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La propulsion chimique cryogénique

La propulsion chimique cryogénique

Dans un moteur « chimique » l'énergie nécessaire à l'expulsion des gaz de propulsion à très grande vitesse par la tuyère provient d'une réaction de combustion entre un carburant et un comburant (les deux composants du propergol). Les moteurs chimiques les plus performants, c'est-à-dire ceux qui, pour délivrer une poussée donnée, consomment le moins de propergol par seconde, sont ceux fonctionnant avec le couple hydrogène - oxygène. Dans les conditions du vide spatial, 1 tonne de ce couple permet de produire une poussée de 1 tonne-force pendant 460 s (cette durée est appelée impulsion spécifique du moteur).

Schéma d'un moteur chimique à ergols liquides

Schéma d'un moteur chimique à ergols liquides

Ces deux corps, gazeux à la température ordinaire, sont stockés sous forme liquide dans les réservoirs de la fusée. On les appelle cryogéniques (qui génèrent du froid) car les maintenir à l'état liquide nécessite des températures extrêmement basses : -253°C pour l'hydrogène, -182°C pour l'oxygène. Ceci impose de recouvrir les réservoirs de matériaux isolants particulièrement efficaces. Une autre caractéristique de ce propergol, déterminante pour l'architecture des fusées, est la très faible densité de l'hydrogène liquide : 1000 litres (1 m3) ne représentent que 70 kg, contre 1000 pour l'eau ! Le réservoir d'hydrogène est donc très grand.

Moteur principal de la navette. Crédits : Nasa

Moteur principal de la navette. Crédits : Nasa

Comment fonctionne un tel propulseur ? On peut distinguer trois fonctions principales : alimentation du moteur en ergols, apport d'énergie (par combustion de ces ergols) et éjection des gaz à haute température et haute pression ainsi produits.

  • L'alimentation consiste à soutirer les ergols dans les réservoirs, où ils sont maintenus en légère surpression (de l'ordre de 1 bar), pour les injecter à grand débit (par exemple 270 kg/s dans le cas du Vulcain 2 d'Ariane 5) et à très haute pression (une à plusieurs centaines de bars) dans la chambre de combustion. Plus la pression de la chambre est élevée, plus il est possible de réduire la taille et la masse du moteur (elle est de 110 bars pour le Vulcain 2, 205 pour le SSME de la navette !). La mise en surpression, avec les débits considérables en jeu, est assurée par des pompes entraînées par une ou deux puissantes turbines (5 000 et 16 000 chevaux pour le Vulcain 2), elles-mêmes entraînées par des gaz chauds. Dans les moteurs les moins compliqués, ces gaz sont produits par un générateur de gaz, petite chambre de combustion annexe alimentée par des dérivations des circuits d'alimentation principaux (voir schéma).
  • La combustion a lieu dans la chambre ou foyer, le cœur du moteur, qui doit résister à des températures atteignant 3300°C ! L'astuce consiste à injecter l'hydrogène en bas de la chambre et à le faire circuler à contre-courant dans une double paroi. On parvient ainsi à maintenir la paroi de la chambre à une température supportable, tout en réchauffant l'hydrogène avant son entrée dans le foyer de combustion. Les deux ergols pénètrent dans la chambre au travers de la plaque d'injection, sorte de « pomme d'arrosoir » sophistiquée, qui doit permettre un mélange très rapide des deux fluides, afin que la combustion soit terminée avant l'éjection.
Le moteur Vulcain de la fusée Ariane 5 utilise la propulsion cryogénique

Le moteur Vulcain de la fusée Ariane 5 utilise la propulsion cryogénique
  • L'éjection à lieu au travers de la tuyère, dont la forme est optimisée pour obtenir la meilleure mise en vitesse des gaz de la chambre, avec le minimum de pertes. Cette tuyère doit aussi être refroidie, mais divers procédés peuvent être appliqués suivant la partie où l'on se trouve, la température décroissant au fur et à mesure de la détente. Ainsi, la partie aval du divergent peut être refroidie par simple rayonnement.

Pour l'application martienne, l'avantage déterminant de la propulsion cryogénique est d'être parfaitement maîtrisée. Elle est utilisée non seulement sur la navette, mais aussi sur des lanceurs commerciaux, comme Ariane 5. Son choix ne nécessiterait donc pas de nouveaux développements ; on utiliserait des moteurs existants. On y gagnerait donc en coût et en sécurité. Un autre atout est son fort niveau de poussée, qui permet de réduire les pertes par gravité qui se produisent lorsque les moteurs sont de plus faible poussée et que la durée de la manœuvre de propulsion doit être prolongée. Enfin, sa masse à vide (masse du système sans les ergols) est la plus faible. Par contre, à poussée égale, elle consomme deux fois plus que la propulsion nucléothermique et de 10 à 30 fois plus que la propulsion électrique ! Ces deux caractéristiques (masse à vide et consommation) interviennent au premier chef dans le dimensionnement du vaisseau (masse initiale en orbite terrestre).