Les deux derniers prix Nobel de physique sont d’accord. Imaginer relocaliser notre civilisation ailleurs dans l’univers n’a pas de sens. Pourtant des chercheurs étudient très sérieusement l’éventualité de lancer l’humanité dans un voyage interstellaire. De nombreuses questions restent en suspens.


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    « C'est complètement fou », avait estimé au mois d'octobre dernier, Michel Mayor, prix Nobel de physique 2019. Un avis partagé il y a quelques jours encore par son comparse, Didier Queloz. « Les étoiles sont tellement loin de nous que je ne pense pas que nous ayons une chance de nous échapper de notre Planète. » Pourtant, certains scientifiques continuent d'étudier tout à fait sérieusement la question. En juin dernier, un premier « atelier interstellaire » a même été organisé par l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA).

    En effet, si Mars semble accessible, notre voisine est cependant déserte, froide et donc, sans réel intérêt pour notre civilisation. C'est pourquoi les chercheurs qui envisagent de « relocaliser » l'humanité pensent plutôt aux étoiles. Même s'il s'agit dans un premier temps de Proxima du Centaure, la plus proche de nous. Une étoile autour de laquelle orbite une planète semblable à notre Terre nommée ProximaProxima b.

    Le projet Breakthrough Starshot prévoit d'ailleurs d'y envoyer des sondes de reconnaissance. Des engins ne pesant que quelques grammes et propulsés, depuis notre Planète, par un laser extrêmement puissant. Le tout pour un temps de trajet estimé à une vingtaine d'années seulement. Mais les estimations les plus optimistes prévoient qu'un vaisseau transportant des humaines mettrait 1.000 ans -- voire plus -- à arriver à destination.

    Combien de personnes embarquer dans un voyage interstellaire ?

    On comprend donc aisément que la question de la faisabilité d'une telle expédition se pose à bien des niveaux. Aussi bien d'un point de vue de la technologie que de la biologie, de la psychologie, de la sociologie ou même de la philosophie.

    Frédéric Marin, un astrophysicienastrophysicien de l'université de Strasbourg (France), a estimé utile, comme point de départpoint de départ, de se questionner quant à la taille de l'équipage initial d'un voyage interstellaire. Se basant sur des données biologiques, anthropométriques, anthropologiques et mathématiques, il a mis au point un logiciellogiciel capable de simuler la croissance d'une population humaine isolée et de prédire sa diversité génétiquegénétique après plusieurs générations. C'est ainsi qu'en 2018, il a calculé que seulement 98 personnes suffiraient au départ de la Terre pour peupler Proxima b après 6.300 ans de voyage.

    Le chercheur s'est ensuite intéressé à la taille -- et plus largement à la géométrie -- de l'engin nécessaire à une telle expédition. Du point de vue de l'espace nécessaire pour ses habitants, mais aussi de l'espace nécessaire à la production de nourriture. Il suggère d'opter pour un cylindre de 25 mètres de haut, mais d'un rayon de 224 mètres. Un cylindre en rotation qui permettra de recréer une gravité artificielle indispensable au bon fonctionnement biologique de l'être humain.

    Lorsqu’on évoque la possibilité d’un voyage interstellaire, certains astronomes rappellent qu’au-delà de la magnétosphère de la Terre, les passagers d’un engin à route pour les étoiles seraient soumis à de dangereux flus de particules énergétiques. © brand. punkt, Adobe Stock
    Lorsqu’on évoque la possibilité d’un voyage interstellaire, certains astronomes rappellent qu’au-delà de la magnétosphère de la Terre, les passagers d’un engin à route pour les étoiles seraient soumis à de dangereux flus de particules énergétiques. © brand. punkt, Adobe Stock

    Des difficultés insurmontables ?

    Parmi les autres questions qui se posent, notons par exemple celles soulevées par Neil Levy, chercheur en philosophie et en éthique à l'université d'Oxford (Royaume-Uni) notamment. Avons-nous le droit d'imposer à plusieurs générations le choix d'une seule de quitter la Terre dans un voyage sans retour ? Avons-nous le droit de contraindre leur avenir aux quelques carrières seulement accessibles à bord ?

    Des linguistes estiment quant à eux que, même si l'on continuait à les enseigner à bord, les langues dévieraient vers un dialecte unique à chaque vaisseau unique. Ce qui poserait problème si plusieurs engins devaient se retrouver à terme sur une planète éloignée.

    Et c'est sans parler des ressources économiques et matérielles dont nous aurions besoin pour construire de telles missions interstellaires. Notre Terre n'y suffirait pas, affirment certains spécialistes.

    En 50 ans, nous ne sommes pas allés bien loin...

    Autant de raisons qui font que beaucoup estiment l'entreprise totalement irréaliste. « En 50 ans, nous ne sommes pas allés plus loin que dans les années 1960. Alors, imaginez ce que nous ferons dans 50 ans... », ironise Paul Sutter, astrophysicien à l'université de l'État de l'Ohio (États-Unis), soulignant tant les difficultés techniques que les coûts d'hypothétiques missions interstellaires. Quant à Avi Loeb, le président du comité consultatif du projet Breakthrough Starshot, il estime l'entreprise bien trop risquée. Et préfère envisager la colonisation de l'univers par le biais d'intelligences artificiellesintelligences artificielles capables de construire ailleurs, des cellules biologiques qui permettraient, en quelque sorte, à la vie de repartir de zéro.