Certains planétologues n’en doutaient pas, mais les preuves manquaient. Des observations conduites avec les instruments de la sonde européenne Venus Express, notamment en 2008, laissent fortement penser, quand on les considère ensemble, que Vénus est bien la sœur de la Terre puisque des éruptions volcaniques s’y produiraient régulièrement aussi.

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    Le grand volcanologuevolcanologue Haroun Tazieff aimait à raconter que lorsqu'il a commencé à faire des études de géologiegéologie, le volcanismevolcanisme était alors considéré comme un phénomène très mineur à la surface de la Terre. Aujourd'hui, après la révolution de la théorie de la tectonique des plaquestectonique des plaques à laquelle il a contribué, nos yeuxyeux sont décillés. Non seulement nous savons que le volcanisme est un phénomène fondamental du globe terrestre, mais qu'il est tout aussi important pour comprendre bon nombre de planètes du Système solaire. On peut citer le cas de Mars, mais il y a aussi le cas spectaculaire de Io, une lune de JupiterJupiter.

    Qu'en était-il pour VénusVénus que l'on présente parfois comme la planète sœur de la Terre de par sa masse et son rayon ? Le radar de la mission Magellan de la Nasa nous a effectivement révélé une surface profondément marquée par des processus volcaniques qui l'ont bouleversé il y a environ 500 millions d'années. A priori, le stock d'éléments radio-actifs et la quantité de chaleur d'accrétionaccrétion initiale de Vénus sont comparables à ceux de la Terre, on devait donc s'attendre à ce que des éruptions volcaniqueséruptions volcaniques se produisent encore de nos jours. Mais il faut se méfier des généralisations hâtives. Par exemple, il n'y a pas vraiment de signes probants de tectonique de plaques sur Vénus alors qu'on aurait pu naïvement s'attendre à en trouver.

    La sonde Venus Express a fourni trois observations différentes, détaillées dans le texte ci-dessous, qui pointent toutes en direction d’une activité volcanique toujours en cours sur Vénus. © Esa

    La sonde Venus Express a fourni trois observations différentes, détaillées dans le texte ci-dessous, qui pointent toutes en direction d’une activité volcanique toujours en cours sur Vénus. © Esa

    Des émissions de dioxyde de soufre associées à une éruption ?

    Toutefois, la mission Venus ExpressVenus Express a fourni dans le passé plusieurs indications intrigantes que l'on pouvait interpréter comme des manifestations récentes, au moins à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques sur Terre -- dont l'unité de base est le million d'années --, de volcanisme. Si l'on en croit un groupe de chercheurs qui viennent de publier un article dans Geophysical Research Letters, les instruments de la sonde européenne ont fourni en 2008 des mesures très convaincantes qui accréditent l'idée que l'on a surpris une éruption volcanique ayant duré au minimum quelques jours.

    Déjà en 2010, les planétologues avaient fait savoir qu'ils avaient eu une surprise en utilisant l'instrument Virtis (Visible and Infrared Thermal Imaging Spectrometer) équipant la sonde spatiale pour étudier le sommet Idunn Mons, localisé dans la région de Vénus appelée Imdr Regio. La composition des roches ne ressemblait pas à celle des environs, exactement comme ce serait le cas sur Terre, à proximité d'une coulée de lavelave récente. Si l'on en croit les chercheurs, ces observations posent une nouvelle borne à l'âge du sommet de Idunn Mons. La coulée de lave qui s'y trouve serait là depuis 250 millions d'années au plus et serait même probablement plus jeune encore puisque les résultats suggèrent aussi un âge minimum de 2,5 millions d'années.

    En 2012, une nouvelle publication apportait une autre pièce à un dossier déjà ouvert en se fondant sur les observations de la sonde Pioneer Venus OrbiterOrbiter. Ses instruments ont en effet révélé de brusques augmentations, entre 1978 et 1995, de la quantité de dioxyde de soufresoufre (SO2) contenue dans la haute atmosphèreatmosphère de Vénus. Elle se trouve au-dessus de la couche nuageuse couvrant toute la planète en permanence. Cette quantité a chuté rapidement par la suite, mais un phénomène similaire a été observé par la sonde Venus Express à partir de 2006. Or, le dioxyde de soufre ne peut pas être présent en quantité importante dans la haute atmosphère de Vénus, parce qu'il est facilement détruit par les rayons du SoleilSoleil. Il faut donc en conclure qu'à chaque pic constaté, une injection importante de SO2 est intervenue dans la haute atmosphère, à travers la couche nuageuse de Vénus.

    La première hypothèse qui vient à l'esprit est la reprise d'une forte activité des volcansvolcans de la planète. Toutefois, il se peut que les modifications du taux de SO2 observées par les deux sondes soient le résultat de variations décennales dans la circulation de l'atmosphère de Vénus et dans le mélange de ses couches chimiquement différentes.

    À gauche, une image prise le 22 juin 2008 par l’instrument VMC de Venus Express et, à droite, celle prise le 24 juin 2008. La région "A" exhibe une zone plus lumineuse et plus chaude dans l’infrarouge. Tout se passe comme si la température de cette région avait augmenté de plus de 300 °C, ce qui pourrait s’expliquer par une éruption volcanique. © Esa

    À gauche, une image prise le 22 juin 2008 par l’instrument VMC de Venus Express et, à droite, celle prise le 24 juin 2008. La région "A" exhibe une zone plus lumineuse et plus chaude dans l’infrarouge. Tout se passe comme si la température de cette région avait augmenté de plus de 300 °C, ce qui pourrait s’expliquer par une éruption volcanique. © Esa

    Une température qui bondit de 350 °C en quelques jours

    Les observations faites en 2008 sont nettement plus convaincantes et enthousiasmantes. L'instrument VMCVMC (Venus Monitoring Camera) qui permet d'observer dans l'infrarougeinfrarouge proche la surface de Vénus à travers son atmosphère, a en effet mis en évidence des variations importantes d'émissionsémissions de nature thermique sur une échelle de quelques jours. Plusieurs zones d'une région baptisée Ganiki Chasma, à proximité des Ozza Mons et Maat Mons sont donc devenues nettement plus chaudes, avant de se refroidir rapidement. C'est précisément ce qu'on attendrait comme manifestations d'éruptions volcaniques.

    En raison de la difficulté à faire des observations à travers l'atmosphère de Vénus, même avec VMC, les images obtenues suggèrent que l'éruption s'est produite sur une surface dont la taille est d'environ 100 km. En réalité, il s'agirait plutôt d'un phénomène volcanique qui se serait produit sur une surface d'environ 1 km. Par contre, la température y serait passée de 480 °C à 830 °C. Toujours est-il que pour Håkan Svedhem, l'un des membres de la mission Venus Express : « Il semble que nous pouvons enfin inclure Vénus dans le petit club des corps du Système solaire volcaniquement actifs ».