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    Huygens, un immense succés européen vers un monde mystérieux

    Huygens, un immense succés européen vers un monde mystérieux

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    Je crois qu'actuellement, vous devez être sur un petit nuagenuage, après un succès aussi complet que celui de Huygens.

    Roger-Maurice BonnetRoger-Maurice Bonnet : Sur un nuage de méthane, oui.

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    Est-ce que vous vous attendiez à une telle réussite ?

    Roger-Maurice Bonnet : Quand les choses marchent, elles marchent complètement. Il y avait quand même beaucoup de risques pris... une mission est risquée intrinsèquement, mais ces risques ont été pris en compte dans la définition de la mission. A vrai dire, mon plus grand souci était la séquence d'ouverture des parachutesparachutes. Il y en a trois qui s'ouvrent successivement, à différentes altitudes pour freiner la descente et amortir près du sol la chute de la sonde à une vitesse de 4 mètres par seconde seulement. Une telle séquence n'est pas banale en soi, on ne fait pas cela souvent, et en plus, à un milliard deux cent millions de kilomètres de la Terre !

    Il y avait donc une part d'incertitude. Mais je dois dire que les ingénieurs et techniciens de la société Martin Baker en Angleterre, responsables du système de parachutage, et qui construisaient à l'époque où on a lancé Huygens, les parachutes et sièges éjectables des pilotes de chasse, ont fait un travail de première qualité. Je regrette qu'ils ne soient plus là pour pouvoir les féliciter. Vraiment, c'est remarquable et cette séquence s'est déroulée de façon nominale.

    L'autre partie risquée était le fonctionnement des instruments scientifiques d'une rare complexité, une complexité qui donnait effectivement des inquiétudes. Et ils ont tous marché nominalement également. Les résultats obtenus sont d'une qualité remarquable. Ayant suivi particulièrement le développement des instruments scientifiques depuis le démarrage de la mission, je peux dire qu'il y en avait certains sur lesquels je n'aurais vraiment pas parié ma tête !

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    Et ça a bien marché ?

    Roger-Maurice Bonnet : Et ça a très bien marché. Pour tous !

    La seule petite ombre au tableau vient en partie du non-respect par l'équipe de la caméra du principe de redondance. Plutôt que de transmettre deux fois les mêmes données sur deux canaux en parallèle, ils ont transmis une partie des données sur un canal et l'autre partie sur l'autre canal redondant de façon à avoir deux fois plus d'informations. Puisqu'il y a un canal qui n'a pas fonctionné - qui n'a pas été mis en route, en fait - par une erreur humaine dans l'envoi des commandes, une partie des données a été perdue.

    <br />&copy;Nasa/Jpl/Caltech

    ©Nasa/Jpl/Caltech

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    J'ai lu dans un journal hollandais (quotidien NRC Handelsblad du 18-01-2005) ce matin que la moitié des 700 images n'ont pas été transmises suite à l'oubli d'activation d'un des deux canaux.

    Roger-Maurice Bonnet : C'est cela, oui. C'est une erreur dans la procédure d'envoi des commandes qui prive l'équipe d'imagerie de la moitié des données qu'ils avaient réparties sur les deux canaux au lieu de transmettre sur les deux la même série d'images, certes deux fois plus petite mais cohérente. Je suis persuadé néanmoins que ce hiatus sera surmonté lors de la phase de traitement des images reçues.

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    Et il était impossible de le réactiver après le départ de la sonde ?

    Roger-Maurice Bonnet : Oui, parce qu'en raison de la distance et du temps de propagation des ondes entre SaturneSaturne et la Terre (je crois qu'il y a 134 minutes aller et retour) les commandes étaient enregistrées et envoyées par le minuteur de bord. On ne s'est rendu compte du problème que lorsqu'on a reçu les signaux en provenance de Cassini et qui montraient qu'il n'y avait qu'un seul transmetteur qui émettait. Au moment où on a reçu cette information, on était pratiquement sur TitanTitan, c'était trop tard.

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    Quel type de lumière baigne Titan ? Est-ce qu'on pourrait la comparer à une situation terrestre ?

    &copy; Eso
    © Eso

    Roger-Maurice Bonnet : C'est à peu près 100 fois plus brillant qu'un clair de Lune. Ce n'est pas mal, mais il y a en plus du brouillardbrouillard et des nuages sur Titan ce qui explique pourquoi les images reçues ont un contrastecontraste faible, sans ombres portées. On est vraiment dans le brouillard, sans repères connus ou identifiables facilement. Il est donc un peu difficile de comprendre ce qu'on voit, mais je suis certain que les scientifiques nous fourniront rapidement des informations détaillées lorsque les images auront été analysées.

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    Quelle est la nature des hydrocarbures du sol ? Lorsqu'on parle d'hydrocarbures, le public pense immédiatement au pétrole, mais je suppose que c'est complètement différent ?

    Roger-Maurice Bonnet : On serait bien content de l'avoir sur Terre ! Il y a du méthane, il y a de l'eau, apparemment sous forme de glace, il y a de l'azoteazote. Mais les hydrocarbures en question, c'est surtout du méthane et de l'éthane.

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    Pourrait-on envisager un jour de l'utiliser pour alimenter les moteurs d'une fuséefusée ?

    Roger-Maurice Bonnet : Pour cela il faudrait aussi de l'oxygèneoxygène, mais sur Titan, il n'y a apparemment pas d'oxygène. Il y en a dans l'eau, mais je ne connais pas la quantité d'eau détectée. Et elle est sous forme de glace révélée par les spectromètresspectromètres du système d'imagerie. Les « cailloux » que l'on voit à la surface seraient en fait des blocs de glace d'eau, très dure aux températures qui règnent sur Titan.

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    Sait-on combien de temps Huygens a émis depuis le sol de Titan ?

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    ©Nasa/Jpl/Caltech

    Roger-Maurice Bonnet : Oui. Cassini a reçu ses signaux de 11h38 à 12 50 soit une heure et douze minutes, et les radiotélescopesradiotélescopes terrestres pendant au moins dix heures après la mise en route des batteries. On est encore en train d'en analyser les signaux et il faudra plusieurs semaines avant de savoir exactement combien de temps au total elles ont fonctioné..

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    Donc les batteries ont tenu le coup pendant tout ce temps ?

    Roger-Maurice Bonnet : Il y avait à bord de Huygens cinq batteries, dont trois seulement étaient requises et deux étaient là en réserve en cas de déficience. Elles ont toutes fonctionné, donc on a eu au moins dix heures de signaux. Les données sont fractionnées entre tous les radiotélescopes sur Terre, elles sont en cours de traitement.