L'astronomie observationnelle connut un véritable bond en avant dès la fin de la seconde guerre mondiale. La mise en service de grands télescopes au sol y fut pour beaucoup, ainsi que les développements de nouveaux récepteurs électroniques. Cela permit la découverte des quasars en 1963.

Les astronomes disposent aujourd'hui d'une nouvelle gamme d'outils qui leur a rendu accessible le rayonnement électromagnétique et a inauguré l'ère de la radioastronomie et de l'astronomie spatiale. Dans ce contexte, la seconde moitié du XXe siècle représenta une phase d'exploration sans précédent, où il fût donné de sonder l'univers observable jusqu'à ses limites. Dans cette pêche miraculeuse, les quasars constituèrent des prises inattendues.

La découverte des quasars, tout comme celle des trous noirs, marqua l'histoire de l'astronomie. Ici, une représentation d'un trou noir. © Nasa, DP

La découverte des quasars, tout comme celle des trous noirs, marqua l'histoire de l'astronomie. Ici, une représentation d'un trou noir. © Nasa, DP

1963 : découverte des quasars

C'est au début de l'année 1963 que la revue Nature signala deux astres mystérieux qui agitèrent la communauté des astronomes. Ces astres, dénommés au départ quasi stellar radio sources furent immédiatement populaires sous le nom résolument singulier de « quasar ». Dès les premiers moments de leur découverte, une très vive controverse divisa les astronomes.

Carte du ciel de 3C273. © Wikipédia

Carte du ciel de 3C273. © Wikipédia

Le spectre du quasar 3C273, par Marteen Schmidt

En effet, quand on regarde les images de ces astres, ils ressemblent aux étoiles. Cependant, la ressemblance s'arrête là. L'astronome américain Marteen Schmidt obtint le spectre de 3C273, un de ces quasars nouvellement découverts, mais sa curiosité fut plus particulièrement piquée par les raies brillantes qui zébraient la plaque photographique : des « raies spectrales » impossibles à identifier. D'ordinaire, dans le spectre d'une étoile, on trouve des zones d'ombre qualifiées de raies sombres, mais rarement des raies brillantes. La position des raies est cruciale, car elle apporte à l'astronome une clé qui lui permet à coup sûr d'identifier les atomes qui les ont émises.

Les atomes des étoiles sont identiques à ceux que nous connaissons sur Terre. Le carbone, l'oxygène, le zinc et même le plomb s'y retrouvent, seules leurs proportions et leur état diffèrent. Après de longs tâtonnements, Marteen Schmidt finit par identifier trois raies brillantes qui pourraient être émises par des atomes d'hydrogène, mais... leur position le long du spectre était incorrecte ! Que faire ?

Un bref calcul, quelques règles de trois, le temps d'une ultime vérification... et il resta pantois : tout se passait comme si ces raies étaient décalées, très loin de leurs positions attendues, vers des longueurs d'onde plus grandes que prévu, c'est-à-dire vers la partie rouge du rayonnement visible. Marteen Schmidt savait que la lumière des galaxies lointaines souffre d'un décalage analogue, mais bien moins important ! Ce phénomène était connu depuis plus de 50 ans et Marteen Schmidt en faisait l'expérience quotidienne, comme tous ses collègues astronomes. Il savait que plus le décalage vers la partie rouge est élevé et plus l'objet est distant.

Jet de 3C273, le premier quasar connu, découvert en 1963. © Wikipédia

Jet de 3C273, le premier quasar connu, découvert en 1963. © Wikipédia

Décalage vers le rouge (redshfit) : 3C273, un objet très lointain

Ce point fondamental établit une correspondance décalage-distance dans le contexte d'un univers en expansion ! Cette expansion de l'univers, admise depuis longtemps par Marteen Schmidt, conduit à nombre d'effets marquants, dont le plus intéressant pour un observateur chevronné est ce fameux redshift (en français « décalage vers le rouge ») cosmologique du rayonnement d'un astre. Dans le cas d'une galaxie, la lumière est rougie (donc décalée), parce que l'univers tout entier est en expansion. On peut y voir une analogie avec l'effet Doppler sur lequel se fondent nos radars pour verbaliser nos excès de vitesse (voir notre vidéo sur l'effet Doppler). L'audace de Marteen Schmidt fut d'aller au bout de cette logique. Si « son » spectre était beaucoup plus décalé que celui de toutes les galaxies connues jusqu'alors (10 à 100 fois plus), c'était parce que 3C273 était beaucoup plus éloigné !


Avec la découverte de l'expansion de l’univers, sont nées d’autres questions : à quelle vitesse cette expansion se produit-elle ? y a-t-il accélération ? ou bien ralentissement ? Futura a interrogé Aurélien Barrau, astrophysicien spécialisé en cosmologie et auteur du livre Des univers multiples. © Futura

Le décalage observé était de 16 %, c'est-à-dire que la position nominale des raies de l'hydrogène se trouvait décalée de 16 % vers le rouge - les astronomes parlent aussi de « redshift de 0,16 ». Malheureusement cette hypothèse conduisait à des conclusions qui paraissaient absurdes. En interprétant ce redshift dans le cadre de la théorie de l'expansion de l'univers, Marteen Schmidt parvenait à une distance de 2 milliards d'années lumière ! La distance de 3C273, 2 milliards d'années, renvoie à une époque lointaine, proche de la formation du Système solaire (estimée aujourd'hui à 5 milliards d'années).

Toutefois, si les conséquences de cette observation sont étonnantes, c'est que l'éclat apparent de 3C273 combiné avec sa distance conduit à une luminosité époustouflante : elle dépasse 5 millions de millions de fois celle du Soleil ou, plus sobrement, 1.000 fois celle de la Voie lactée ! Un vrai feu d'artifice... Il n'est donc plus question d'étoile : pour les astronomes du Mont Palomar, 3C273 était l'astre le plus lointain, le plus lumineux et le plus compact du firmament.