Après deux semaines passées à simuler sur Terre (avec une mixture faite de poudre industrielle mélangée à du sable, des argiles et des diatomées) le comportement d'un clone d'Opportunity et de mettre sur pied un scénario de sortie de cet enlisement malheureux (survenu le 23 avril lors du sol 446), les ingénieurs du JPL ont commencé prudemment à faire reculer l'engin le 13 mai (sol 463). Cela faisait deux semaines qu'il stationnait dans cette zone nommée "Rub al Khali" ou « Quartier vide ». Le 17 mai le rover avait progressé de presque 10 centimètres.

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Toutes les équipes du JPL travaillent en simulation pour tenter de trouver la meilleure solution afin de sauver Oppy ...

Toutes les équipes du JPL travaillent en simulation pour tenter de trouver la meilleure solution afin de sauver Oppy ...

Contraint et forcé à stationner au même endroit, le robot en a profité pour recharger ses batteries à bloc (un coup de vent a nettoyé sensiblement les panneaux solaires de sorte à les ramener à 650 Watts/heure de rendement alors qu'ils étaient plutôt à 620 Watts/heure quelques jours avant) et photographier le paysage à haute résolution.

On sait aujourd'hui que l'engin s'est flanqué dans une dune haute de 30 cm environ. Il avait à ce moment là accumulé 5346 m au compteur depuis son arrivée. La stratégie de sortie consiste à le faire partir en avant (n'oubliez pas qu'il roulait lors de son enlisement en marche arrière), légèrement vers la gauche pour lui faire décrire un arc. Les roues ont donc été positionnées à cette fin, avec succès.

Image du site Futura Sciences
Image du site Futura Sciences
roue avant gauche
roue avant droite
Image du site Futura Sciences
Image du site Futura Sciences
roue arrière gauche
roue arrière droite

© Images : NASA/JPL
© Animations : Gilles Dawidowicz

Au sol 463, les ingénieurs ont commandé aux roues de tourner : de 2,5 tours pour constater les effets de ce nouveau départ. Le rover s'est déplacé de 2,8 cm vers l'avant, de 4,8 mm sur le côté et de 4,6 mm vers le bas. Après analyse de ces mouvements conformes aux prévisions, les ingénieurs ont décidé qu'il continuerait chaque jour à procéder de la sorte.

Les dangers du Fech-Fech

Voyons maintenant la situation d'un point de vue sensiblement différent de celui des ingénieurs : prenons la place du géographe. Opportunity semble s'être enlisé dans ce que les voyageurs Sahariens nomment du « Fech-Fech ». Au Sahara, on appelle le « Fech-Fech » non pas une forme topographique mais un type de terrain, celui où l'on... s'enlise ! C'est un mot à connotation phonétique évoquant le bruissement des pas quand se brise la fine pellicule de surface qui recouvre un matériel pulvérulent et peu consolidé. On le trouve dans les rives de lacs ou de lagunes salines plus ou moins desséchées : les sebkra, avec ou sans plaques de sel apparentes. C'est un dépôt de bas fond alluvial, très farineux et incohérent sous une croûte mince superficielle, qui le protège partiellement de la déflation.

Pour mémoire, la déflation et la corrasion constituent les deux processus que l'on regroupe sous le terme d'abrasion éolienne et qu'il est souvent difficile de distinguer. La déflation consiste dans le nettoyage des surfaces meubles : les matériaux les plus fins sont enlevés au loin et vont s'accumuler dans des dépressions ou en bordure des déserts... La corrasion, elle, agit sur des surfaces dures. Elle provoque un dépolissage des grains de sable d'origine éolienne, qui apparaissent piquetés et mats, de forme souvent très régulière. Ces grains là sont bien mieux calibrés que ceux des sables fluviatiles ou marins...

Revenons au « Fech-Fech ». Cette farine ultra fine est la plaie des automobilistes et des voyageurs qui une fois enlisés sont obligés de dégonfler leurs roues et de glisser sous elles des planches pour que leur véhicule retrouve à nouveau une adhérence au sol. Le « Fech-Fech » se comporte comme un fluide. Il lubrifie totalement les roues enlisées. On rapporte même que dans certaines régions d'Afrique, à la pleine Lune, le « Fech-Fech » est tellement fin qu'il donne au terrain qu'il recouvre l'aspect luisant et les reflets d'un lac... Bref, le « Fech-Fech » est redouté des voyageurs et même des chameaux qui ont beaucoup de mal à s'en sortir et qui dépensent... une énergie considérable pour y parvenir ! On les assimile à des sables mouvants. En fait, le « Fech-Fech » d'Afrique fait entre 2 et 200 µm de taille. Il se compose selon les régions de grains de quartz, de quartz façonnés à croissances cristallines, de plaquettes et particules d'argiles (smectite, palygorskite, kaolinite, illite...), de grains roulés de calcite, de plagioclase, de feldspath potassique, de feldspath alcalin, de gypse, de dolomite...

Sur Mars, certes, le temps n'est pas compté pour Opportunity mais son énergie est limitée, même si ses batteries peuvent se recharger rapidement. Par ailleurs, personne ne viendra glisser des tôles sous ses roues avant un bon moment...

Si les ingénieurs américains du JPL sont très confiants, nombre d'experts des déserts terrestres sont bien plus sceptiques sur les réelles chances du robot de s'en sortir. Et, quand bien même il s'en sortirait, toute la zone dans laquelle se trouve l'engin est remplie de ces rides éoliennes dont les versants faits de poussières très fines, des « Fech-Fech martiens » sont autant de pièges... Souhaitons malgré tout bon courage à OPPY !