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Dès le début du Ve siècle av. J.-C., une période de troubles s'installe dans une grande partie du domaine celtique : les fouilles des places fortes révèlent toutes une couche d'incendie et de destructions correspondant à cette époque.
Nous savons aussi par les auteurs anciens que les Celtes envahissent le sud de la France et s'avancent en Italie du Nord.
La Tène Ancienne I (480-400 av. J.-C.)
Il est évident qu'une société aussi inégalitaire que celle dont nous venons de parler devait engendrer des contradictions internes qui ne pouvaient qu'aboutir à des soulèvements contre les « princes ». D'autre part, la cessation du rôle économique de Marseille au profit des comptoirs étrusques du nord de l'Adriatique, Adria et Spina, modifient le tracé des voies de passage.
Depuis -550, Marseille drainait toutes les productions méditerranéennes et les répartissait dans le pays celte, par la voie du Rhône et de la Saône, la trouée de Belfort, le Rhin et le Danube (cette voie se détermine aisément par le relevé des trouvailles de céramiquescéramiques attiques à figures noires et d'amphores vinaires massaliotes). Mais la voie rhodanienne n'est plus sûre, à cause des mouvements de bandes celtiques et des ravages qu'elles y effectuent. Quelles en sont les causes ? C'est d'une part l'attrait d'un pays moins rude, une fascination pour cette région que les Celtes connaissent surtout par les cadeaux somptueux qui sont offerts à leurs « princes ». D'autre part ces produits importés augmentent l'écart considérable qui existait déjà entre les « princes » et le peuple. Il n'est donc pas invraisemblable que des révoltes aient eu lieu. L'archéologie constate, nous l'avons dit, des couches d'incendie et de destruction totale aux environs de -500. Tite-Live, lorsqu'il parle de la décision d'Anibigatus d'envoyer en Italie Bellovèse et Sigovèse, motive cette conquête par la surabondance et la turbulence de la population, et évoque les ravages accomplis par ces bandes dans la vallée du Rhône et le Tricastin.
Désormais donc, la voie alpestre, plus courte et bien sûr moins dangereuse pour atteindre le deltadelta du Pô et les comptoirs étrusques d'Adria et de Spina, va permettre l'acheminementacheminement d'une matière première qui prend beaucoup d'importance, le fer, sous forme de lingots et originaire du Hunsrück et du Siegerland.
C'est à partir de -500 en effet qu'on constate toute une série de tombes princières en Lorraine, en Sarre et dans la vallée du Rhin moyen, en une région qui n'avait pas été marquée par les disparités sociales antérieures, alors que le Wurtemberg et la Bavière ne sont plus au premier plan. Le centre du domaine celtique se déplace donc vers le nord-ouest et les nouveaux « princes » fondent leur richesse et leur puissance non plus sur la protection ou le mercenariat, mais sur la production d'une matière première très recherchée puisque désormais le fer apparaît en quantité de plus en plus grande dans les sépulturessépultures.
Cette nouvelle période - qui s'étend du Ve au 1er siècle, le second âge du fer - est caractérisée par la civilisation de La Tène, site éponyme au bord du lac de Neuchâtel. On ne négligera pas pour autant la production de sel de Hallem, en Autriche, qui prend le relais de Hallstatt, et qui enrichit ses exploitants. En dehors de ces régions productrices, le reste du domaine celtique, la Marne, la Suisse, la Bohême surtout, connaissent une vaguevague démographique extraordinaire, amorcée depuis le milieu du VIe s. Cette population adopte un nouveau stylestyle de vie. On déserte les oppidums pour fonder des villages, d'une relative richesse, comme en témoignent les sépultures de leurs habitants, souvent non fortifiés, et il est certain qu'à cette époque se développent l'agricultureagriculture et l'artisanat, activités favorisées par une stabilité intérieure très grande, un niveau de vie également réparti et surtout une désagrégation de la puissance féodale antérieure.
