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L'étoile Sirius A, photographiée dans le visible par Hubble, n'est qu'à 8,6 années-lumière de la Terre. Elle fait en réalité partie d'un système binaire, et sa compagne, Sirius B, est visible sous la forme d'un petit point peu lumineux en bas à gauche. Sirius B est une naine blanche dont le diamètre est d'environ 12.000 km. Les naines blanches peuvent servir de laboratoire naturel pour tester des théories en physique des particules. © Nasa, Esa
En physique des particules élémentaires, il existe une véritable jungle de modèles concernant de la physique au-delà du modèle standard avec de nouvelles particules qui pourraient rendre compte de l'existence de la matière noire. Ces particules pourraient être très massives ou très légères, comme des Wimps dans le premier cas ou des axions dans le second. Outre la gravitation, elles peuvent entrer, bien que très faiblement, en interaction avec la matière normale de différentes façons. Il existe donc un espace de paramètres concernant les massesmasses et les intensités des couplages possibles de ces particules de matière noirematière noire avec les noyaux de la matière baryonique. Les différentes expériences qui tentent de détecter ces particules, que ce soit avec le LHCLHC ou Lux, servent donc à poser des bornes sur cet espace des paramètres. Une absence de détection permet ainsi d'éliminer certaines régions de cet espace.
Cependant, les expériences sur Terre ont des limites, aussi bien du point de vue de la technologie que des contraintes économiques. Les physiciensphysiciens se sont donc tournés depuis quelques décennies vers le plus grand laboratoire de physique des particules qui soit, à savoir l'universunivers lui-même. Le comportement des galaxies et des amas de galaxiesamas de galaxies permet d'explorer une partie de l'espace des paramètres des particules de matière noire. On peut aussi se servir des astresastres compacts que sont les naines blanchesnaines blanches ou les étoiles à neutrons.
Des particules noires qui refroidissent les étoiles
On sait que les naines blanches sont en quelque sorte les cadavres stellaires d'étoilesétoiles moins massives qu'environ 8 à 10 fois la masse du SoleilSoleil. Notre étoile finira d'ailleurs sa vie de cette façon, car elle ne pourra pas exploser en devenant une supernovasupernova, et encore moins s'effondrer pour donner un trou noirtrou noir. Il faudrait pour cela qu'elle soit des dizaines de fois plus massive. Les naines blanches ne s'opposent plus à leur propre force de gravitégravité que grâce à la pressionpression d'un gazgaz d'électronsélectrons dégénéré relativiste. Elles ne s'effondrent donc pas sur elle-même si elles sont suffisamment peu massives, comme l'a montré Chandrasekhar, mais elles se refroidissent néanmoins lentement.
Le physicien Nima Arkani-Hamed fait partie de ceux qui ont postulé l'existence de ce que l'on peut appeler des forces et des photons noirs associés aux théories contenant des particules de matière noire. Des extensions supersymétriques du modèle standard contiennent ce genre d'objets. On peut aussi citer dans ce domaine les travaux de l'un des pionniers de la supersymétrie, le physicien français Pierre Fayet. © Luboš Motl, Wikimedia Commons, cc by 3.0
On peut observer et mesurer ce refroidissement sur plusieurs décennies. Comme viennent de le montrer des physiciens dans un article déposé sur arxiv, la vitessevitesse de refroidissement des naines blanches permet de poser des bornes sur certaines classes de théories concernant les particules de matière noire de façon bien plus efficace qu'avec des expériences sur Terre.
L'idée centrale de leurs travaux est que si ces particules de matière noire existent bel et bien, elles doivent être créées en quantités importantes dans les conditions physiques extrêmes régnant à l'intérieur des naines blanches. Les quittant facilement, elles doivent emporter avec elle de l'énergieénergie et contribuer de façon significative au refroidissement de ces astres compacts.
Des forces noires avec des bosons noirs
En l'occurrence, les naines blanches permettent aussi de poser des contraintes sévères sur des modèles de matière noire contenant ce qu'on appelle parfois des photons noirs. Ce sont des bosonsbosons cousins des photonsphotons associés aux forces électromagnétiques. Ces photons noirs découlent de l'existence de nouvelles forces au-delà du modèle standard, dont l'une ressemblerait beaucoup à l'électromagnétismeélectromagnétisme avec un groupe de symétrie de jauge identique, le fameux groupe de Lie U(1). Des variantes de ces idées conduisent à introduire une sorte de protonproton noir avec des électrons noirs portant l'équivalent d'une charge électrique, et capable d'émettre ces photons noirs. Dans tous les cas, ces particules interagissent peu avec la matière normale et sont très légères et difficiles à détecter, d'où le terme « noir » utilisé pour les caractériser.
Pour le moment, aucune indication de l'existence des particules et des forces que l'on peut aussi qualifier de noires n'émergentémergent des analyses des vitesses de refroidissement des naines blanches.