Qui n'a jamais rêvé d'entendre et de voir des vidéos des grands noms de la science du début du XXe siècle, tels Einstein, Heisenberg, Landau, Gödel, etc. ? Miraculeusement, on vient de trouver des images et une bande-son en excellent état montrant Georges Lemaître, le découvreur avec Georges Gamow de la théorie du Big Bang, théorie qui fait désormais partie du patrimoine de la noosphère avec la théorie de l'héliocentrisme.
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C’est une découverte étonnante qui a récemment été annoncée dans un article en ligne de VRT NWS, la rédaction d'informations et d'actualités belge en néerlandais, en Flandre. On y apprend qu'une interview filmée en 1964 et qui avait été perdue à cause d'une erreur de référencement dans les archives a été récemment retrouvée. L'interview est importante puisqu'elle montre pendant presque 20 minutes rien de moins que Georges LemaîtreGeorges Lemaître, le célèbre chanoine catholique, astronomeastronome et physicienphysicien belge à l'origine de la théorie du Big Bang, que lui appelait la théorie de l'atome primitif.
Elle fut ensuite développée par Georges GamowGeorges Gamow, Robert Herman et Ralph Alpher en utilisant la physique nucléaire née après la Seconde Guerre mondiale et qui leur avait permis de proposer un scénario de nucléosynthèse primordiale pour tous les éléments et qui anticipait la découverte de l'existence du rayonnement fossile.
Mais son acceptation n'a commencé à s'inscrire, au sein de la communauté scientifique, qu'à partir de la découverte du rayonnement fossile en 1965 justement. Avant, on lui préférait la théorie dite de l'état stationnaire. Rétrospectivement, les travaux de Lemaître sont maintenant vus comme précurseurs du modèle cosmologique standard et même des tentatives d'utiliser une théorie quantique de la gravitation pour le dépasser.
Comme Futura l'a souvent rappelé, l'astrophysicienastrophysicien et cosmologiste français Jean-Pierre Luminet avait depuis longtemps défendu, notamment par des publications disponibles sur arXiv, la prééminence de Georges Lemaître en ce qui concerne la fondation de la cosmologie moderne.
Extrait de la plateforme TV-Web-cinéma « Du Big Bang au Vivant » qui couvre les plus récentes découvertes dans le domaine de l'astrophysique et de la cosmologie (2010) - http://www.dubigbangauvivant.com/ © Jean-Pierre Luminet
Le Big Bang contre la cosmologie stationnaire
La théorie du Big BangBig Bang est un acquis définitif du début du XXIe siècle. Mais il en est ainsi si par théorie du Big Bang on entend la théorie qui dit que l'UniversUnivers observable, ce qui ne signifie pas la totalité de ce qui existe, était dans un état beaucoup plus dense et chaud, sans atomesatomes ni étoilesétoiles, il y a disons entre 10 et 20 milliards d'années. Il se pourrait donc que notre Univers observable ne soit qu'une région d'un cosmoscosmos infini dans l'espace et dans le temps qui s'est un jour effondré gravitationnellement, à la façon d'une étoile donnant un trou noirtrou noir, avant de rebondir dans une phase d'expansion après avoir atteint une densité limite mais finie.
La légende veut que ce soit Fred Hoyle, peu de temps après la Seconde Guerre mondiale et à ce moment-là sans doute le meilleur théoricien britannique de la cosmologie avant l'entrée en scène de Stephen HawkingStephen Hawking, qui ait été à l'origine du terme Big Bang, que l'on peut traduire par « La Grande Explosion ». Hoyle n'y croyait pas du tout et, comme l'explique Lemaître dans l'interview retrouvée, avait débattu très cordialement de son opposition à la théorie du Big Bang avec Lemaître. La majorité des cosmologistes se rangeait derrière Hoyle qui en 1948, avec Hermann Bondi et Thomas Gold, avait proposé le désormais défunt modèle cosmologique stationnaire, modèle négateur de la théorie du Big Bang de Lemaître et Georges Gamow.
Dans le modèle Hoyle, Bondi et Gold, le cosmos était infini dans le temps et l'espace, bien que paradoxalement en expansion. Il était donc absolument homogène dans l'espace et dans le temps puisque peu importe le lieu ou le temps auquel un observateur ferait des mesures à son sujet, il verrait toujours en moyenne les mêmes choses, sans qu'une évolution des galaxiesgalaxies ou de la matièrematière soit vraiment notable.
Mais pour cela, Hoyle avait dû supposer qu’une création continuelle de matière devait se produire, conduisant à la naissance tout aussi continuelle de galaxies. Sans cette hypothèse, le cosmos se diluerait de plus en plus avec l'expansion.
Comme le rappelait également Lemaître, Hoyle était très respecté en raison notamment de sa contribution magistrale - avec l'astrophysicienne états-unienne d'origine britannique Margaret Burbidge et son mari Geoffrey Burbidge, et le prix Nobel de physique William Fowler - a un important article publié en 1957 et qui n'exposait rien de moins que la recette suivie par l'Univers pour fabriquer les éléments chimiqueséléments chimiques dans les étoiles. L'article est célèbre depuis lors pour les astrophysiciens nucléaires sous le nom de B2FH, d'après les initiales de ses auteurs. Il montrait qu'il était plus facile et surtout plus correct d'expliquer l'existence d'éléments lourds comme l'oxygèneoxygène, le carbonecarbone, l'azoteazote et le ferfer avec les étoiles et pas avec le Big Bang.
Pour le moment uniquement visualisable sur YouTube, cette vidéo date de 1964 et elle vient d'être révélée dans un article de VRT NWS, anciennement VRT Nieuws (en français : VRT Informations, ou VRT Nouvelles), la rédaction d'informations et d'actualités belge en néerlandais, en Flandre, sur les chaînes de télévision et de radio de la Vlaamse Radio - en Televisieomroeporganisatie (VRT). © VRT FLANDREINFO.BE
Lemaître, mathématicien, astronome, physicien et philosophe
Toutefois, un premier clou dans le cercueil de la cosmologie stationnaire avait été planté au tout début des années 1960 avec la découverte des quasarsquasars. Il était devenu rapidement évident qu'il s'agissait de noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies tous situés à plusieurs milliards d'années-lumièreannées-lumière au moins de la Voie lactéeVoie lactée, ce qui indiquait donc que dans le passé le cosmos observable ne ressemblait pas à celui que l'on voyait dans les télescopestélescopes à quelques millions ou centaines de millions d'années-lumière. Il s'agissait donc d'une contradiction avec le principe cosmologique parfait à la base du modèle stationnaire qui impliquait que le cosmos justement ne devait pas avoir un aspect différent dans le passé.
Georges Lemaître vivra assez longtemps, jusqu'en 1966, pour assister à la découverte du rayonnement fossile en 1965. Sa caractéristique de corps noircorps noir presque parfait ne peut absolument pas se comprendre sans la théorie du Big Bang de Lemaître et Gamow.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur Lemaître et la trajectoire intellectuelle qui va l'amener de la lecture du célèbre traité de Poincaré sur les hypothèses cosmogoniques à l’étude de la relativité générale avec Arthur Eddington, la vidéo ci-dessous que l'on doit à Dominique Lambert est riche en informations.
Les mécanos de la Générale : Einstein, 100 ans de la relativité générale. Conférence du 10 novembre 2015 de Dominique Lambert Docteur en physique et en philosophie - Directeur du Département Sciences, philosophies, société, Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur, Belgique (en 2004) : Georges Lemaître et la cosmologie relativiste. © LA BnF