petite boule uniformément chargée, alors chaque partie exercera une répulsion sur une autre, donnant lieu à une énergie d'auto interaction. Lorsque deux charges de signes opposées s'attirent elles possèdent une énergie de liaison négative. Dans le cas considéré, on aura une énergie positive et donc une masse positive pour l'électron ainsi conçu (il faut bien sûr introduire des forces supplémentaires pour empêcher l'électron d'exploser, on négligera ce point ici).
L'espoir d'alors était de rendre compte de l'existence de toutes les particules chargées, comme le protonproton et l'électron, et même d'expliquer précisément leurs masses et leurs tailles à partir d'extensions non linéaires des équations de Maxwelléquations de Maxwell-Lorentz. Les tentatives les plus célèbres furent celles de Mie et surtout de Born-Infeld. La découverte du neutronneutron et de la mécanique quantiquemécanique quantique allait mettre ces théories en sommeilsommeil jusqu'au milieu des années 1950, si la masse d'une particule est liée à sa charge comment en effet rendre compte du neutron ?
Photo de gauche : à gauche Max Born (Prix Nobel), à droite Leopold Infeld. © AIP. Photo de droite : Max Born. © MacTutor History of Mathematics archive
Au passage, voici quelques éclaircissements sur la théorie de Born-Infeld. Les équations de Maxwell-Lorentz sont linéaires, c'est-à-dire que la somme des champs électriquechamps électrique et magnétique créés par une charge, ou un courant, est encore une solution des équations précédentes. Tel quel, le champ d'une des particules n'influe pas sur l'autre directement, et il faut rajouter à ces équations une loi de force qui indique comment le champ électrique de l'une modifie le mouvementmouvement de l'autre, en l'occurrence c'est l'expression de la force de Lorentz.
Autre chose, si on représente un électron par une boule chargée, cette charge n'est pas une solution des équations de Maxwell-Lorentz, elle se surimpose aux champs dans le vide et c'est une hypothèse supplémentaire.
Maintenant, imaginons qu'un champ électrique puisse directement influencer un autre champ électrique, les équations de Maxwell modifiées ne sont alors plus linéaires. Comme le carré d'un champ électrique (ou magnétique) définit une énergie, une localisation particulièrement intense de champ électrique pourra donc être représentée, d'après la relativité, par un paquetpaquet d'énergie, une particule donc !
On fait ainsi d'une pierre deux coups car les équations de champs non linéaires donnent automatiquement une solution décrivant une particule ainsi que la loi de déplacement de cette particule. On parle de théorie non dualiste des champs et de la matière.
Dans un contexte quantique, c'est ce qui inspirera plus tard Heisenberg et, de nos jours, on retrouve cela dans la théorie des cordesthéorie des cordes.