Peut-on faire l'amour dans l'espace ? Posée depuis longtemps, la question n'a jamais obtenu de réponse circonstanciée. Entre rumeurs, allusions et canulars, le problème reste à peu près entier. En revanche, il est clair que la procréation ne serait pas une bonne idée, à cause des radiations et de l'absence de pesanteur...
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La question des relations amoureuses pendant les missions spatiales est cruciale. Elle l'est même de plus en plus alors que des missions de longue durée sont envisagées à destination de Mars et au-delà, et que la Nasa elle-même annonce son intention d'envoyer des couples mariés à bord de ses vaisseaux. Est-ce par hypocrisie ou puritanisme que le sujet est systématiquement évité ? Nous ne trancherons pas et examinerons d'abord l'aspect scientifique du problème.
Car aspect scientifique il y a. Quel sera l'impact des rayonnements cosmiques sur les cellules liées à la reproduction ? On sait, d'une part, à quel point spermatozoïdes et ovules peuvent se montrer sensibles à certains stimuli externes, au mieux en refusant de fusionner, au pire en produisant des embryonsembryons atteints de malformationsmalformations. Et on sait d'autre part que le rayonnement omniprésent dans l'espace peut influencer l'organisme humain, de façon parfois surprenante.
Ainsi, les particules émises lors des éruptions solaires peuvent traverser sans le moindre problème aussi bien les parois des vaisseaux spatiaux que les corps des astronautes. Ces voyageurs ne s'en ressentent nullement, sauf lorsque les particules frappent la rétinerétine. Elles provoquent alors l'apparition d'éclairséclairs, comme un flashflash traversant le champ de vision, ou une petite tache si la particule frappe de face. Ce phénomène a été décrit pour la première fois lors des vols ApolloApollo vers la Lune, le vaisseau se trouvant alors au-delà de la protection des ceintures de Van Allen, mais est aussi remarqué lors du survolsurvol de l'anomalie de l'Atlantique sud, où le bouclier magnétique est affaibli. Il peut donc bien y avoir interaction entre les rayons cosmiques et les cellules humaines.
C'est pourquoi une attention toute particulière a toujours été consacrée par les agences spatiales à la reproduction dans l'espace, et à la survie des embryons obtenus ainsi qu'à leur condition physiquephysique. Plusieurs programmes ont ainsi vu le jour et ont été conduits, aussi bien à bord de satellites scientifiques automatiques que des stations Saliout et MirMir, et que de la Station spatiale internationale. Nous ne les passerons pas en revue, mais citerons certains faits.
Les expériences d'accouplement animal dans l'espace
Les Russes semblent avoir effectué les premières expériences de reproduction dans l'espace, et ce depuis 1979. Ainsi, 5 rats femelles et 2 mâles sont restés 19 jours en orbiteorbite, sans engendrer de naissances après leur retour sur Terre. Mais il n'est pas certain qu'ils aient copulé. Diverses expériences menées sur des œufs de grenouille montrent des anomalies de développement et semblent indiquer qu'une période de trois heures après la fécondationfécondation requiert l'intervention de la pesanteur pour déplacer certains éléments à l'intérieur de l'œuf et amorcer la symétrie bilatérale.
D'autres tentatives, effectuées dans une centrifugeuse à bord de la navette en septembre 1992, ont abouti à la naissance de 440 têtardstêtards parfaitement formés. Les conséquences de l'irradiationirradiation ont aussi fait l'objet d'examens au cours de ce vol, qui embarquait 2 carpescarpes japonaises, 180 frelonsfrelons israéliens, 400 mouches et 7.200 asticots.
Mais toutes les expériences ne se sont pas aussi bien déroulées. En 1989, un essai de fécondation d'œufs de poule en apesanteurapesanteur s'était conclu par la mort toujours inexpliquée de la totalité des embryons après leur retour sur Terre. Autrement dit, les scientifiques, dans ce domaine, marchent toujours sur des œufs...
C'est en juillet 1994 que fut réalisé le premier accouplement officiel en apesanteur. Il s'agissait de quatre petits poissonspoissons, des médakas (Oryzias latipes), une espèceespèce abondante dans les rizières et couramment élevée en aquarium. Après avoir baptisé les mâles A et B, et les femelles C et D, les chercheurs ont décidé de leur donner un vrai nom. Ils devinrent donc Genki (actif), Cosmo (persévérant), Miki (futur) et Yume (rêve). De la persévérance, il leur en fallut. La 21e tentative d'accouplementaccouplement fut la bonne, les poissons n'arrivant pas, jusque-là, à garder la position suffisamment longtemps pour copuler. Quarante-trois œufs fécondés furent pondus mais seulement 8 alevinsalevins en sortirent.
Citons aussi l'expérience Fertile (Fécondation et embryogenèse réalisées chez le triton in vivo dans l'espace), réalisée en août 1996 par Claudie André-Deshays (Haigneré aujourd'hui), puis en février 1998 par Léopold Eyaerts à bord de la Station orbitaleorbitale Mir, au cours de deux missions spatiales franco-russes, les missions Cassiopée et Pégase. Le but de l'expérience était de savoir si la fécondation naturelle et le développement embryonnaire normal d'un VertébréVertébré, ici un AmphibienAmphibien Pleurodèle, pouvaient se réaliser en micropesanteur.
