L'Univers tel qu’il était dans les 2 à 3 milliards d’années après le Big Bang n’était pas propice à la formation de planètes. C’est du moins ce que pensaient jusqu’ici les astronomes. Mais des observations du télescope spatial James-Webb viennent remettre cet acquis en question.
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Le rôle du télescope spatial James-Webb (JWST) n'est pas seulement de nous renseigner sur ce qui se joue aux confins de notre Univers. Il se tourne aussi parfois vers des cibles plus proches. Comme le Petit Nuage de Magellan. Cette galaxie naine se trouve à seulement quelque 200 000 années-lumière de notre Voie lactée. Et c'est bien du côté de notre discrète voisine que des astronomesastronomes étudiant des données renvoyées par le JWST viennent de faire une découverte importante.
Ils attendaient depuis longtemps de pouvoir se plonger dans la nébuleusenébuleuse NGCNGC 346. Parce qu'elle est beaucoup plus grande que les autres régions dans lesquelles naissent des étoilesétoiles dans notre banlieue. De quoi espérer pouvoir distinguer vraiment comment les étoiles prennent forme et comment elles interagissent.
Mais également parce que la région est très différente du reste de notre environnement proche. Elle est d'abord pauvre en métal - comprenez, tout élément plus lourd que l'hydrogènehydrogène et l'héliumhélium. Des études antérieures ont montré qu'elle contient peu de ferfer, de magnésiummagnésium ou d'aluminiumaluminium. Elle correspond ensuite à une région dans laquelle se forment énormément d’étoiles. Deux caractéristiques qui la font ressembler à l'état dans lequel se présentait notre Univers à une période très éloignée de sa vie. Il y a environ 10 milliards d'années. Cette période que les chercheurs appellent le « midi cosmique ».
Les astronomes pensaient que dans un environnement aussi hostile et peu fertile, il ne pourrait pas se former de planètes. Surtout pas de planètes rocheuses, qui naissent en principe d'une accumulation de poussières formées d'éléments lourds dans des régions apaisées.
Plus de planètes, donc plus de vie ?
Les instruments dont disposaient jusque-là les chercheurs n'étaient pas capables de distinguer, au cœur de NGC 346, les jeunes étoiles de faible massemasse. Des étoiles cousines de notre SoleilSoleil. Pourtant, elles intéressent les astronomes. Parce qu'elles sont nombreuses dans l'Univers. Plus que les étoiles de masse plus importante. Et parce qu'elles évoluent, en théorie, sur une période de temps assez longue pour permettre à la vie d'y apparaître et de s'y développer. À supposer que des planètes rocheusesplanètes rocheuses puissent se former autour d'elles.
C'est ce que les chercheurs voulaient vérifier : les poussières qu'ils ont détectées au mois de janvier dernier (voir article plus bas) autour des jeunes étoiles de NGC 346 sont-elles présentes en quantité suffisante pour donner naissance à des planètes ? Car dans des conditions à faible teneur en métal ils s'attendaient plutôt à ce que d'éventuelles ébauches de disques de poussière soient bien trop sensibles à une évaporation rapide sous l'effet de la lumière.
“Les briques élémentaires de planètes rocheuses il y a plus de 10 milliards d'années déjà”
Ce n'est pas le cas, affirment-ils aujourd'hui. Grâce au JWST, les astronomes ont observé des étoiles à différentes étapes de leur vie. Et ils ont trouvé, autour d'elles, de la poussière en grande quantité. Assez pour donner naissance à des disques protoplanétairesdisques protoplanétaires. Comme une preuve que des planètes rocheuses ont pu commencer à se former, non seulement dans cette nébuleuse du Petit Nuage de Magellan, mais aussi dans un Univers encore très jeune. Malgré de faibles teneurs en métal. Et dans un environnement pour le moins hostile. Comment ? Cela reste un mystère pour les astronomes.
Il est tout de même un peu tôt pour dire que la découverte augmente la probabilité qu'il existe de la vie ailleurs dans l’Univers. Mais les chercheurs ont déjà prévu de fouiller un peu plus la question en explorant à nouveau la région d'ici quelques mois. Ils chercheront cette fois notamment des signes de présence d'eau ou de dioxyde de carbonedioxyde de carbone.
