Alors que le champ magnétique terrestre nous protège efficacement contre les radiations solaires, ce ne sera pas le cas pour les astronautes qui s’aventureront vers la Lune et peut-être, un jour, vers Mars. Pour protéger leur santé, voire leur vie, une société a crée un plastron que les astronautes de l’ISS ont eu l’occasion de tester ces derniers mois.

Au soir du lundi 9 janvier, un vaisseau cargo Dragon de SpaceX s'est désarimé de l'ISS pour retourner sur Terre. L'amerrissage est prévu mercredi 11. Pas d'hommes à bord de cette capsule, mais environ deux tonnes de matériel et de résultats scientifiques. Parmi eux, un drôle de gilet de protection que les astronautes de l'ISS ont testé de manière quotidienne.

Des rayonnements cosmiques nocifs pour les astronautes

Si l'objet fait penser à un gilet pare-balle, ce n'est évidemment pas contre ce type de menace qu'il a été développé. Ce plastron nommé AstrorRad vise en effet à empêcher les particules émises lors d'éruptions solaires d'atteindre les organes vitaux des astronautes.

Car, si la Terre, et plus précisément le champ magnétique qu'elle produit, nous protège efficacement contre ce type de rayonnement cosmique, les astronautes effectuant un voyage hors de la sphère de protection terrestre risquent gros. En effet, l'exposition à ces rayonnements peut entraîner des dommages importants aux cellules vivantes et notamment à l'ADN. Cataracte, cancer, stérilité... sans parler des effets bien plus nocifs, voire mortels en cas d'exposition à une importante éruption solaire.

Le champ magnétique terrestre nous protège des radiations émises par le Soleil, ce qui n'est pas le cas des astronautes. © Nasa
Le champ magnétique terrestre nous protège des radiations émises par le Soleil, ce qui n'est pas le cas des astronautes. © Nasa

Si les astronautes orbitant autour de la Terre dans l'ISS apparaissent relativement protégés par le champ magnétique terrestre, ce ne sera pas le cas des astronautes des futures missions Artemis et encore moins de ceux qui auront peut-être la chance d'aller sur Mars dans quelques décennies. D'où l'importance de trouver des moyens de protection fiables.

Tester l’usage quotidien et le confort du plastron Astrorad

C'est donc l'objectif de l'AstroRad, développé par la société Lockheed Martin et l'agence spatiale allemande DLR. Le projet existe depuis 2017 mais c'est la première fois que les astronautes ont eu l'occasion de l'essayer en conditions réelles d'apesanteur. Le but, cette fois, n'a pas été de tester son efficacité contre les radiations solaires, mais de déterminer s'il s'agit d'une protection supportable quotidiennement.

Le gilet AstroRad dans l'ISS lors des tests réalisés par les astronautes © Nasa, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
Le gilet AstroRad dans l'ISS lors des tests réalisés par les astronautes © Nasa, Wikimedia Commons, domaine public

Les astronautes de l'ISS ont donc porté ce plastron en continu pour voir s'il entravait leurs gestes, notamment lors de la réalisation de tâches courantes comme le déchargement de cargaison, la réalisation d'expériences, ou encore s'ils pouvaient facilement dormir avec. Les spécialistes vont désormais étudier leurs comptes-rendus et évaluer le confort de ce prototype et effectuer si nécessaire des modifications.

Si les tests sont concluants, ce genre de dispositif pourrait certainement équiper les futures membres de la mission Artemis 2, qui effectueront un voyage autour de la Lune en 2024.


Le rayonnement galactique, un danger pour les astronautes au long cours

Alors que de précédentes études montraient que les radiations n'étaient pas un frein pour les voyages spatiaux, une équipe de scientifiques démontre le contraire, en s'intéressant aux évolutions futures de la densité du champ magnétique solaire.

Article de Rémy Decourt, publié le 10 décembre 2014

Si l'on se fie aux différents programmes en cours au sein des principales agences spatiales, les voyages dans l'espace sont à portée de main. Une très grande partie de la technologie nécessaire est mûre, les véhicules spatiaux prennent forme et les programmes précurseurs portant sur les technologies et démonstrations liées aux vols habités s'intensifient.

Mais la météo spatiale pourrait bien freiner cet élan. Ce problème est pris très au sérieux par les agences spatiales. Une étude menée par une équipe de chercheurs sous la direction de Nathan Schwadron, de l'université du New Hampshire, est parvenue à la conclusion que l'époque dans laquelle nous vivons n'est pas la plus propice aux vols habités. En cause, le champ magnétique solaire, généré par l'activité du Soleil, qui forme une barrière naturelle contre le rayonnement galactique, c'est-à-dire venant de l'extérieur du Système solaire. Il jouerait actuellement moins bien son rôle.

Les astronautes du programme Apollo, comme Alan B. Shepard Jr (Apollo 14), ont bénéficié d’une météorologie spatiale accommodante, de sorte qu'aucun d'entre eux n'a été affecté par une maladie liée à une dose trop élevée de rayonnements. © Nasa

La faible protection du Soleil pourrait s'éterniser

Ce rayonnement est constitué d'un mélange de photons à hautes énergies et de particules subatomiques, le tout accéléré à des vitesses proches de celle de la lumière par des événements violents comme les explosions de supernovae. Or, l'intensité du champ magnétique solaire varie au rythme des cycles de notre étoile. Ainsi, son effet répulsif et protecteur est plus élevé en période de forte activité.

Mais actuellement l'intensité de ce champ magnétique n'a pas la valeur attendue, atteignant des niveaux très bas qui n'avaient encore jamais été observés depuis le début de la conquête spatiale. Un phénomène directement lié à une activité solaire étonnamment faible. La sonde Lunar Reconnaissance Orbiter a ainsi mesuré les plus hauts taux de flux de rayonnement cosmique jamais enregistrés à l'intérieur du Système solaire. Certes, cela n'empêchera pas les vols habités mais ce danger en limitera la durée et donc les distances susceptibles d'être parcourues.

Concrètement, en tenant compte des critères d'expositions aux radiations au-delà desquels la Nasa n'autorise plus les séjours dans l'espace, un astronaute de 30 ans voyageant dans l'espace protégé par un blindage en aluminium d'une masse de 10 g/cm2 pourrait vivre et travailler hors de la magnétosphère terrestre pendant 700 jours avant qu'il n'atteigne la dose limite de rayonnement reçu. Le même astronaute, au début des années 1990, aurait pu séjourner 1.000 jours dans l'espace !

Aujourd'hui, bien que le Soleil soit dans un cycle d’activité maximale, donc une période propice aux voyages entre les planètes, ce n'est pas le moment d'y aller. En effet, le maximum solaire de 2011 à 2014 est le plus faible depuis un siècle, ce qui expose le Système solaire à une quantité inhabituelle de rayons cosmiques. À l'avenir, cette situation pourrait empirer si, comme certains chercheurs le soupçonnent, le Soleil entre dans une longue phase de cycles solaires caractérisés par de faibles périodes d'activité maximale et des durée d'activité minimale durant plus longtemps que les moyennes historiques.