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Huygens 2, et une Europe spatiale affaiblie
Roger-Maurice BonnetRoger-Maurice Bonnet : Moi, j'ai toujours dit que les résultats de cette mission, et ils sont spectaculaires, inciteront rapidement les scientifiques à penser à son successeur. D'ailleurs la Nasa n'a pas attendu et a déjà commencé à y travailler. Mais c'est l'Europe qui a fait cette mission, et en Europe, aujourd'hui, il n'y a - hélas - pas de relève.
Roger-Maurice Bonnet : Non seulement il n'y a pas de projet défini pour cela, mais il n'y a pas nécessairement les scientifiques compétents pour construire les instruments.
Roger-Maurice Bonnet : Certes, mais ce n'est pas seulement une question d'argent. En France plus particulièrement, mais pas seulement en France, nous ne formons pas et ne promouvons pas les scientifiques capables de construire l'instrumentation spatiale requise.
Roger-Maurice Bonnet : Non ! Cela affecte Huygens, mais aussi toutes les autres missions spatiales du futur.
© Eso
Roger-Maurice Bonnet : C'est aberrant dans le système français en tout cas. Ce sont les comités d'évaluation des carrières des scientifiques qui considèrent qu'il faut des publications en grand nombre pour avoir sa thèse et donc un poste. Or quand on développe des instruments, on n'a pas beaucoup de chances de produire beaucoup de publications car elles sont plus longues et plus risquées à produire que dans le cadre d'un travail théorique ou simplement d'analyse : développer des instruments scientifiques nouveaux, c'est d'abord tâtonner, et vous ne faites pas de publications sur des tâtonnements. Il n'y a pas de résultats à exploiter immédiatement.
Les jeunes scientifiques considèrent cette activité trop risquée ! Il leur faut passer une thèse en trois ans, or on ne développe généralement pas une instrumentation nouvelle dans ce laps de temps surtout pour l'espace. Alors, pourquoi les jeunes étudiants s'engageraient-ils dans cette aventure ? Peut-être Huygens va-t-il créer un sursaut ? J'ai écrit récemment un article pour le journal Le Monde décrivant exactement ce problème.
Roger-Maurice Bonnet : Aux Etats-Unis c'est différent, parce qu'il y a d'autres politiques, et que l'on sait très bien que l'innovation vient de la recherche, et que ce n'est pas seulement en étant cloué le derrière sur sa chaise devant un ordinateurordinateur qu'on fait de la recherche. On fait de la recherche dans les laboratoires, dans les instituts et dans l'industrie, alors qu'en France, mais je crois que cela atteint aussi d'autres pays, on fait de la recherche en regardant les données obtenues par d'autres sur son ordinateur. Parce que cela n'est pas risqué, et qu'en trois ans, on a un petit diplôme. Sans grande valeur d'ailleurs. Qui éventuellement vous permettra de gagner votre vie ou d'accroître le nombre de chômeurs de notre discipline.