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    Femmes et science - L'autre moitié de la recherche

    Femmes et science - L'autre moitié de la recherche

    Les femmes seraient-elles l'avenir de la recherche ? Alors que l'Union va vers un déficit croissant de "matière grise", le sous-emploi des talents intellectuels des Européennes - qui fournissent davantage de diplômés universitaires que le sexe dit fort - constitue un gaspillage évident. Mais il faudrait, pour changer ce déséquilibre, que le monde scientifique révise quelque peu sa misogynie et ses tabous.

    Image du site Futura Sciences
    "On rencontre un grand nombre de femmes au premier degré de la recherche, par exemple au stade du doctorat. Mais elles disparaissent en chemin. Sans doute parce que la science est très compétitive et que l'on doit y témoigner sans cesse d'un haut degré de productivité, estime Shuo-Wang Qiao, doctorante en immunologie en Norvège. Quand les femmes font une pause jugée un peu longue, le plus souvent à la naissance d'un enfant, il leur est très difficile de revenir au monde scientifique."

    La preuve, s'il en fallait, est dans les chiffres et dans ces très parlants graphiques en forme de ciseaux qui concernent les parcours académiques (le domaine qui rassemble, en Europe, le plus grand nombre de chercheuses). On y remarque à quel moment les femmes "perdent pied" (voir diagramme). A partir d'une légère supériorité au niveau de l'obtention de diplômes universitaires de premier niveau, 37,8% d'entre elles réalisent une thèse (contre 62,2 % d'hommes); les docteurs féminins gardent la tête hors de l'eau tant qu'il s'agit de charges d'assistanat, dégringolent pour l'attribution des postes de professeur associé et, in fine, ne seront que 11,6% à occuper la fonction de professeur titularisé. Les mieux loties sont les universitaires finlandaises, qui parviennent à occuper 18% de ce type de chaire.

    • Le poids de la tradition - et vice -versa

    Car les situations varient. La moyenne des femmes dans la recherche publique de l'UE est d'environ 31%. Mais quatre Etats membres - le Portugal, l'Irlande, la Grèce et la Finlande - affichent un score de 40% et plus, les deux premiers l'emportant à raison, respectivement, de 48% et 44%. "Il apparaît que les femmes sont mieux représentées dans les pays où les professions scientifiques sont moins développées et où les institutions sont relativement nouvelles", commentent les auteurs du dernier rapport sur les indicateurs S&TT (Third European Report on Science & Technology Indicators 2003, Commission européenne, DG Recherche). Autrement dit, les pays où les traditions sont moins enracinées. Le constat ne manque pas d'intérêt. Il se confirme d'une autre manière dans la recherche industrielle, où les femmes représentent en moyenne 18 à 24% des équipes - et tombent à moins de 10% dans un pays de haute tradition technique comme l'Allemagne.

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    On pourrait en conclure qu'il faut changer les habitudes. Cela commence. Les "filles", tout d'abord, sont plus nombreuses sur les starting blocks. Dans les pays de l'Union, la fin des années 90 a vu grimper les diplômées universitaires en science et ingénierie de 25 à 30%. En 2000, 30% d'étudiantes avaient choisi ces options. La même année, environ 40% des nouveaux doctorats étaient "féminins" : 50% en sciences de la vie, 30% en math, 27% en physique, 20% en ingénierie et 19% en informatique.

    Les femmes semblent donc s'ouvrir de plus en plus à la science. Mais la science leur est-elle ouverte ? Que faudrait-il pour que les choses changent ? Pour beaucoup, que les mentalités évoluent, tout simplement. La sphère scientifique est à l'image de la société. "La parité homme-femme amorcée en politique pourrait donner l'exemple. Toutes les avancées dans ce sens, dans notre société, peuvent contribuer à atténuer les mentalités misogynes", fait remarquer Claire Foullon, astrophysicienne.

    • Misogynie et mixité

    Ces mentalités misogynes classiques, bien souvent, les chercheuses connaissent. Pour Flaminia Saccà, professeur de sociologie à l'Université de Cassino et responsable de recherche à l'université La Sapienza de Rome, "les patrons ont tendance à considérer les post-doctorants et chercheurs masculins comme plus professionnels. Quand il s'agit de les aider à des tâches non scientifiques, stylestyle secrétariat, ils font appel aux chercheuses."

    Question d'ambiance, aussi. Il y a l'attitude des autres. Et son propre sentiment qui, forcément, en dépend. "Une des plus grandes difficultés est peut-être de maintenir une bonne confiance en soi et dans son travail, car l'atmosphèreatmosphère dans les institutions y est rarement propice. Mais j'ai vu maintes fois que des rapports de force ne sont pas seulement installés par les hommes vis-à-vis des femmes, mais aussi homme-homme, femme-femme", estime Janette Friedrich, maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Genève.

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    Lorsque le struggle for life s'atténue, l'égalité est plus facile. Question de culture d'entreprise, fut-elle scientifique. Fabio Monforti-Ferrario, par exemple, travaille dans un centre de recherche public italien (ENEA, Bologne) où il ne voit pas de "concurrence agressive". "Mes collègues féminines peuvent songer à leur famille - et moi de même - sans prendre de risque pour leur carrière, explique-t-il. Dans un tel contexte, c'est plus facile d'arriver à une égalité de traitement entre hommes et femmes."

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    Certains jeunes scientifiques verraient d'ailleurs d'un bon œilœil s'accroître la mixité. "Il y a malheureusement trop peu de femmes dans le milieu de la recherche, en maths en tout cas, estime Erwan Brugalle. Malheureusement, car dans un groupe où un sexe domine fortement, l'ambiance devient rapidement assez lourde. Je ne sais pas s'il est plus facile d'être chercheur que chercheuse, mais être chercheuse demande actuellement une dose de courage supplémentaire : celui de rentrer dans un groupe où le sexe opposé domine."