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    Le programme Shenzhou

    Le programme Shenzhou

    Le programme ShenzhouShenzhou (Vaisseau Divin en chinois) est aussi connu sous le nom de Projet 921 (Project 921). L'explication, avancée par certains mais non officielle, serait que le 1 signifie Prioritaire et 92 l'année d'approbation du projet. C'est en effet le 7 avril 1992 qu'est rendu public ce projet ambitieux.  A l'époque, il préconise l'envoi d'une capsule habitée mais non pilotée avant la fin de la décennie et d'une navette pilotée avant 2020. Ces deux objectifs sont d'autant plus ambitieux que 20 années de travail et une collaboration internationale auront été nécessaires pour envoyer une première capsule inhabitée.

    Pourquoi aller dans l'Espace ?

    Bien qu'un projet d'envoi d'hommes dans l'espace ait déjà été poursuivi sous le nom Shuguang-1 vers la fin des années 60, celui-ci avait été abandonné pour raisons politiques en 1972. Les travaux se poursuivaient néanmoins dans la plus grande discrétion et en 1978, quelques photos étaient diffusées, montrant des candidats astronautes chinois à l'entraînement dans un simulateur de vaisseau spatial ressemblant au poste de pilotage d'une navette américaine. Parallèlement, une flotte de navires de récupération était mise en chantier. Mais en décembre de la même année, Wang Zhuanshan, secrétaire général de l'Agence spatiale chinoise et ingénieur en chef de l'Académie des Sciences indiquait que le premier vol habité était remis à une date indéterminée en raison de son coût.

    La conjoncture mondiale allait modifier cette position en 1985. A ce moment, les Etats-Unis élaboraient leur projet d'Initiative Stratégique de Défense (plus connu sous le nom de Guerre des Etoiles, ou IDS) et définissaient les plans de la station Freedom, devenue par la suite la Station Spatiale Internationale (ISS). L'Union Soviétique possédait sa station habitée MirMir, la navette Bourane et prévoyait la constructionconstruction de Mir-2 (qui n'a jamais été lancée). Elle élaborait par ailleurs son propre projet de Guerre des Etoiles. L'Europe, de son côté, développait la navette HermèsHermès (depuis abandonnée), et le Japon son propre véhicule spatial réutilisable Hope (resté à l'état de projet). Même l'Inde prenait le sujet très au sérieux (aujourd'hui elle lance ses propres satellites). Aussi en juillet 1985, Ren Xin Min, le principal expert chinois en matière de stratégie spatiale, a-t-il estimé que la Chine devait s'orienter elle aussi vers l'Espace, et construire sa propre station habitée. Avis conforté par l'argument selon lequel ce projet ambitieux entraînerait la mise au point de toute une technologie spatiale, y compris la construction et la mise au point de lanceurs modernes dont l'utilité militaire était loin d'être négligeable.

    Pléthore de projets

    Au printemps 1986, quatre membres du Comité permanent de l'Académie des Sciences de Chine (Wang Da Hang, Wang Ganchang, Yang Jiachi, Chen Fangyun) soumettait un programme en sept volets connu sous le nom de Project 863, englobant la biologie, l'astronautique, la technologie de l'information, la technologie militaire, l'automatisation, l'énergieénergie, et la science des matériaux. Un autre projet développé parallèlement, Project 863-2, se subdivisait en deux secteurs : 863-204 Space Transportation System, et 863-205 Space Station. Ce plan était accepté, et deux années étaient accordées aux bureaux d'experts afin d'en définir les caractéristiques.

    Deux mois plus tard, le groupe travaillant sur le projet 863-204 présentait 11 avant-projets, et les plans de ceux-ci étaient finalisés en 1988. Les propositions allaient de la navette spatiale ailée réutilisable à un ou deux étages à des conceptions plus modestes de capsule spatiale balistique. La dernière proposition présentée était celle du département 508 de la Fifth Academy (aujourd'hui Académie chinoise de Technologie spatiale), consistant en une capsule habitable, récupérée par parachuteparachute et réalisée selon un concept assimilable au vaisseau soviétique SoyouzSoyouz. Le département 508 arguait du fait que la Chine ne possédait pas encore la technologie nécessaire pour construire un véhicule ailé réutilisable, et que celui-ci, s'il était adopté, ne pourrait servir avant le 21e siècle. De plus, la mise en chantier d'une capsule pouvant jouer le rôle de véhicule de secours à la future station était indispensable.

    Une commission d'experts se réunit en juillet 1989 et approuva ce projet avec pour objectif un premier vol en 2000, sous réserve de poursuivre l'étude et le développement d'un véhicule ailé réutilisable à deux étages devant voler à l'horizon 2015. Un rapport fut soumis au gouvernement.

    Ce rapport n'impressionna cependant pas le Président chinois Deng Xiaoping, qui l'estimait trop ambitieux et pria les ingénieurs de retourner à leurs planches à dessin.

    On reprend tout...

    En janvier 1991, le Ministère de l'AirAir mettait en place un département spécifique au programme spatial avec Liu Jiyuan à sa tête. Les choses se mettaient alors à bouger très rapidement. Le 15 mars, Ren Xin Min, qui dirigeait toujours le projet 863, présentait un nouveau programme qui s'appuyait sur le même principe de capsule récupérable, mais lancée au moyen d'une fuséefusée existante, la CZ-2E (Longue Marche 2E).

