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    Est-ce suivant ce scénario théorique soutenu par ces simulations que les choses se sont réellement passées ? La seule réponse vient de la confrontation sans cesse affinée entre les prédictions des modèles théoriques et les observations réalisées par de grands programmes.

    Messier 100. © Hubble Legacy Archive, Nasa, ESA, Judy Schmidt, <em>Wikimedia commons</em>, DP
    Messier 100. © Hubble Legacy Archive, Nasa, ESA, Judy Schmidt, Wikimedia commons, DP

    Les observables qui contraignent l'évolution des galaxies viennent aujourd'hui principalement de l'observation du fond diffus cosmologiquefond diffus cosmologique, c'est-à-dire des fluctuations de densité présentes au tout début de la vie de l'Univers, et des grands sondages de galaxies dans notre environnement proche, montrant le résultat de l'évolution de ces fluctuations après plus de 13 milliards d'années. Que s'est-il passé entre les deux ? Les observations aujourd'hui sont très partielles.

    Le ciel nous entourant vu par le sondage <em>Sloan Digital Sky Survey</em> : les positions dans l'Univers de plus de 200.000 galaxies. © Domaine public
    Le ciel nous entourant vu par le sondage Sloan Digital Sky Survey : les positions dans l'Univers de plus de 200.000 galaxies. © Domaine public

    Cartographier l'Univers

    La cartographie de l'Univers est complète pour les galaxies plus brillantes que notre Voie Lactée jusqu'à environ trois milliards d'années dans le passé, avec les positions de plus de 250.000 galaxies mesurées. Quid des 10 milliards d'années restantes ? Les sondages de l'Univers sont l'outil majeur d'exploration, mais la sensibilité et l'efficacité des télescopes actuels ne permettent pas de mesurer les positions des milliards de galaxies dans l'Univers depuis la réionisation. On a alors recours à des techniques de forage, où l'on explore des cônescônes d'Univers plus ou moins grands, en espérant qu'ils soient représentatifs. Dans chaque cône, on sonde une continuité d'époques, depuis notre environnement immédiat, jusqu'à une époque définie par la profondeur, la luminositéluminosité des objets observés.

    Ces galaxies sont observées avec un télescope de 2,5 mètres. © Domaine public
    Ces galaxies sont observées avec un télescope de 2,5 mètres. © Domaine public

    Les astronomesastronomes ont en effet le grand privilège d'utiliser une machine à remonter le temps très performante, la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière étant finie (~300.000 km/s), plus les objets sont loin, plus la lumière qu'ils émettent met du temps à nous parvenir, et donc plus nous les observons lorsqu'ils étaient plus jeunes. Ce carottagecarottage permet de déterminer et de comparer les propriétés des galaxies à différentes époques. Ce ne sont évidemment pas les mêmes galaxies, mais si l'on a bien construit un échantillon représentatif, sans introduire de biais d'observation, on peut directement comparer les propriétés moyennes des populations à différentes époques et déduire quelle a été leur évolution.

    Un des premiers sondages réellement représentatifs a été le Canada France RedshiftRedshift Survey, ou les distances de plus de 600 galaxies ont été mesurées jusqu'à une profondeur remontant plus de la moitié de l'âge de l'Univers, programme que j'ai eu le privilège de conduire avec des collègues canadiens et français. Pour la première fois, nous avons mis en évidence sans ambiguïté, et de façon quantitative, l'évolution des propriétés des galaxies : la luminosité, le contenu en étoilesétoiles et le regroupement dans l'espace évoluent de façon substantielle. Pas vraiment de surprise, mais un soulagement de confirmer par des données d'observations dûment validées ce qui était en gros attendu par les modèles. Certains éléments ont surpris, en particulier la forte évolution du taux de formation d'étoiles mesuré jusqu'à dix fois plus important, lorsque l'Univers avait la moitié de son âge actuel, que maintenant.

    Figure 7 : Image la plus profonde du ciel réalisée par le télescope spatial Hubble. © Domaine public
    Figure 7 : Image la plus profonde du ciel réalisée par le télescope spatial Hubble. © Domaine public

    De grands programmes d'observation pour aller plus loin

    Depuis ce programme pionnier, deux grandes motivations ont poussé le développement d'instruments encore plus performants : trouver des galaxies toujours plus loin pour remonter aux premiers objets qui ont dû apparaître dans l'Univers lors de l'époque de réionisation, et cartographier de grands volumesvolumes d'Univers à toutes les époques le long de la flèche du temps. Traduit en contraintes techniques pour les observatoires, cela implique d'accroître la capacité des télescopes à capturer de très faibles flux lumineux et de pouvoir mesurer beaucoup de galaxies. 

