Alors que l'EHT vient de dévoiler la toute première image de notre trou noir central, Sagittarius A*, des chercheurs viennent de découvrir une nouvelle méthode peu coûteuse en calculs pour caractériser les trous noirs, cette fois en observant directement leur ombre. Mais avec deux conditions : il en faut deux, et qu'ils soient en train de fusionner !
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Ils avalent tout ce qui a le malheur d'atteindre leur horizon. Les trous noirs ne cessent d'étonner les chercheurs. Difficiles à détecter et plus encore à observer, les chercheurs s'appuient pour cela sur l'influence qu'ils exercent sur leur environnement proche. Étant des astres particulièrement massifs et denses, leur champ gravitationnel déforme et attire tout ce qui s'approche, matière mais aussi lumière ! La matière qui s'approche se tord et forme alors ce que l'on appelle un disque d'accrétion : elle est chauffée à des températures extrêmes et émet alors des rayons X qui sont ensuite capturés par nos détecteurs. On peut aussi « voir » des trous noirs en regardant la déformation de la lumière qui provient de derrière eux : leur masse si gigantesque crée un effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle, elle courbe les rayons lumineux lors de leur passage près du trou noir.
Mais le trou noir le plus connu, après celui de notre Voie lactéeVoie lactée, reste bien sûr M87*M87*. Situé dans la galaxiegalaxie du même nom à 55 millions d'années-lumièreannées-lumière de nous et d'une masse de 6,5 millions de masses solaires, il émet des ondes radio : des ondes de très basse fréquencefréquence. Une image de M87* a été construite en 2019 grâce à un réseau de huit radiotélescopes, situés aux quatre coins du monde. L'utilisation de ce réseau a permis de créer l'équivalent d'un radiotélescoperadiotélescope d'un diamètre similaire à celui de la Terre, donc de plusieurs milliers de kilomètres. Avec un tel diamètre, la résolutionrésolution atteinte a permis de reconstruire entre 2017, moment où les mesures ont été effectuées, et 2019 pour M87*, une image du trou noir.
Pour qu'une telle observation soit possible, il faut cependant que la taille du trou noir soit compatible avec la résolution : celle-ci étant proportionnelle à la masse du trou noir, seuls les astres supermassifs peuvent être observés. Dans une étude publiée dans la revue Physical Review Letters, deux chercheurs de l'Université de ColumbiaColumbia ont décrit une nouvelle méthode pour détecter des trous noirs plus petits mais aussi plus loin.
Cette nouvelle méthode permettrait de détecter des trous noirs stellaires
Le but : détecter des trous noirs plus petits que M87* ou Sagittarius A*, le trou noir du centre de la Voie lactée. Dans le cas des trous noirs stellairestrous noirs stellaires, ils se situent souvent dans des systèmes binairessystèmes binaires donc avec une étoileétoile, ainsi c'est cette dernière qui est détectée. Les chercheurs déduisent ensuite de son mouvementmouvement la présence d'un deuxième astre, puis le différencient d'une étoile à neutronsétoile à neutrons. Le disque d'accrétion permet aussi la détection de petits trous noirs, grâce aux rayons Xrayons X qu'il émet. Dans leur étude, les chercheurs expliquent que leur méthode s'applique seulement à des systèmes binaires, mais cette fois formés de deux trous noirs.
Mais elle ne fonctionne que dans le cas où deux trous noirs sont en train de fusionner : ils sont alors en orbiteorbite l'un avec l'autre. Autre condition de la méthode : regarder le phénomène latéralement. De cette manière, lorsqu'un trou noir passe devant l'autre, se produit alors ce fameux effet de lentille gravitationnelle. Mais ce n'est pas tout : l'équipe a aussi décelé une baisse de luminositéluminosité due à l'« ombre » du trou noir situé à l'arrière ! La variation dure entre quelques heures et quelques jours, et dépend de la masse et de la proximité des trous noirs. « Si vous mesurez la duréedurée du creux, vous pouvez estimer la taille et la forme de l'ombre projetée par l'horizon des événementshorizon des événements du trou noir, le point de non-sortie, où rien ne s'échappe, pas même la lumière », notent les chercheurs dans l'étude.
Leur but : vérifier la théorie de la relativité
Jusqu'à présent, l'ombre des trous noirs n'était visible que par la méthode utilisée pour M87* et Sgr A*Sgr A*, l'interférométrieinterférométrie à très longue base ou VLBIVLBI. Cette technique permet d'augmenter la résolution pour avoir un diamètre équivalent à celui de la Terre, mais même avec une telle résolution, peu de trous noirs sont visibles, et restent relativement proches car plus ils sont loin et plus leur diamètre apparent est petit, plus ils nécessitent une résolution immense. Or, pour découvrir comment ils se forment, il faudrait pouvoir regarder très loin, aux débuts de l'UniversUnivers, pour y dénicher les tout premiers trous noirs de la sorte. Ce que les chercheurs tentent de résoudre en effectuant de nombreuses modélisationsmodélisations, toujours plus réalistes : dans leur étude, les deux chercheurs ont simulé plus particulièrement des systèmes binaires de trous noirs dans une variété de configurations différentes.
Ils ont ainsi trouvé, par de nombreuses estimations des incertitudes et du bruit des instruments, que le creux de luminosité créé par le passage d'un trou noir derrière l'autre devrait être détectable pour environ 1 % des systèmes binaires de trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs recensés jusqu'à maintenant. Un chiffre qui semble représenter peu, mais pourrait rapporter gros, car une seule détection supplémentaire pourrait suffire à apporter nombre des éléments sur ces astres gigantesques ! En particulier, cela permettrait de déterminer la masse et le spinspin du trou noir en question. Par la suite, les deux scientifiques comptent tester leurs prédictions en faisant varier leur modélisation, notamment au niveau des hypothèses sur la thermodynamiquethermodynamique du gazgaz contenu dans le disque d'accrétion.