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Pour une anthropologue issue de l'archéologie préventive (Inrap, Institut national des recherches archéologiques préventives), habituée aux cimetières paroissiaux et à ses populations anonymes, les rendez-vous avec des acteurs de l'histoire sont plutôt rares. Et, lorsqu'ils ont des origines aussi légères et ludiques qu'une émission de télévision, l'aventure scientifique n'en est que plus piquante.
C'est ainsi que je dois ma rencontre avec Arégonde, reine mérovingienne, à un projet de la chaîne américaine History Channel, concrétisé par le documentaire The Da Vinci Code : Bloodlines programmé dans la série portée par l'animateur Josh Bernstein : Digging for the Truth (« À la recherche de la vérité » sur la chaîne Planète).
Souhaitant démystifier les liens de descendance supposés entre Jésus, Marie-Madeleine et les rois mérovingiens, induits dans le roman de Dan Brown, Da Vinci Code, l'équipe américaine est entrée en contact avec Patrick Périn, spécialiste du monde mérovingien et directeur du Musée d'archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye (fig. 1). Les journalistes étaient à la recherche de restes osseux ayant appartenu à des souverains mérovingiens pour en analyser l'ADN ancien. Cependant, seul le squelette de la reine Arégonde, ayant vécu dans le courant du VIe siècle, était accessible et a pu servir de support au discours de l'émission (fig. 2).
Des objets royaux dans la nécropole de la basilique de Saint-Denis
En s'intéressant aux restes d'Arégonde qui venaient d'être retrouvés après une disparition de quatre décennies, et en proposant son analyse génétique, l'entreprise télévisée précédait, sans le savoir, le démarrage d'une grande étude autour de la reine. Cette étude avait, en réalité, commencé dès 2000 avec un programme consacré aux objets métalliques cloisonnés ou sertis de grenats, et avait pour ambition d'englober toutes les découvertes faites dans la nécropole mérovingienne de la basilique royale de Saint-Denis en Seine-Saint-Denis (fig. 3). Elle s'est poursuivie en 2005 en réunissant une importante équipe de spécialistes s'intéressant aux textiles, aux teintures, aux cuirs, aux métauxmétaux précieux et aux gemmesgemmes, à l'anthropologie biologique ainsi qu'à la génétique. Sous la direction de Patrick Périn, cette équipe idéale a renforcé l'histoire des rois de France en la complétant par celle d'Arégonde, souveraine mérovingienne.
Ainsi chargée de l'examen biologique du corps d'Arégonde, je n'aurais pu mener à bien ce travail sans une étroite collaboration avec mon laboratoire d'accueil : le laboratoire d'anthropologie biologique dirigé par Luc Buchet au Cepam-CNRS (Culture et Environnement. Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge) à Nice Sophia Antipolis. Associés à Luc Buchet, Claude Rücker, parodontologue, et Yves Darton, chirurgien des hôpitaux, nous avons tenté de reconstituer un portrait physique, une identité et un bilan de santé de la reine, en complétant la recherche génétiquegénétique menée par l'équipe du professeur Jean-Jacques Cassiman, au Center Human Genetics de l'université de Louvain (Belgique).