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Il y a quelques années, une machine états-unienne permettant d'explorer la physique des plasmas à l'aide de la technique dite « à striction axialeaxiale » (appelée aussi Z-pinch) a beaucoup fait parler d'elle. En 2006, la Z machineZ machine, du laboratoire SandiaSandia, avait en effet produit de façon imprévue des températures de 2 milliards de degrés alors qu'elle avait seulement été conçue pour générer des températures de plusieurs millions de degrés, proches de celles des éruptions solaires.
Certains y ont vu une nouvelle voie très prometteuse pour atteindre le graal de la fusion contrôlée. Il faut dire que, tout comme dans le cas de la fusion inertielle par laser, il était alors possible d'imaginer comprimer une capsule de combustible, ici un cylindre, à l'aide d'impulsions magnétiques (Magnetized Liner Inertial Fusion ou MagLIF).
On ne sait pas trop où en sont les recherches à cet égard. Mais, quoi qu'il en soit, la Z machine est un puissant générateur de rayons Xrayons X qui permet de reproduire les plasmas rencontrés d'ordinaire dans les disques d'accrétiondisques d'accrétion, où de la matièrematière surchauffée émet ce type de rayonnement avant de tomber dans un trou noir.
Les trous noirs comptent parmi les objets les plus opaques de l'univers. Heureusement, ils sont aussi parmi les plus attractifs, et c'est grâce à leur pouvoir d'attraction démesuré que nous pouvons les détecter. Les trous noirs géants sont les ogres les plus monstrueux du zoo cosmique, mais ils ne sont pas forcément des armes de destruction massive. Les jets de matière qu'ils produisent auraient ainsi contribué à allumer les premières étoiles et à former les premières galaxies. Dans cette vidéo, Hubert Reeves et Jean-Pierre Luminet, spécialistes en cosmologie contemporaine, répondent à toutes vos questions concernant les trous noirs. Pour en savoir plus, visitez dubigbangauvivant.com. © Groupe ECP, YouTube
C'est d'ailleurs par ces émissionsémissions de rayons X que l'on a pu établir l'existence des premiers trous noirs stellairestrous noirs stellaires puis les étudier avec des missions spatiales comme les satellites Chandra et Nustar. Or, justement, en cherchant à tester nos modèles concernant la physique des émissions X des disques d'accrétion des astresastres compacts, le physicienphysicien Guillaume Loisel est tombé sur un os, comme il l'explique avec ses collègues dans un article paru dans Physical Review Letters.
Le physicien Pierre Auger en 1935, qui a donné son nom à l'effet Auger. © CNRS
Les raies des atomes de fer ionisés révèlent la physique des trous noirs
Tout a commencé il y a environ une vingtaine d'années, quand les théoriciens ont avancé une explication pour rendre compte de l'absence de certaines raies spectralesraies spectrales associées aux atomesatomes de ferfer ionisés présents dans les disques d'accrétion autour des trous noirs. Les raies spectrales de ces atomes sont étudiées car elles renferment des informations aussi bien sur la structure de ces disques que sur leur composition, toutes deux dépendant des effets de la relativité générale et de la théorie des trous noirs. L'absence de certaines raies était interprétée comme une manifestation d'un effet Augereffet Auger de destruction résonnante (Resonant Auger Destruction ou RAD en anglais).
Rappelons qu'à la base, l'effet Auger repose tout d'abord par l'ionisationionisation d'un électronélectron dans une couche profonde d'un atome, laquelle laisse une place vacante que va vouloir occuper un électron présent sur une couche supérieure. Ce faisant, cet électron va soit émettre un photonphoton X, ce qui donne un effet de fluorescence, soit céder directement son énergieénergie à un autre électron qui va, lui aussi, être éjecté de l'atome, et c'est ce qui est spécifique à l'effet Auger. Selon les astrophysiciensastrophysiciens de l'époque, l'émission par fluorescence aurait conduit une partie des photons X à ioniser un autre atome de fer qui, lui, aurait manifesté un effet Auger. Au final, un effet de fluorescence X moins intense devait donc être observé.
Mais voilà, si un effet RAD se produit bien dans un plasma comparable à celui entourant les trous noirs avec des atomes de fer, il devrait se produire aussi avec les atomes de siliciumsilicium. Or, ce n'est pas ce qui a été observé avec ces atomes dans les expériences réalisées grâce à la Z machine.
Selon Guillaume Loisel, la conclusion est sans appel : « Nos travaux suggèrent qu'il va être nécessaire de revoir de nombreux articles publiés depuis une vingtaine d'années. Nos résultats représentent un défi pour les modèles utilisés afin de déduire la vitessevitesse à laquelle les trous noirs absorbent la matière provenant d'une étoileétoile compagne ».
Ce qu’il faut
retenir
- Pour la première fois, il a été possible, grâce à la Z machine, de reproduire en laboratoire, sur Terre, les conditions physiques régnant dans le plasma des disques d'accrétion des trous noirs avalant de la matière arrachée à une étoile compagne.
- Les résultats ne concordent pas avec les modèles imaginés et utilisés depuis une vingtaine d'années pour étudier la physique des trous noirs (via leur émission dans le domaine des rayons X et en faisant usage de l'effet Auger).