Ces expériences ont permis de révéler certaines anomalies à certains stades du développement embryonnaire, mais aussi au niveau de la fécondation elle-même, de la segmentation des cellules et de la fermeture du tube nerveux, qui se produit avec retard. Le rôle de l'absence de pesanteur ne paraît donc pas négligeable sur la reproduction.
Et l'Homme ?
À la question de savoir si l'acte d'amour a déjà été produit dans l'espace, la réponse est oui. Et même oui officiellement, puisqu'en 1982, les responsables de l'agence spatiale d'URSS ont reconnu qu'une tentative d'accouplement humain avait eu lieu à bord de Saliout 7, entre la cosmonautecosmonaute Svetlana Yevgenyevna Savitskaya et un des deux autres occupants de la station, Leonid Popov ou Alexander Serebrov. Laconiques, leurs patrons se sont contentés de déclarer que l'« expérience » n'avait eu lieu que dans la perspective de concevoir le premier enfant de l'espace...
Svetlana Savitskaya, qui se met de fort mauvaise humeur lorsqu'on évoque le sujet comme si cet acte lui avait été imposé (elle était déjà mariée à l'époque avec un pilote d'essai non astronaute), est aujourd'hui mère de deux filles, nées bien après son vol.
Du côté de la Nasa, on a parlé d'un document intitulé Cosmic Love, rédigé par Ken Jenks, censément ingénieur du Space Biomedical Research Institute. Dans ce document, dont la Nasa a toujours affirmé qu'il s'agissait d'un canularcanular, l'auteur décrit comment, en 1996, l'agence américaine aurait conduit une série d'expériences destinées à déterminer les meilleures positions à adopter pour un rapport sexuel en apesanteur.
On pourrait également citer l'exemple de Mark Lee et Jan Davis, un couple d'astronautes passagers de la mission STS-47 en septembre 1992, mariés seulement depuis un an et demi. Est-il raisonnable de penser qu'ils n'aient pas été tentés par l'expérience dans des circonstances aussi exceptionnelles ? Là aussi, la Nasa fait la sourde oreille. Quant aux intéressés, ils affirment que leurs horaires de travail ne leur permettaient pas de se rencontrer, l'un travaillant tandis que l'autre dormait.
La physiologie, un obstacle ?
Sur un plan strictement physiologique, rien n'empêche un couple de se livrer à des ébats amoureux dans l'espace. Il faut cependant remarquer qu'au début d'un séjour en apesanteur, les fluides sanguins ont tendance à migrer du bas vers le haut du corps, provoquant l'apparition de symptômessymptômes tels que les « pattes de poulet » et l'apparition d'un visage bouffi.
Au bout de quelques jours, ou plus suivant les organismes, la situation a tendance à rentrer dans l'ordre. Mais durant cette période, il n'y a plus d'érection possible puisque les corps caverneuxcorps caverneux de la verge ne sont plus irrigués.
Ensuite, comme nous le mentionnons plus haut, l'effet des radiations reste inconnu. Plusieurs astronautes ont procréé après une mission et leurs enfants sont bien en vie. La doyenne de ces enfants est Elena Nicolaïev, fille de Valentina TerechkovaValentina Terechkova, la première femme cosmonaute, et Adrian Nicolaïev, qu'elle a épousé peu après son unique vol de juin 1963 à l'occasion d'un mariage arrangé par le parti (ils ont divorcé peu de temps après). Conçue un mois après le retour sur Terre de la maman, Elena était une prématurée de 7 mois mais en parfaite santé. Elle exerce aujourd'hui la profession de médecin à Moscou.
Chose curieuse, il semble que les enfants d'astronautes soient plus souvent des filles. Une situation similaire semble exister chez les pilotes de chasse, sans que l'effet ait été clairement établi, et encore moins expliqué.
Si aucun problème sérieux n'a été détecté jusqu'à présent sur les enfants d'astronautes, il reste néanmoins intéressant de suivre les effets des rayonnements cosmiques sur le long terme. En attendant, la contraceptioncontraception est obligatoire pour les femmes avant et pendant les vols...
Quant à l'aspect purement sentimental, quelle sera l'influence d'une mixité dans les missions longues ? Un chercheur californien, Joseph Rhawn, s'est penché sur la question et a analysé froidement un certain nombre de comportements chez les astronautes, les exilés de stations antarctiquesantarctiques... et les chimpanzéschimpanzés, y découvrant des similitudes troublantes. Son mémoire (Sex On Mars: Pregnancy, Fetal Development, and Sex In Outer Space) milite pour une anticipation de ce versant obscur d'une mission de très longue duréedurée. Les équipes isolées sur le continent Antarctique, confinées au sein d'un milieu hostile, établissent à l'évidence des relations charnelles. En témoignent par exemple les sept grossessesgrossesses qui ont suivi les missions dans la station australienne entre 1989 et 2006. La mixité peut avoir un effet positif sur le moral des troupes, mais peut aussi générer de graves conflits. L'auteur note que les relations sexuelles concernent le plus souvent les hommes haut placés dans la hiérarchie, comme chez les chimpanzés, souligne-t-il.
Joseph Rhawn se penche également sur les études portant sur les effets des menstruations mais aussi sur la gestationgestation dans l'espace et l'éventualité d'une grossesse surprise au milieu d'une mission martiennemission martienne. Conclusion : si la sexualité n'est pas prise en compte dans de futurs voyages au long courslong cours, l'auteur prédit des violences et des catastrophes. En revanche, il préfère terminer sur l'image du premier bébé né sur Mars, qui ferait d'Homo sapiensHomo sapiens une espèce à deux planètes...