James-Webb révèle que des planètes ont pu se former « plus tôt dans l’Univers que nous aurions pu le penser »
Avec le télescope spatial James-Webb (JWST), depuis sa mise en service, c'est presque « un jour, une découverte ». Aujourd'hui, les données qu'il a recueillies sur une région de formation d'étoiles suggèrent aux astronomes que les planètes rocheuses ont pu se former bien plus tôt qu'ils ne le pensaient jusqu'alors.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 12/01/2023
NGC 346, c'est un amas ouvertamas ouvert associé à une nébuleuse. Il est situé à quelque 210 000 années-lumière de la Terre, dans le Petit Nuage de Magellan, une galaxie naine, voisine de notre Voie lactée. Et il s'y forme des étoiles. C'est même l'une des régions de formation d'étoiles les plus dynamiques de l'Univers proche que connaissent les chercheurs. C'est l'une des raisons pour laquelle NGC 346 les intéresse tant.
L'autre raison, c'est que le Petit Nuage de Magellan est moins riche en métauxmétaux -- les astronomes appellent ainsi tous les éléments plus lourds que l'hydrogène ou l'hélium -- que notre Voie lactéeVoie lactée. Et tout ça fait que NGC 346 se présente un peu comme une fenêtrefenêtre ouverte sur les conditions qui régnaient dans notre Univers à une époque connue des Anglophones sous le nom de « cosmic noon », comprenez « midi cosmique ». Une époque située environ 2 à 3 milliards d'années après le Big BangBig Bang. Une époque à laquelle les galaxies formaient des étoiles à un rythme fou.
Jusqu'alors, les chercheurs n'avaient accès qu'à des étoiles en formation plus lourdes que le Soleil. Des protoétoilesprotoétoiles dont la masse était comprise entre 5 et 8 fois celle de notre Étoile. Mais, une fois de plus, le télescope spatial James-Webb (JWST) a changé la donne. Il a permis aux astronomes de sonder des protoétoiles plus légères qui ne pèsent pas plus qu'un dixième de la masse de notre Soleil. Leur objectif : savoir si le processus de formation des étoiles est différent dans le Petit Nuage de Magellan que dans la Voie lactée. Si la faible teneur en métaux affecte ce processus. Et de quelle manière.
Des poussières dans un environnement pauvre en métaux
Rappelons qu'au cours de leur formation, les étoiles attirent à elles des gazgaz, mais aussi des poussières issues du nuage moléculaire environnant. Donnant naissance à des sortes de rubans gigantesques. Cette matièrematière s'accumule alors dans un disque d'accrétiondisque d'accrétion qui alimente la protoétoile qui se trouve au centre.
Alors que les astronomes avaient déjà observé le gaz concentré autour des protoétoiles de NGC 346, c'est la première fois, grâce au JWST et à ces données recueillies dans le proche infrarougeinfrarouge, qu'ils parviennent à y détecter aussi des poussières. Une surprise, car dans l'espace, les grains de poussière sont essentiellement composés de métaux. Et le Petit Nuage de Magellan en est relativement pauvre.
Une surprise qui pourrait s'avérer riche en enseignements. « Ces données montrent les blocs de constructionconstruction, non seulement d'étoiles, mais aussi potentiellement de planètes, précise Guido De Marchi, chercheur à l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA), dans un communiqué de la NasaNasa. Et puisque le Petit Nuage de Magellan a un environnement similaire aux galaxies du "midi cosmique", il est possible que des planètes rocheuses, des planètes telluriques, se soient formées plus tôt dans l'Univers que nous aurions pu le penser ».
Pour en apprendre plus, les chercheurs ont commencé à analyser les observations spectroscopiques de l'instrument NIRSpecNIRSpec du JWST. Elles pourraient cacher des informations précieuses sur le matériaumatériau qui s'accumule autour des protoétoiles de NGC 346, ainsi que leur environnement immédiat.