Une publication dans Nature, ayant donc passé une série d'examens critiques sérieux, fait état de six galaxies débusquées avec le télescope James-Webb alors que l'Univers observable avait moins d'un milliard d'années et qui ont grandi bien plus vite que prévu généralement par les calculs effectués avec le modèle cosmologique standard basé sur la matière et l'énergie noire. Cela pourrait constituer un début de réfutation de ce modèle.


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    Au début de l'été 2022, Futura avait consacré un article aux déclarations faites sur son compte TwitterTwitter par le célèbre astrophysicienastrophysicien et cosmologiste états-unien Stacy McGaugh. Celui-ci est bien connu pour ses travaux basés sur la théorie Mond, acronyme de Modified Newtonian Dynamics en anglais, et qui étudie donc les galaxies, la matière noirematière noire et des théories de la gravité modifiée en tant qu'alternative à l'existence de la matière noire. On lui doit avec l'astrophysicien Benoît Famaey un article de fond sur Mond pour Living Reviews in Relativity.

    Stacy McGaugh expliquait que si le télescope James-Webb voyait beaucoup de grandes galaxies tôt dans l’histoire du cosmos observable, cela pouvait peut-être constituer un test réfutant le modèle standard de la cosmologiemodèle standard de la cosmologie basée sur l'existence des particules de matière noire et dans un second temps constituer une validation de la théorie Mond.

    De fait, plusieurs articles émanant de plusieurs équipes, se préparant parfois depuis des années pour décrypter les observations du James-Webb et déjà aguerries sur celles de HubbleHubble concernant les plus lointaines galaxies qui lui étaient accessibles, annonçaient la découverte probable de galaxies défiant le modèle cosmologique standard précisément en étant déjà trop grosses et trop massives. Nous avions interrogé à ce sujet dans un premier temps Françoise CombesFrançoise Combes et Romain Teyssier qui nous incitaient à être prudents. De plus, plusieurs des articles étaient en fait des préprints, ils n'avaient donc pas encore passé un premier filtre de vérification par la communauté scientifique.

    Nous avions interrogé dans un second temps un des astronomes cherchant justement à observer les premières galaxies avec le James-Webb, Johan Richard, du Centre de recherche astrophysique de Lyon.

    Le sujet revient un peu sur le devant de la scène avec une publication dans le mythique journal Nature d'un article qui justement n'était encore qu'un préprint sur arXiv. L'un des coauteurs de l'article est un autre astrophysicien, bien connu pour ses travaux sur l’énigme des galaxies ultra-diffuses, Pieter van Dokkum de l'université de Yale, qui l'annonce avec des commentaires sur Twitter.

    Des objets observés entre 500 et 700 millions d’années après le Big Bang ?

    On peut trouver d'autres commentaires au sujet de l'article de Nature dans un communiqué de la Pennsylvania State University, notamment d'un de ses auteurs, Joel Leja, professeur adjoint d'astronomie et d'astrophysique à Penn State, qui a modélisé la lumière de ces galaxies. « Ces objets sont bien plus massifs que prévu. Nous nous attendions à ne trouver que de minuscules jeunes galaxies pour le moment, mais nous avons découvert des galaxies aussi matures que la nôtre dans ce qui était auparavant considéré comme l'aubeaube de l'universunivers. »

    Dans le champ sur la voûte céleste étudié avec le Webb, les astronomesastronomes ont en effet débusqué six candidats au titre de galaxies massives de plus de 1010 massesmasses solaires avec, dans le jargon des cosmologistes, des décalages spectraux z tels que 7,4 ≤ z ≤ 9,1, c'est-à-dire à des objets observés entre 500 et 700 millions d'années après le Big BangBig Bang, dont une galaxie avec une masse record de probablement 1011 masses solaires.

