Repérer le danger, c'est bien. L'éliminer, c'est mieux. Quelle serait la meilleure manière de se débarrasser d'un rocher de l'espace trop menaçant ? S'il était possible de connaître très précisément la date et l'heure d'arrivée d'un « astéroïde tueur », pourrait-on éviter la catastrophe ?

Dessin d'artiste d'un astronaute se posant sur une astéroïde. © NASA

Dessin d'artiste d'un astronaute se posant sur une astéroïde. © NASA 

Voici des plans de bataille possibles.

Pulvériser les astéroïdes dangereux

Nombre de physiciens s'accordent à dire que la seule façon de libérer assez d'énergie pour contrer rapidement les APD reste l'arme nucléaire, qui offre le meilleur rendement énergie/poids (le poids étant la contrainte principale lorsqu'on envoie une mission dans l'espace). Des lanceurs lourds, comme la fusée russe Proton ou l'européenne Ariane 5 pourraient être utilisés comme propulseurs - le programme américain Titan ayant été arrêté en 2005. Pour s'assurer que le ou les objets seraient pulvérisés et non pas fragmentés en morceaux qui pourraient retomber sur Terre, Edward Teller (le développeur de la bombe à hydrogène, décédé en 2003) a estimé simplement qu'il faudrait mettre suffisamment d'explosifs. D'autres pensent que si le remède était inefficace et que des fragments retombaient sur Terre, le résultat serait encore pire que si l'on n'avait rien fait. Des études récentes montrent que la chute d'une série de gros morceaux aurait des conséquences globales plus dévastatrices qu'un seul énorme bloc, en initiant de nombreuses conflagrations isolées qui finiraient par se fondre en une tempête de feu globale. Et bien sûr, les débris seraient radioactifs.

Une vue d'artiste d'un porteur de charges nucléaires pour pulvériser un astéroïde menaçant. © DR

Une vue d'artiste d'un porteur de charges nucléaires pour pulvériser un astéroïde menaçant. © DR

Dévier les astéroïdes

Pour éviter le danger de fracturer l'impacteur, d'autres chercheurs pensent que la meilleure méthode consisterait à le dévier de sa course. Là aussi, tout dépend du délai d'intervention. Les comètes à longue période détectées « sur le pas de la porte » exigeraient des poussées comprises entre quelques mètres et quelques centaines de mètres par seconde pour être déviées de leur trajectoire mortelle, tandis que pour les astéroïdes repérés des années à l'avance à plusieurs millions de kilomètres de distance, une poussée de quelques centimètres par seconde suffirait. En effet, à grande distance un tout petit angle de déviation fait diverger suffisamment la trajectoire, tandis qu'à faible distance, il faut une déviation nettement plus grande pour éviter la Terre. Johndale Solem, physicien à Los Alamos, a publié quantité d'articles sur les scénarios de déviation. Il affirme que la meilleure façon de dévier un géocroiseur serait l'explosion d'une bombe à neutrons déclenchée un peu au-dessus de la surface de l'astéroïde.

Écorcher les astéroïdes

Grâce à un miroir gonflable de 800 m, on concentrerait les rayons du Soleil sur un point de l'astéroïde. La surface s'échaufferait à plus de 1.000 °C et se mettrait à fondre, des panaches de vapeur jailliraient du corps céleste et fourniraient une poussée suffisante pour le dévier de sa route. On pourrait également utiliser un laser ultrapuissant.

« L’effet Yarkovsky »

Dans une toute autre approche, on peut envisager de modifier la trajectoire d'un bolide cosmique en jouant sur « l'effet Yarkovsky ». Ce dernier stipule que les propriétés physiques de la surface d'un astéroïde affectent la réflexion de la lumière solaire, et peuvent donc modifier son orbite. Il s'agirait donc de déverser une couche de poussière colorée d'un centimètre d'épaisseur à la surface de l'astéroïde (mais cela nécessiterait l'envoi de 250.000 tonnes de matériau, soit l'équivalent de 90 fusées Saturne V utilisées lors du programme Apollo). Le chercheur américain Joseph Spitale a par exemple proposé de saupoudrer un astéroïde de talc blanc ou de poussière noire afin de modifier son albédo. Les rayons solaires exerceraient sur lui une pression différente, suffisante pour le pousser hors de son chemin.

Des voiles solaires pour dévier un astéroïde. © DR

Des voiles solaires pour dévier un astéroïde. © DR

Voiliers de l'espace

La palme de l'idée la plus élégante dans le domaine revient aux voiles solaires. Le concept est simple : il s'agit d'utiliser la pression de radiation émise par le Soleil pour se déplacer dans l'espace à la manière d'un voilier. Plus la voile est grande et réfléchissante, plus grande est la force de propulsion. Une voile de 220.000 m² est nécessaire pour obtenir une poussée de 1 kg par m/s. La difficulté est de transporter la voile lors de sa mise en orbite, de l'arrimer à l'astéroïde, de la déployer et de la diriger dans le vide interplanétaire. Les études de faisabilité n'en sont qu'au stade expérimental.

Une vue d'artiste d'un vaisseau utilisé pour faire du remorquage gravitationnel. © Dan Durda

Une vue d'artiste d'un vaisseau utilisé pour faire du remorquage gravitationnel. © Dan Durda

Remorquage gravitationnel

La solution la moins difficile à mettre en œuvre a récemment été proposée par Edward Lu et Stanley Love, deux astronautes de la Nasa, membres de la fondation B612. Dans le cas où le danger de collision d'Apophis avec la Terre se préciserait après son passage en 2029, ils ont suggéré l'envoi, en 2027, d'un vaisseau spatial d'une tonne et de la taille d'une simple cabine Apollo à proximité immédiate d'Apophis, et de l'y maintenir en position au moyen de moteurs ioniques fonctionnant à l'énergie solaire. Selon leurs calculs, la seule force d'attraction entre les deux objets suffirait à dévier l'astéroïde des quelques centaines de mètres nécessaires afin qu'il manque en 2029 le « trou de serrure » de 600 m de diamètre qui le conduirait à percuter la Terre sept années plus tard. Le vaisseau agirait en quelque sorte comme un « vaisseau tracteur », utilisant simplement la gravité comme câble remorqueur, sans entrer en contact avec l'astéroïde. Cette méthode ne serait pas sensible aux propriétés physiques de la surface, ni à la structure interne et à la rotation de l'astéroïde. Le vaisseau aurait seulement besoin de rester en vol stationnaire, dans la direction du remorquage, tandis que l'astéroïde tournerait en dessous de lui.