Des nombreuses structures géologiques formées par des réactions chimiques ressemblent comme deux gouttes d’eau à des fossiles de microbes, d’animaux ou de champignons. Une grave source de confusion qui nécessite de prendre avec des pincettes toute nouvelle annonce de découverte de vie extraterrestre, préviennent deux chercheurs de l’université d’Édimbourg.

En 1858, un géologue découvre au Canada de mystérieuses stries blanches sur des roches riches en serpentine, qu'il interprète alors comme des fossiles d'animaux microscopiques datant d'une époque où la vie animale n'était pas censée exister. Quelques années plus tard, d'autres spécimens sont découverts et viennent ajouter de l'eau au moulin, certains scientifiques désignant alors ces traces biologiques sous le nom d'Eozoon canadense (« animal de l'aube du Canada »). Au fil des ans, on va finalement s'apercevoir que ces mystérieux fossiles n'étaient en réalité que des structures rocheuses dues à des déformations subies à très haute pression, défavorables à la vie.

Des traces de vie dans des météorites martiennes ?

Ce genre de confusions s'est répété à de très nombreuses reprises, des structures géologiques étant faussement interprétées comme fossiles biologiques. Des marques de drague ont ainsi été prises pour des traces de vers, des rosettes de pyrite comme des fossiles de méduses ou des boucles de boue autour de fissures de dessiccation comme des arthropodes. Cette confusion pose également problème dans l'exploration spatiale, où sont recherchés des indices de vie biologique. Dans les années 2000, un houleux débat a ainsi concerné la météorite martienne ALH84001, où l'on a retrouvé des carbonates et des cristaux de magnétite et de sulfures de fer ressemblant à s'y méprendre à ceux synthétisés par les bactéries terrestres dites magnétotactiques. Certains scientifiques ont pourtant fortement contesté l'hypothèse biologique avancée par la Nasa, expliquant les fossiles par des excroissances cristallines ou des protrusions liées à la dissolution partielle de la surface des carbonates.

Exemples de biomorphes organiques et inorganiques. © Criouet et al. 2021 / S.F. Jordan / Li et al. 2014 / Crosby et Bailey 2017 / Schaef et al. 2011 / Channing et Butler 2007 / Fox-Powell et Cousins 2021 / Mänd et al. 2018 / Wu et al. 2010. 
Exemples de biomorphes organiques et inorganiques. © Criouet et al. 2021 / S.F. Jordan / Li et al. 2014 / Crosby et Bailey 2017 / Schaef et al. 2011 / Channing et Butler 2007 / Fox-Powell et Cousins 2021 / Mänd et al. 2018 / Wu et al. 2010. 

Inventaire à la Prévert des sources de confusion

Ainsi, il existe de nombreuses sources d'erreurs dans la recherche de vie extraterrestre. Dans une sorte de mise en garde, Sean McMahon et Julie Cosmidis, deux chercheurs en astrobiologie à l'École de physique et d'astronomie de l'université d'Édimbourg, viennent de publier dans le Journal of the Geological Society un aperçu de tous les processus chimiques susceptibles de causer des fausses traces biologiques. Ils citent, par exemple, des molécules organiques issues de la réduction du carbone inorganique catalysé sur les surfaces minérales, la décomposition carbonatée à haute température ou des pseudo-microbialites (dépôt sédimentaire créé par des microbes) formés par diagenèse ou métamorphisme.

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Il y a aussi les fameux « jardins chimiques », une réaction produite par des ions métalliques noyés dans une solution de silicate de sodium et d'eau. « Une fois solidifiés, ces jardins chimiques ressemblent à des micro-organismes fossiles, en particulier à des bactéries et des champignons fossiles minéralisés au fer, avec une taille, une forme et une composition similaire », décrivent les deux chercheurs.

Pour chaque type de fossile, il existe au moins un processus non biologique qui crée des structures très similaires

« Premièrement, les processus abiotiques peuvent imiter non seulement la morphologie des biosignatures, mais aussi leur composition chimique et moléculaire, ainsi que leurs caractéristiques minéralogiques, isotopiques et texturales, avertit Sean McMahon, l'auteur principal. Deuxièmement, les environnements propices à la vie sont, par leur nature, également propices à la formation de biosignatures. Cela veut dire que la recherche de preuves de la vie ne devrait pas se concentrer uniquement sur les environnements où la vie est la plus susceptible d'être apparue, car c'est justement ici que les preuves seront les plus ambiguës ».

« Il est presque certain qu'un rover martien trouvera un jour quelque chose qui ressemble beaucoup à un fossile. Il est donc essentiel de pouvoir distinguer des traces biologiques et des substances produites par des réactions chimiques, soutient Sean McMahon. Pour chaque type de fossile, il existe au moins un processus non biologique qui crée des structures très similaires. Nous avons donc un réel besoin d'améliorer notre compréhension de la façon dont ces traces se forment ». Les polémiques ne sont pas prêtes de s'éteindre.