- Origine : Forêt de Haguenau
- Date. début de la seconde partie du VIe s. av. J.-C.
- Diamètre : 1,6 cm
Cette paire de boucles d'oreilles provenait d'une riche tombe féminine. Ces bijoux ornés ou repoussés de motifs géométriques, sont formés d'une feuille d'or tordue sur elle-même et recourbée. Les deux extrémités sont façonnées de manière à ce que l'une, plus pointue, pénètre dans l'autre. Souvent en bronzebronze ailleurs, les exemplaires en or sont très fréquents dans la vallée de Neckar moyen et, à un degré moindre, en Alsace. Notons que l'orpaillage dans le Rhin se pratique encore au XVIIIe siècle. L'or est rare et recherché : on le trouve dans la plupart des tombes « princières ». Qu'il soit relativement répandu en Alsace à cette époque montre une population aisée que l'absence d'armes permet également de qualifier de pacifique.
L'étude de certains mobiliers permet de préciser l'évolution
En revanche, une certaine uniformité règne, dans toute l'Europe, en ce qui concerne le vêtement ou les parures, tout à fait opposée à l'originalité hallstattienne. En Alsace, le changement va se manifester beaucoup plus tardivement. La population de la forêt de Haguenau par exemple reste là où elle était, elle ne semble pas immédiatement touchée par les modifications du monde celtique, du moins si l'on se fonde sur les ensembles clos des sépultures, où les objets nouveaux apparaissent très lentement, alors qu'ailleurs, comme dans la Marne ou en Suisse, la soudaineté est la règle générale.
Les tombes princières
Les sépultures de Hatten, Soufflenheim et Sessenheim sont dans la lignée de celles mises au jour dans la vallée du Rhin moyen. Elles se trouvent sur le trajet des lingots de fer exportés vers l'Adriatique, dont plusieurs exemplaires ont été découverts en Alsace. Elles sont très loin d'égaler celles de Rhénanie, de Sarre ou même de la Marne. Le « prince » de Hatten avait été inhumé avec son char, deux œnochées et un chaudronchaudron étrusques, un bassin de bronze, un poignard et un bandeau d'or qui aurait pu soit servir de coiffure, soit couronner une œnochée, si la coutume dont nous parle Homère a été conservée à cette époque. Le mobilier de cette tombe, conservé désormais au Musée Archéologique de Strasbourg, est encore considéré par les spécialistes comme appartenant au 1er âge du fer, à juste titre d'ailleurs, bien qu'il illustre l'économie du 2e âge du fer et les relations de plus en plus importantes nouées entre les Celtes et les Étrusques dès le début du Ve siècle av. J.-C.
Les tombes populaires
- Origine : Dingsheim
- Date : milieu du VIe s. av. J.-C.
- Longueur: 8,2 cm
Les fibules ont souvent été trouvées par paires dans les sépultures. Celles présentées ici, de grand modèle, sont destinées à attacher des vêtements de tissu épais : c'est pourquoi on les trouve dans le voisinage des épaules ou sous le menton. On notera que la fibule est ici formée d'une seule tige de bronze, étirée et martelée, à l'exception du décor prolongeant le porteporte-agrafe. D'autres modèles montreront que les techniques de soudage ou de rivetagerivetage étaient loin d'être inconnues des Celtes.
Elles sont aussi nombreuses que celles de la période précédente, et pour la plupart situées aux mêmes endroits. L'Alsace reste pour le moment en marge de la nouvelle civilisation qui se développe ailleurs. Le rite du tumulustumulus est lentement abandonné et les sépultures plates sont encore très rares (Herrlisheim et Blotzheim). La figure représente le mobilier d'une tombe de Weitbruch du Ve siècle. À côté de l'épée, on distingue les fibules, des boutons auxquels adhèrent des fragments de cuir (chaussure), un anneau d'or et un objet de bronze dont le motif flamboyant est typique du style décoratif nouveau à cette époque.