    Joel Leja développe sa déclaration en expliquant : « C'est notre premier aperçu en arrière aussi loin, il est donc important que nous gardions l'esprit ouvert sur ce que nous voyons. Bien que les données indiquent qu'il s'agit probablement de galaxies, je pense qu'il existe une possibilité réelle que quelques-uns de ces objets se révèlent être des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs obscurcis. Quoi qu'il en soit, la quantité de masse que nous avons découverte signifie que la masse connue des étoilesétoiles à cette période de notre Univers est jusqu'à 100 fois supérieure à ce que nous pensions auparavant. Même si nous réduisons l'échantillon de moitié, cela reste un changement étonnant. »

    Et il ajoute : « La révélation que la formation de galaxies massives a commencé très tôt dans l'histoire de l'Univers bouleverse ce que beaucoup d'entre nous pensaient être une science établie. Nous avons officieusement appelé ces objets "briseurs d'univers" - et ils ont jusqu'à présent été à la hauteur de leur nomIl s'avère que nous avons trouvé quelque chose de si inattendu qu'il crée en fait des problèmes pour la science. Cela remet en question toute l'image de la formation précoce des galaxies. »

    Des images prises dans l'infrarouge et donc ici en fausses couleurs de six galaxies massives candidates, vues 500 à 700 millions d'années après le Big Bang. L'une des sources (en bas à gauche) pourrait contenir autant d'étoiles que notre Voie lactée actuelle selon les chercheurs, mais elle est 30 fois plus compacte. © Nasa, ESA, CSA, I. Labbe (<em>Swinburne University of Technology</em>). Traitement d'image : G. Brammer (<em>Niels Bohr Institute's Cosmic Dawn Center at the University of Copenhagen</em>)
    Des images prises dans l'infrarouge et donc ici en fausses couleurs de six galaxies massives candidates, vues 500 à 700 millions d'années après le Big Bang. L'une des sources (en bas à gauche) pourrait contenir autant d'étoiles que notre Voie lactée actuelle selon les chercheurs, mais elle est 30 fois plus compacte. © Nasa, ESA, CSA, I. Labbe (Swinburne University of Technology). Traitement d'image : G. Brammer (Niels Bohr Institute's Cosmic Dawn Center at the University of Copenhagen)

    Toujours pas de vraies mesures de décalages spectraux

    Comme on l'a dit en début d'article, ces changements pourraient tout simplement être une réfutation de l'existence de la matière noire, ou pour le moins une refondation dans le cadre du modèle standard des scénarios de naissance et de croissance des galaxies.

    Toutefois, comme les auteurs de l'article de Nature le reconnaissent eux-mêmes, toutes les mesures et donc les conclusions tirées sont potentiellement biaisées et donc fausses. On peut reprendre à cet égard exactement ce que les articles de Futura expliquaient.

    Si des valeurs de z sont bien mises en avant par toutes les équipes, il ne s'agit pas en fait de mesures directes de décalages spectraux pouvant aussi être faites avec les instruments du JWSTJWST ! Or, ce sont les seules mesures vraiment convaincantes pour des distances et des âges.

    Le télescopetélescope est bien équipé comme Hubble de spectrographesspectrographes, mais les décalages spectraux lointains qu'ils pourront mesurer dans un avenir proche ont d'abord été évalués par deux méthodes indirectes.

    Il y a celle donnant un décalage vers le rougedécalage vers le rouge photométrique (photometric redshift, en anglais) et une apparentée, qui repose sur ce que l'on appelle la cassure de Lyman (Lyman Break, en anglais).

    Le saviez-vous ?

    La cassure de Lyman est illustrée sur ces images et schémas.

    « Un photon ultraviolet émis avec une longueur d'onde inférieure à 912 angströms (continuum de Lyman) sera souvent complètement absorbé par son passage à travers une masse d'hydrogène gazeux à la fois dans une galaxie et le long de la ligne de visée vers elle.

    Essentiellement, il n'y aura pas de lumière qui nous parviendra d'une galaxie avec des longueurs d'onde plus courtes. Nous voyons donc une « cassure » dans le spectre.

    Pour les galaxies à décalage vers le rouge élevé, cette cassure se retrouve dans le visible, voire l'infrarouge. Ainsi, en regardant les couleurs des galaxies dans divers filtres, nous devrions voir les galaxies formant des étoiles avec un z élevé comme des astres qui "disparaissent" dans les filtres les plus "bleus" ». © Chris Mihos


    Les astronomes font des observations avec des filtres adaptés à certaines longueurs d'onde indiquées ici en angström. U désigne une bande spectrale dans l'ultraviolet, V est dans le visible. © Richard  Ellis

    Ce sont des méthodes déjà utilisées au cours des années 1980 et 1990. Elles ont une certaine fiabilité mais elle n'est pas de 100 %. Divers biais existent aussi dans les observations des galaxies à hauts décalages spectraux, des biais qui peuvent être également instrumentaux et en rapport avec le télescope James-Webb lui-même.