Depuis quelques années, la simulation Romulus permet aux astrophysiciens et cosmologistes de tenter de percer les mystères des relations complexes entre la croissance des trous noirs supermassifs et l'évolution des galaxies qui les abritent.


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    Nous savons depuis quelques décennies que les trous noirs supermassifs sont présents au cœur des grandes galaxies comme M87 ou la Voie lactée, ou, pour le moins, qu'il existe des astres compacts ayant des masses d'un million à plusieurs milliards de masses solaires qui se comportent à bien des égards comme des trous noirs au centre de ces galaxies.

    Il existe tellement d'observations à ce sujet que, depuis un bon moment également, les astrophysiciensastrophysiciens ont mis en évidence une bonne corrélation entre la masse MT d'un trou noir galactique et la masse MG de la galaxie qui l'héberge. Le rapport MG/MT est d'environ 1.000. Cette relation n'est pas systématiquement vérifiée mais elle l'est assez pour que déduction soit faite qu'il y a une relation de co-évolution entre les galaxies et les trous noirs supermassifs. Le problème est qu'on ne sait pas exactement laquelle, voire lesquelles car plusieurs facteurs peuvent entrer en ligne de compte.

    Comment peuvent naître les trous noirs supermassifs n'est encore pas très bien compris non plus. Il est certain qu'ils ne sont pas le produit de l'effondrementeffondrement gravitationnel d'étoilesétoiles classiques initialement sur la séquence principaleséquence principale. Les graines des trous noirs supermassifs sont peut-être à chercher du côté des trous noirs primordiaux qui auraient pu se former pendant le Big BangBig Bang, ou alors du côté d'étoiles supermassives qui faisaient partie de la première génération d'étoiles à se former dans le gazgaz dépourvu initialement d'éléments lourds juste après le Big Bang.

    Une chose est certaine, nous observons tout au cours de l'évolution cosmique de l'universunivers observable des collisions de galaxies suivies parfois de fusionsfusions. Nous observons également, juste après ces fusions, que deux trous noirs supermassifs existent dans la galaxie produite par cette fusion et nous avons donc des raisons de penser que ces trous noirs vont finir par fusionner à leur tour. Nous avons également remarqué l'existence de courants froids d’hydrogène et d’hélium tombant sur des galaxies, ce qui bien évidemment les alimente en gaz conduisant à la formation de nouvelles étoiles. Ces mêmes courants vont faire s'accréter la matièrematière au niveau des trous noirs supermassifs et donc les faire croître là, en parallèle avec les galaxies qui les abritent.

    Toutefois, ce qui se passe dans les galaxies et au niveau des trous noirs supermassifs est plus complexe que ces simples descriptions ne le laissent penser.


    Une présentation par l'astrophysicien Michael Tremmel des premiers résultats avec les simulations Romulus. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © UC-HiPACC

    Des relations complexes entre trous noirs supermassifs et galaxies

    Il y a déjà le fait que, lorsqu'un trou noir supermassif se met à accréter de la matière en grande quantité, il se comporte comme un quasar prodigieusement lumineux. Le rayonnement produit par ce noyau actif de galaxiesnoyau actif de galaxies peut alors expulser une partie du gaz dans une galaxie de part la pressionpression qu'il exerce (on voit un phénomène similaire avec l'effet du SoleilSoleil sur la queue des comètesqueue des comètes). Ce faisant, il peut inhiber la formation des nouvelles étoiles dans la galaxie hôte du quasarquasar.

    Les étoiles elles-mêmes explosent en supernovaesupernovae formant alors des super-bulles dans le milieu interstellaire et cela aussi influe sur la formation stellaire et la quantité de gaz présente dans les galaxies.

    Finalement, pour comprendre ce qui se passe dans le royaume des galaxies et leurs interactions avec les trous noirs supermassifs qu'elles contiennent, il faut tenir compte d'un grand nombre de corps célestes et d'une série de boucles de rétroactionsboucles de rétroactions dérivant de plusieurs phénomènes relevant d'une description non-linéaire de la physique en jeu : en clair, il faut utiliser des simulations numériquessimulations numériques savantes sur des superordinateurssuperordinateurs.

    C'est exactement ce que fait une équipe de cosmologistes menée par l'astrophysicienne, Priyamvada Natarajan, de l'Université de Yale, avec la simulation Romulus. Avec ses collègues, Angelo Ricarte et Michael Tremmel, également de Yale, et Thomas Quinn de l'Université de Washington, elle vient de publier un article à ce sujet dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, article disponible en accès libre sur arXiv.

