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Voilà 50 ans, Edwin Salpeter, Igor Novikov et le grand Yakov Zel’dovich (dont on fête cette année le centenaire) ont avancé que les quasars et les noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies étaient probablement des trous noirs supermassifs. En 1971, Donald Lynden-Bell et Martin Rees ont émis l'hypothèse que le centre de la Voie lactée contenait probablement un tel trou noir.
La source d'ondes radio qui lui est associée, Sagittarius A*Sagittarius A*, a été découverte et nommée le 13 et le 15 février 1974 par les astronomesastronomes Bruce Balick et Robert Brown. Il y a donc longtemps que l'on a des raisons de penser que toutes les galaxies ont très probablement en leur cœur un trou noir. Les preuves de l'existence des trous noirs, qu'ils soient stellaires ou supermassifs, se sont d'ailleurs accumulées depuis les années 1970, notamment grâce aux observations faites dans le domaine des rayons X.
Les trous noirs, par définition, n'émettent pas de lumière. Mais la matière qu'ils avalent oui, et parfois copieusement, ce qui permet de les détecter dans le domaine des rayons X et même gamma. Notre Voie lactée, comme la majorité des galaxies, possède un trou noir supermassif central. Mais il est bien trop loin pour nous inquiéter. Sur le site Du Big Bang au vivant, Hubert Reeves et Jean-Pierre Luminet répondent à plusieurs questions sur la cosmologie et l'astrophysique. © Dubigbangauvivant, Groupe ECP, YouTube
Du gaz à plusieurs centaines de millions de degrés
Mais qu'ils soient étudiés du point de vue de la physique théorique la plus fondamentale ou du point de vue de l'astrophysique, les trous noirs ont encore bien des secrets en réserve. On aimerait bien mieux comprendre comment se sont formés les trous noirs supermassifs par exemple. Ils semblent croître de pair avec leurs galaxies hôtes car il existe une relation de proportionnalité entre la massemasse d'une galaxie et celle du trou noir géant qu'elle contient. Il semble donc que l'on ne peut pas vraiment comprendre la croissance et l'évolution des galaxies indépendamment de celle des trous noirs supermassifs, ce qui implique de mieux comprendre les interactions entre ces trous noirs et les galaxies.
Lorsqu'ils avalent de la matièrematière, les trous noirs s'entourent d'un disque d'accrétiondisque d'accrétion. Le gazgaz chutant vers l'horizon des événements s'échauffe prodigieusement et sa température finit par atteindre des centaines de millions de degrés. Il se met donc à rayonner dans le domaine des rayons X et ultravioletultraviolet (UV). Ce rayonnement peut rétro-agir sur le gaz en exerçant une pression de radiationpression de radiation de sorte qu'une partie de celui-ci va se comporter comme un ventvent de matière s'éloignant du trou noir. Il existe même une limite à l'intensité du rayonnement produit par l'accrétion de matière, la fameuse limite d'Eddingtonlimite d'Eddington, au-delà de laquelle pour un objet de masse donnée, la pression de rayonnement stoppe littéralement la chute de la matière.
La galaxie NGC 5548 possède en son centre, dans une région plus petite que l'orbite de la Terre, un trou noir supermassif de 40 millions de fois la masse du Soleil. Aspirée par ce trou noir, la matière environnante tombe en tourbillonnant et forme un plasma à plusieurs centaines de millions de degrés (la couronne) à l’origine du rayonnement X. Le disque libère également de puissants flots de gaz chauds, où des régions plus denses peuvent occulter l’émission X dans la ligne de visée des Terriens (indiquée par la ligne verte dans l’animation). Plus loin soufflent des vents produits par les régions plus externes du disque, les Broad Line Regions. Bien plus loin encore, à des années-lumière du trou noir, des flots de matière ionisée absorbent également une partie du rayonnement X et ultraviolet. Ils peuvent se refroidir là où le rayonnement a déjà été occulté par les nuages denses internes du flot. © Renaud Person et Pierre-Olivier Petrucci, Inaf TV, CNRS (légende), YouTube
Un laboratoire pour la physique des quasars
De manière générale, quel que soit le mécanisme d'émissionémission d'un trou noir supermassif à partir de l'accrétion de matière, par exemple celui de Blandford-Znajek, le flux de rayonnement qu'il va produire est susceptible d'agir sur le contenu en gaz à l'échelle d'une galaxie et sur la croissance même de ce trou noir en produisant des vents de matière. Comprendre la physique de ces vents est donc important pour pouvoir modéliser la dynamique des galaxies.
C'est avec ce but en tête qu'une équipe internationale d'astronomes menée par un chercheur de l'institut de Planétologie et d'Astrophysique de Grenoble (CNRS/UJF) a mobilisé 6 instruments en orbiteorbite, le satellite XMM-Newtonsatellite XMM-Newton, le télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble, ainsi que les satellites SwiftSwift, Nustar, ChandraChandra, et Integral, pour étudier d'un peu plus près l'environnement du trou noir supermassif présent au centre de la galaxie active NGCNGC 5548.
Dans un article publié sur arxiv, les astrophysiciensastrophysiciens décrivent comment ils ont enfin pu vérifier une prédiction faite de longue date concernant l'un des mécanismes impliqués dans la génération des vents de matière des trous noirs : le phénomène d'écrantage. Le rayonnement X produit par la matière chauffée aux abords du trou noir va avoir tendance à ioniser le gaz à des distances plus grandes. Dans cet état, la pression de radiation que peut exercer le rayonnement ultraviolet, aussi produit par l'accrétion de matière, est bien moins efficace pour expulser le gaz au loin du trou noir. La puissance des vents de matière des trous noirs était donc de prime abord problématique mais les théoriciens avaient trouvé une solution. Si la densité de matière est suffisamment importante près du trou noir, elle peut agir comme un écran absorbant 90 % du rayonnement X, limitant donc l'ionisationionisation du gaz au-delà.
Dans le cas du trou noir de NGC 5548, les chercheurs ont constaté en juin 2013 une brusque baisse locale de l'état de l'ionisation de la matière à une certaine distance de l'astreastre compact. Il devait s'agir de la signature attendue du passage d'un nuagenuage ou d'un courant de matière dense à une distance plus faible du trou noir, bloquant le rayonnement X en provenance du disque d'accrétion.
L'ampleur des vents associés au trou noir central de NGX 5548 est trop peu importante pour affecter significativement cette galaxie. Mais la démonstration de l'existence du phénomène d'écrantage donne davantage confiance dans les modèles construits pour décrire ce genre de courants de matière produits par de puissants quasarsquasars.