    Dans la foulée, la First Academy (aujourd'hui l'Académie chinoise des lanceurs spatiaux) proposait une conception du vaisseau à trois modules à l'instar du Soyouz : module orbital habitable à l'avant, module de rentrée au centre et module de service (équipements et moteurs) à l'arrière. Mais toute comparaison s'arrête là et des différences importantes sont observées. Alors que le module orbital russe est largué avant la rentrée atmosphérique et perdu, celui du vaisseau chinois est beaucoup plus grand et peut être équipé de divers appareillages scientifiques ou d'observation et travailler plusieurs mois encore de façon totalement autonome. Le module de rentrée étant aussi susceptible de prendre son autonomieautonomie (dans l'éventualité d'un incident post-séparationséparation), deux jeux de panneaux solaires devenaient indispensables, une paire sur chaque module, alors que le Soyouz russe n'est équipé que d'une seule paire.

    Cette conception était mise en compétition avec deux autres. La première prévoyait le module de rentrée à l'avant, le module orbital au centre et le module de service à l'arrière, le passage entre les deux parties habitables se faisant par un tunnel monté à l'extérieur. La deuxième faisait l'impasse sur le module orbital et prévoyait un module de rentrée plus grand, ainsi qu'un module de service. Très logiquement, le premier des trois projets fut préféré et désigné le 8 janvier 1992.

    Présenté le 1er août 1992, le projet final incluant le planning des vols était définitivement adopté le 21 septembre. Il s'exposait comme suit :

    La phase 1 prévoyait le lancement de deux modèles de vol sans équipage suivis du premier vol habité en 2002.

    La phase 2 débuterait en 2007 et se poursuivrait avec une série de vols afin de tester et d'éprouver la technologie des rendez-vous et arrimages en orbiteorbite, ainsi que l'expérimentation d'un module laboratoire de 8 tonnes préfigurant une station spatiale.

    La phase 3 prévoit la mise en orbite entre 2010-2015 d'un module de 20 tonnes aménagé en station spatiale et desservi par des équipages au moyen de vaisseaux lancés par la fusée Longue Marche.

    Le projet 921 était né, et l'Académie chinoise des Lanceurs spatiaux se vit attribuer la tâche de qualifier le lanceur pour les vols habitésvols habités. Longue Marche 2E devint ainsi Longue Marche 2F.

    La construction du vaisseau

    En mai 1991, la Russie proposait son aide à la Chine pour l'élaboration du futur vaisseau spatial. Une présentation fut organisée afin d'instruire les décideurs chinois sur le potentiel et les capacités du Soyouz. Par la suite, une équipe de 20 ingénieurs chinois effectua un stage en Russie de 1992 à 1994. En septembre 1994, le Président chinois Jiang Zemin visitait le centre de contrôle des vols russes à Kaliningrad et en revenait plein d'espoir pour une future coopération. Celle-ci se matérialisait en mars 1995, lorsqu'un accord de transfert de technologie entre les deux pays était conclu.

    Cet accord portait sur l'entraînement des astronautes chinois en Russie, l'aide dans la mise au point de diverses technologies du vaisseau ainsi que du support vie, le dispositif d'arrimage androgyne ainsi que les scaphandres spatiaux. En 1996, deux astronautes chinois, Wu Jie et Li Qinglong, commençaient leur entraînement à la Cité des Etoiles près de Moscou. Cette phase terminée, ils devaient retourner en Chine où ils participeraient à la sélection et à l'entraînement de 12 candidats.

    La construction proprement dite du vaisseau commença en août 1995 avec quatre modèles de test, deux étant destinés aux essais de structure, un à la mise au point de l'équipement électrique et le dernier à des essais thermiques. De nombreuses difficultés étaient alors rencontrées, car si le nouveau vaisseau apparaissait comme une copie agrandie du Soyouz, le bouclier thermique, notamment ne satisfaisait pas car il n'était pas adapté à une telle massemasse. Il dut notamment subir des modifications importantes dans les zones critiques, comme autour des hublots. Les essais de la tour de sauvetage (perchée sur la capsule) échouaient systématiquement et sa mise au point exigea à elle seule deux années de travail. Finalement, ces modifications et bien d'autres amenèrent un excédent de poids de 900 kgkg, rendant au passage l'ensemble à nouveau incompatible avec la tour de sauvetage, redevenu incapable d'enlever une telle surcharge...

    Gros plan sur la "tour de sauvetage" de Shenzhou. Crédit Agence spatiale chinoise

    Gros plan sur la "tour de sauvetage" de Shenzhou. Crédit Agence spatiale chinoise

    Un programme d'amaigrissement fut engagé, et n'aboutit qu'en mai 1998. Finalement, le premier essai réussi de la tour de sauvetage avec le vaisseau définitif n'était accompli que le 18 octobre 1998.

    En juin 1999, la Chine annonçait le premier vol d'essai de son vaisseau à vide serait effectué en octobre, En juillet, une flotte de navires de récupération se déployait en mer (bien que le vaisseau soit destiné à atterrir, il conserve de bonnes capacités de flottaison pour les cas d'urgence).

    Entretemps, de sérieux problèmes étaient rencontrés à bord du module orbital, et il fallut se rendre à l'évidence : le vaisseau ne serait pas prêt à temps. Aussi fut-il décidé de remplacer ce module orbital par le modèle destiné aux tests électriques au sol, qui à l'origine n'était pas prévu pour voler. Cette modification entraîna cependant un retard de 49 jours.

    Le 20 novembre 1999, La fusée Longue Marche 2F décollait enfin de la base de Jiuquan, et plaçait le vaisseau Shenzhou-1 en orbite. Le Président chinois Jiang Zemin avait tenu à le baptiser lui-même, Shenzhou signifiant "Vaisseau divin", "Vaisseau de Dieu" ou même "Divine mécanique".