    Il y a le spectaculaire télescope spatial Hubble, qui a produit les images les plus profondes de l'Univers (Figure 7). Dès les années 1990, une nouvelle génération de très grands télescopes a vu le jour, en particulier les deux télescopes KeckKeck sur le Mauna Kea à Hawaï, chacun avec un miroirmiroir collecteur de 10 mètres de diamètre, et les quatre télescopes du Very Large TelescopeVery Large Telescope de l'Observatoire européen austral au Chili chacun d'un diamètre de huit mètres. Je me souviens de l'émotion qui m'a saisi lorsque j'ai vu l'un des grands miroirs de huit mètres lors de son polissage par la société Sagem-Reosc, plus de 50 mètres carrés de surface collectrice poli avec une précision telle qu'à l'échelle de la terre les irrégularités du miroir ne seraient que de quelques centimètres ! Émotion de nouveau en contemplant les quatre télescopes VLT depuis la plateforme de l'Observatoire Paranal, véritable cathédrale de la science, fenêtrefenêtre sur l'Univers.

    Figure 2 : Mille spectres de galaxies très distantes obtenus avec l'instrument Vimos sur le <em>Very Large Telescope</em> de l'Observatoire européen austral. Chaque spectre contient l'information de distance et de composition en gaz et étoile d'une galaxie (encart à droite : agrandissement d'un spectre). © Domaine public
    Figure 2 : Mille spectres de galaxies très distantes obtenus avec l'instrument Vimos sur le Very Large Telescope de l'Observatoire européen austral. Chaque spectre contient l'information de distance et de composition en gaz et étoile d'une galaxie (encart à droite : agrandissement d'un spectre). © Domaine public

    Seul, un télescope n'est rien, il faut équiper son plan focal d'instruments toujours plus sophistiqués (Figure 2). Pour sonder l'Univers, j'ai proposé d'équiper l'un des télescopes de huit mètres du VLT d'un spectrographespectrographe multi objets capable de mesurer la distance et les propriétés de plusieurs centaines de galaxies simultanément. L'instrument Vimos (pour Visible Multi-Object Spectrograph) a été conçu et réalisé avec une équipe d'ingénieurs surdoués, sous ma responsabilité. Probablement le meilleur de sa catégorie, Vimos exploite pleinement l'œilœil gigantesque du VLT, plusieurs centaines de spectresspectres simultanés, des centaines d'heures d'observations pour placer la communauté des astronomes européens en situation de leadership mondial dans les sondages de l'Univers profond. Plusieurs programmes de grands sondages sont en cours, un peu à la manière des poupées russes, sondages couvrant beaucoup de surface du ciel mais peu profonds, couplés a des sondages très profonds sur une petite surface.

    Le sondage VIMOS VLT Deep Survey que j'ai conduit avec une équipe de plus de 30 chercheurs, étudiants et postdoctorants, assemble des informations de distance sur plus de 100.000 galaxies, dans plusieurs cônes couvrant plus de 90 % de l'évolution de l'Univers. Nous avons montré comment les galaxies évoluent différentiellement suivant leur luminosité ou leur type elliptique, spiral ou irrégulier. Certains résultats sont particulièrement spectaculaires. Nous démontrons que d'importants effets d'environnement façonnent les galaxies, avec les galaxies elliptiquesgalaxies elliptiques préférentiellement dans les régions les plus denses, relation qui n'est pas innée mais se construit au cours du temps. De façon surprenante, nous avons trouvé davantage de galaxies dans l'Univers très distant, un à deux milliards d'années après le Big BangBig Bang, que ce que laissaient supposer les précédents sondages.

    Figure 8 : Galaxies très distantes identifiées par le sondage VVDS (cerclées), en nombre plus important que ce que l'on supposait auparavant (image CFHT-LS). © Domaine public
    Figure 8 : Galaxies très distantes identifiées par le sondage VVDS (cerclées), en nombre plus important que ce que l'on supposait auparavant (image CFHT-LS). © Domaine public

    Nous avons montré que cela était probablement dû au biais observationnel important de ces sondages, et que donc l'Univers était capable de former davantage d'étoiles dans des galaxies massives que ce que l'on supposait (Figure 8). De nombreux autres résultats ont été produits par le sondage VVDS, ainsi que par d'autres sondages complémentaires conduits en particulier par l'équipe Deep2 sur le télescope Keck.