Si elle est confirmée, c'est une découverte majeure, aux répercutions considérables : le spectromètre PFS de la sonde européenne Mars Express, qui s'est placée en orbite fin 2003, aurait détecté des traces de méthane, un gaz d'origine biogénique, dans l'atmosphère martienne.

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Du méthane sur Mars : encore une découverte majeure en perspective ?

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Le méthane est un gaz instable dans les atmosphères planétaires comme celle de la Terre ou de Mars. Sur Terre, il disparaît en une dizaine d'années par réaction photochimique. Or, l'atmosphère terrestres contient environ 700 ppb (parties par milliard) de méthane (si l'on ne tient pas compte de l'augmentation liée aux activités humaines). Si l'on observe en permanence du méthane dans l'atmosphère terrestre, c'est qu'un mécanisme n'arrête pas de le régénérer. Sur notre planète, ce sont les êtres vivants eux-mêmes qui sont responsables de l'émission continuelle de méthane dans l'atmosphère (principalement les bactéries vivant dans la panse des ruminants et au fond des marais). Le méthane est donc un formidable marqueur de l'activité biologique, même s'il peut également être produit de façon abiogénique par des volcans.

On comprend donc que la détection de méthane dans l'atmosphère martienne nourrisse les rêves de nombreux exobiologiques depuis des décennies. Le petit atterrisseur britannique Beagle 2, qui a disparu lors de son atterrissage le 25 décembre 2003, devait renifler l'atmosphère de Mars pour y déceler du méthane. L'un des quatre finalistes du projet Scout, l'orbiteur Marvel, avait lui aussi pour objectif la recherche de méthane dans l'air martien. Contre tout attente, et face à la machine de guerre de la NASA, il semble que le bénéfice de cette découverte soit sur le point de revenir à la sonde Mars Express.

Le spectromètre infrarouge PFS embarqué sur l'orbiteur européen aurait en effet détecté la raie d'absorption du méthane, qui se situe dans l'infrarouge à 3,3 microns. Sa concentration serait très faible (10,5 parties par milliard), mais le gaz serait bel et bien présent dans l'atmosphère martienne. Le résultat du PFS semble confirmé par les travaux de plusieurs équipes, qui ont identifié avec succès la raie d'absorption caractéristique du méthane dans l'atmosphère martienne au moyen de puissants télescopes terrestres basés à Hawaii ou au Chili.

Comment expliquer la présence de méthane dans l'atmosphère de Mars, alors que ce gaz possède là bas une durée de vie de 440 années, si aucun processus ne vient le remplacer ? L'explication la plus prudente serait de considérer que ce méthane est actuellement craché par la bouche d'un volcan. Cependant, aucun édifice volcanique n'est en activité sur Mars, et les instruments TES et THEMIS, respectivement embarqué sur les sondes Mars Global Surveyor et Mars Odyssey, n'ont décelé aucune anomalie thermique pouvant témoigner d'une éruption ou d'une coulée de lave.

La seconde hypothèse est bien plus fascinante, et pourrait bien bouleverser à jamais notre vision de l'Univers : le méthane serait rejeté par des petites populations de bactéries méthanogènes actuellement vivantes, et pelotonnées dans des fractures de la croûte. La plus grande concentration en méthane a d'ailleurs été mesurée par les télescopes au sol au niveau de la ceinture équatoriale martienne, précisément à l'aplomb des régions ou la sonde Mars Odyssey a découvert de grandes quantités de glace dans le premier mètre du sol. Il est donc possible d'imaginer qu'en été, les températures soient suffisantes à l'équateur pour provoquer l'apparition sporadique d'eau liquide, qui permettrait alors le développement d'organismes méthanogènes. Ces derniers obtiendraient de l'énergie en combinant de l'hydrogène avec le dioxyde de carbone présent dans l'atmosphère martienne, la réaction donnant naissance à un déchet gazeux, le méthane.

Il est également possible d'envisager que le méthane provienne d'un réservoir formé dans un passé lointain, et qui dégazerait de temps à autre. Ce réservoir pourrait par exemple prendre la forme de poches de gaz. En piégeant dans son réseau cristallin un grand nombre de molécules de méthane, la glace peut également former des clathrates, qui pourraient abonder dans les calottes polaires martiennes. Dans les deux cas, le méthane actuellement détecté dans l'atmosphère martienne ne serait donc pas émis par des microorganismes vivants, mais proviendrait de la fuite d'un gisement de méthane mis en place dans le passé, et dont l'origine pourrait aussi bien être géologique que biologique.

Si elle se confirme, la découverte de Mars Express est sensationnelle, plus encore que celle du rover Opportunity, qui a observé des preuves attestant de l'existence d'une ancienne mer salée au niveau de la région équatoriale de Terra Meridiani. Avec l'accélération des missions robotiques et la mise au point d'instruments toujours plus performants, Mars dévoile peu à peu ses secrets. La cartographie prochaine du cratère Endurance par Opportunity, le déploiement du radar de Mars Express début avril, ainsi que les données collectées par les autres instruments de cette sonde pourraient bien constituer un tournant décisif dans l'exploration martienne.

Même si la planète rouge a sans doute encore plus d'un tour dans son sac, il est donc tout à fait possible qu'elle consente enfin à nous livrer dans les années à venir la réponse à la question qui taraude l'humanité depuis la nuit des temps. Celle de savoir si la vie est une étincelle unique, ou si au contraire elle a des chances de flamboyer dans tout l'Univers...