La construction d'une base lunaire permanente ne sera possible qu'en utilisant le maximum de ressources locales. L'Agence spatiale européenne (ESA) étudie le potentiel de briques en régolite lunaire pour stocker de la chaleur et la convertir en électricité pendant les longues nuits lunaires.

2001 : L'Odyssée de l'Espace et Cosmos 1999 sont, hélas, restées des œuvres de science-fiction car il n'existe toujours pas de colonies lunaires permanentes, ni aussi grandes ni aussi sophistiquées que celles montrées dans le film de Kubrick et la série des Anderson. En fait, nous avons la technologie pour les construire, elle est à portée de main eu égard aux progrès récents de l'intelligence artificielle et de la robotique. Mais, outre le fait d'avoir d'ailleurs marqué un coup d'arrêt notable au programme Apollo qui devait être suivi de missions martienne habitées à l'horizon des années 1980 voire 1990 à l'aide de la propulsion nucléaire, le problème est toujours le même : les coûts faramineux du transport des matériaux de la surface de la Terre à l'espace.

50 ans après les succès d'Apollo 11 à Apollo 17, l'humanité entend bien reprendre sa marche vers les étoiles ou pour le moins, la colonisation du Système solaire. Une colonie martienne est envisagée sérieusement mais il semble plus sage de tester d'abord la technologie qu'elle nécessite, également la résistance psychologique des colons avec une base lunaire tout simplement.

On dépoussière donc les projets des années 1960 aux années 1980 qui envisageaient de tirer des ressources directement du sol lunaire, avec l'aide des nouvelles technologies comme celle des imprimantes 3D, concept qui a été testé sur Terre pour la construction de bâtiment avec du béton.

On sait que l'on peut utiliser du régolite lunaire pour bâtir les murs d'une base lunaire et que de l’oxygène liquide peut en être tiré pour divers usages. Des chercheurs de l'Agence spatiale européenne (ESA) envisagent maintenant de se servir des roches et de la poussière lunaire pour produire de l'énergie ou plus exactement pour la stocker.


Une base lunaire avec impression 3D ? Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Liquifer Systems Group

Des stocks de chaleur pour la nuit lunaire

Mais pour en comprendre la raison, il faut savoir que, même si la Lune présente toujours la même face à la Terre, elle n'en est pas moins sujette elle aussi à l'alternance du jour et de la nuit qui dure respectivement 16 jours environ. S'il est vrai qu'il n'y a pas d'atmosphère pour bloquer le rayonnement du Soleil et que des panneaux photovoltaïques pourraient donc fonctionner à plein régime pendant 16 jours terrestres pour théoriquement produire de grandes quantités d'électricité, ils ne seront d'aucune utilité pendant la nuit lunaire. Si l'on ne veut pas encore faire grimper les coûts de la colonisation en apportant des batteries, il faut donc trouver une solution pour que les colons ne se retrouvent pas privés d'électricité pour vivre, que ce soit pour se chauffer ou éclairer des serres hydroponiques (par exemple) où pousseraient une bonne partie de leur nourriture.

Il existe bel et bien une solution grâce aux échantillons de roches et de régolite lunaire ramenés sur Terre par les astronautes d'Apollo ou bien les missions robotisés russes. Les scientifiques se sont rendu compte que certaines roches terrestres, d'origine ignée, étaient similaires aux roches et au régolite de notre satellite. Il était donc possible de préparer des quantités arbitrairement grandes d'analogues du régolite lunaire en pulvérisant des analogues terrestres des roches lunaires pour faire les expériences que pourrait suggérer l'imagination humaine.

Un exemple de brique faites avec des analogues des roches lunaires ignées sur Terre. La brique mesure 14 x 8,5 x 5 cm, ce qui la rend un peu plus petite qu'une brique typique utilisée pour construire une maison. © ESA/Azimut Space
Un exemple de brique faites avec des analogues des roches lunaires ignées sur Terre. La brique mesure 14 x 8,5 x 5 cm, ce qui la rend un peu plus petite qu'une brique typique utilisée pour construire une maison. © ESA/Azimut Space

Il apparaît maintenant que des briques formées de régolite lunaire ont une bonne capacité calorifique de sorte que l'on pourrait stocker de la chaleur dans ces briques pendant le jour lunaire et se servir par exemple de thermocouples pour produire de l'électricité à partir de cette chaleur pendant la nuit lunaire.

Ce genre de briques, ou plus exactement ses analogues, a été testé avec succès dans des chambres à vide reproduisant les conditions de très basses pressions régnantes à la surface de la Lune avec d'importantes amplitudes de changement de température entre le jour et la nuit lunaire (-173 °C à 127 °C). On peut également les utiliser directement comme réservoirs de chaleur pour maintenir des températures optimales de fonctionnement de certains dispositifs. Ces concepts sont cependant encore en développement car il reste à démontrer qu'ils pourront vraiment fournir les quantités d'énergie nécessaires pour les futurs colons lunaires.

Un extrait d'un panorama du sol lunaire avec son régolite lors de la mission Apollo 17. © Nasa
Un extrait d'un panorama du sol lunaire avec son régolite lors de la mission Apollo 17. © Nasa

Où installer une base lunaire habitée ?

