S’il est dans l’univers des objets fascinants, ce sont bien les trous noirs et les chercheurs de la Nasa nous invitent aujourd’hui, 40 ans après les travaux de pionnier de Jean-Pierre Luminet, à découvrir une simulation de l’un d’entre eux. Des images étonnantes qui nous montrent à quel point la gravité peut agir sur le parcours de la lumière et influencer la façon dont nous voyons le monde.

Article original publié le 28 septembre 2019

La gravité déforme l'espace-temps. Einstein le disait et sur cette incroyable modélisation d'un trou noir proposée par des chercheurs de la Nasa, le phénomène apparaît enfin clairement. Ici, la lumière ne se déplace plus en ligne droite, comme à son habitude. Sa trajectoire est totalement distordue sous l'effet de l'extrême gravité qui règne aux abords de ce trou noir.

Cette modélisation des chercheurs de la Nasa révèle aussi à quel point des régions distinctes du disque d’accrétion peuvent être différemment affectées. Du moins selon l'angle sous lequel nous observons le trou noir en question.

Les régions les plus éloignées apparaissent au-dessus du trou noir.

Ainsi, vu de côté, l'objet prend une forme particulièrement distordue, doublement bombée en son centre. Sous l'effet de la gravité, les régions les plus éloignées du disque d'accrétion -- ce disque de matière, chaud et fin, en rotation autour du trou noir -- apparaissent au-dessus du trou noir. Les régions situées sous le disque d'accrétion deviennent visibles en dessous du trou noir.

Sur la gauche, le disque d'accrétion du trou noir apparaît plus brillant. Car, de ce côté, les gaz s'approchent de nous tellement rapidement que des effets relativistes -- encore prévus par Einstein -- boostent leur luminosité. De l'autre côté, c'est l'inverse qui se produit. Mais cette asymétrie disparaît lorsque nous regardons le disque de face. De ce point de vue, en effet, aucune matière ne se déplace dans notre champ de vision.

 Une illustration réalisée par Jean-Pierre Luminet à partir des résultats d'une simulation sur ordinateur montrant l'aspect d'un trou noir entouré d'un disque d'accrétion. L'effet Doppler produit par la matière chaude en rotation la rend plus lumineuse lorsqu'elle s'approche de nous à une fraction notable de la vitesse de la lumière et au contraire la rend presque sombre lorsqu'elle s'éloigne (à droite). Le champ de gravitation du trou noir est si fort que les rayons lumineux issus du disque derrière le trou noir sont courbés en direction de l'observateur et que l'on peut donc voir ce disque au-dessus du trou noir. © Jean-Pierre Luminet, CNRS Phototheque
Une illustration réalisée par Jean-Pierre Luminet à partir des résultats d'une simulation sur ordinateur montrant l'aspect d'un trou noir entouré d'un disque d'accrétion. L'effet Doppler produit par la matière chaude en rotation la rend plus lumineuse lorsqu'elle s'approche de nous à une fraction notable de la vitesse de la lumière et au contraire la rend presque sombre lorsqu'elle s'éloigne (à droite). Le champ de gravitation du trou noir est si fort que les rayons lumineux issus du disque derrière le trou noir sont courbés en direction de l'observateur et que l'on peut donc voir ce disque au-dessus du trou noir. © Jean-Pierre Luminet, CNRS Phototheque

Tout est question de point de vue

Certaines zones du disque d'accrétion forment des sortes de nœuds qui s'allument et qui s'éteignent au gré des champs magnétiques qui enroulent et distordent la matière. Au plus près du trou noir, les gaz orbitent à des vitesses proches de celle de la lumière alors qu'ils tournent légèrement plus tranquillement dans les zones plus éloignées. De quoi étirer et cisailler les nœuds de lumière pour les transformer en lignes claires et obscures.

Lorsque nous nous approchons du trou noir, la distorsion de la lumière sous l'effet de la gravité devient tellement importante que le dessous du disque d'accrétion -- tout comme ses régions les plus éloignées -- nous apparaît sous la forme d'un anneau de lumière qui semble délimiter le trou noir. Ce que les astronomes appellent un anneau de photons. Il entoure la région sombre de l'objet, nommée ombre du trou noir.

Cet anneau est en réalité composé de plusieurs anneaux, de plus en plus fins et discrets, formés par la lumière après qu'elle a fait deux, trois ou plusieurs fois le tour du trou noir. Et c'est la forme sphérique choisie pour le trou noir modélisé ici qui leur donne un aspect quasi circulaire, quel que soit cette fois notre angle de vision.

Des simulations visionnaires

Comme Jean-Pierre Luminet l'a expliqué à plusieurs reprises et avec de nombreux détails sur les versions française et anglaise du blog que Futura a mis à sa disposition, il a été le premier à la fin des années 1970 à calculer sur ordinateur l'aspect visuel d'un trou noir entouré d'un disque d'accrétion.