Article de Rémy Decourt

La NASA qui s'est lancée dans un ambitieux programme de retour de l'homme sur la Lune prévoit un premier débarquement dès 2018. A la différence de l'épopée des missions Apollo, les Américains ont décidé de s'installer de façon durable sur la Lune, pour d'une part l'explorer, y faire de la science, et d'autre part préparer la première mission habitée vers Mars et débuter des études exploratoires de l'exploitation des ressources lunaires.

Mais où débuter cette colonisation et installer les premières structures habitables ? Il s'agit de choisir une région où les ressources disponibles à même de soutenir une activité humaine sont facilement exploitables. Dans l'immédiat, les ressources à exploiter en priorité sont l'oxygène, l'eau et la production d'énergie. Si dans un premier temps l'oxygène et l'eau seront acheminés depuis la Terre, la production d'énergie devrait démarrer rapidement après l'installation des premiers modules, voire du module lunaire du CEV des premières missions qui pourraient rester en activité plusieurs semaines sur la Lune.

Pour produire de l'énergie, la NASA a besoin d'une région suffisamment ensoleillée. Il faut savoir que sur la Lune, le jour dure un peu plus de 27 jours terrestres. Pendant cette période, le Soleil est constamment au-dessus de l'horizon pendant un peu moins de 14 jours. Après son coucher, il fait nuit pendant une période équivalente. Mais, il existe des régions où le Soleil est pour ainsi dire constamment visible. Les pôles sont un emplacement de choix. Mais, si la Terre est inclinée sous un angle d'environ 23 degrés la Lune l'est seulement de 1 degré. Cette faible inclinaison fait que seuls les sommets de quelques cratères connaissent de longues périodes d'ensoleillement.

La sonde Clémentine de la NASA qui a tourné autour de la Lune pendant trois mois en 1994 a identifié des sites polaires constamment illuminés par le Soleil pendant l'été lunaire et jusqu'à 80 % le reste du temps. Notez que la sonde Smart-1 de l'Agence spatiale européenne doit déterminer si la lumière solaire est suffisamment présente aux niveaux des pôles lunaires au cours de l'hiver lunaire. Ainsi Smart-1 a découvert un site très lumineux qui se situe à 15 kilomètres du pôle nord. Bien que cette région soit peu touchée par le Soleil, on remarque un rempart de cratère suffisamment haut pour que le Soleil puisse l'illuminer.

Une base sur la Lune
Une base sur la Lune

Ces régions polaires sont propices à l'établissement d'une base lunaire. Leur exposition au Soleil est suffisante pour faire fonctionner de petites usines de production d'énergie à partir de panneaux solaires, d'autant plus que la technologie est bien maîtrisée. Ces régions ne sont pas soumises à des changements de température trop brutaux, entre le jour et la nuit. Elles offrent une certaine stabilité de la température. Si au niveau de l'équateur, la température peut passer de - 170 °C à + 110 °C, ce qui est difficilement vivable, au niveau des pôles on note des températures d'environ - 30°C. A de telles températures, la NASA est parfaitement capable de mettre en place de petites stations solaires capables de maintenir des habitats chauffés à 20 °C.

La fourniture d'énergie sera plus difficile l'hiver. Ainsi, les activités seraient cantonnées aux alentours les plus immédiats de la base tandis que l'été des missions d'explorations seraient envoyées très loin de ces bases, jusqu'à des centaines de kilomètres autour.

Les régions polaires présentent également un autre avantage. On sait que certains planchers de cratères sont constamment à l'ombre du Soleil. De nombreux scientifiques supposent que des réservoirs substantiels de glace d'eau existeraient et seraient assez facilement exploitables.

Des astronomes envisagent même la construction d'un très grand observatoire lunaire. Il serait situé à plusieurs dizaines de kilomètres de façon à ne pas être affecté par les rayons du Soleil. Cet observatoire serait dédié à l'observation du ciel profond et fonctionnerait sans surveillance. La Lune ne possède pas d'atmosphère de sorte que la lumière du Soleil n'est pas dispersée, ainsi des observations sont possibles même la journée.

La Lune une étape avant Mars

Ce retour sur la Lune n'est qu'une étape avant la conquête de Mars par l'homme. Les missions lunaires qui seront envoyées autour et sur la Lune seront, pour certaines, utilisées comme bancs tests pour les missions habitées à destination de Mars. Elles valideront des concepts, des profils de missions et les nouvelles technologies nécessaires pour ces missions martiennes. La NASA veut optimiser au mieux l'utilisation de mission robotiques et humaines afin de les dupliquer pour la Planète rouge.

Réseau de communication

Enfin, la NASA veut mettre en place un réseau de communication lunaire et démontrer la faisabilité de l'utilisation de la Lune comme base de lancement pour des missions robotiques planétaires. Quant on sait que la puissance requise pour s'échapper de l'attraction lunaire est de 1/6 de celle de la Terre on comprend mieux l'intérêt d'utiliser notre satellite comme point de départ pour l'exploration du Système Solaire.