    La simulation Romulus tient notamment compte d'une modélisationmodélisation plus précise de l'accrétionaccrétion de la matière par un trou noir supermassif ainsi que de la fameuse formule dite de « friction dynamique » du grand astrophysicien indien et prix Nobel de physiquephysique Chandrasekhar décrivant la perte d'énergieénergie d'un corps céleste massif, comme une étoile ou un trou noir, en mouvementmouvement dans le gaz autogravitant d'étoiles dans une galaxie.

    Dans le cadre de la simulation Romulus, la prise en compte de cette formule montre notamment que les trous noirs supermassifs peuvent mettre beaucoup de temps avant d'entrer en coalescencecoalescence après la fusion des deux galaxies qui les contenaient, voire rester en orbiteorbite autour de la galaxie produite comme l'expliquait le précédent article de Futura ci-dessous. Cela a donc des implications pour déterminer le nombre d'événements de coalescence que pourrait détecter eLisa lorsque cet interféromètreinterféromètre géant partira à la chasse aux ondes gravitationnellesondes gravitationnelles produites par ces interactions de trous noirs supermassifs.

    Aujourd'hui, le résultat le plus intéressant fourni par les simulations de Romulus concerne l'universalité d'un phénomène en ce qui concerne la croissance des trous noirs supermassifs. Romulus fait intervenir des dizaines de milliers de galaxies de différentes masses et en cours de co-évolution sur des milliards d'années depuis le Big Bang. Or, il apparaît que, quelle que soit la galaxie considérée, le fait qu'elle soit ou non présente dans un amas galactiqueamas galactique et quelle que soit la date de l'histoire du cosmoscosmos observable considérée, il existe un contrôle du taux de croissance du trou noir supermassif en relation avec la masse d'une galaxie.

    Michael Tremmel résume l'enseignement tiré des nombreuses expériences numériques avec Romulus en ces termes : « Si un trou noir supermassif commence à se développer trop rapidement et donc à devenir trop grand pour sa galaxie hôte, des processus physiques garantissent que sa croissance va ralentir. D'autre part, si la masse du trou noir supermassif est trop petite pour sa galaxie, le taux de croissance du trou noir augmente alors par rapport à la taille de la galaxie pour compenser cette différence ».


    Trous noirs supermassifs : notre Galaxie en abriterait plusieurs

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 02/05/2018

    De grandes galaxies comme la nôtre pourraient posséder des halos de quatre à vingt trous noirs supermassifs dans un rayon d'environ un demi-million d'années-lumièreannées-lumière. C'est ce que prédisent des simulations numériques dédiées à l'étude de la formation de ces trous noirs lors de collisions et fusions entre galaxies.

    Vers la fin des années 1960, quelques chercheurs, dont Martin Rees mais surtout son collègue et compatriote, l'astrophysicien britannique Donald Lynden-Bell (décédé récemment, le 6 février 2018), comprennent que la majorité des grandes galaxies doivent héberger en leur centre des trous noirs supermassifs. Sceptiques dans les années 1970, les collègues de Lynden-Bell et de Rees vont graduellement être convaincus. Aujourd'hui, c'est une thèse majoritairement acceptée depuis au moins 20 ans, même si une preuve définitive de la présence d'objets ayant bien un horizon des évènements conforme aux prédictions de la théorie de la relativité généralerelativité générale manque encore.

    Nous savons que ces trous noirs contiennent au moins l'équivalent d'un million de masses solaires et parfois plusieurs milliards. La réalité pourrait bien être plus étonnante encore si l'on en croit un article déposé sur arXiv par une équipe internationale d'astrophysiciens et maintenant publié. On connaissait bien sûr l'existence du trou noir de quatre millions de masses solaires au cœur de la Voie lactée et même d'un candidat dit trou noir intermédiaire, car contenant probablement environ 100.000 masses solaires, en comparaison des trous noirs dits stellaires de quelques dizaines de masses solaires tout au plus. Mais selon les chercheurs, de grandes galaxies comme la nôtre pourraient en fait posséder de quatre à vingt trous noirs supermassifs dans un rayon d'environ de un demi-million d'années-lumière (c'est le rayon du viriel d'une galaxie).


    Plusieurs trous noirs supermassifs seraient en orbite autour de la Voie lactée et des galaxies similaires. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © YaleCampus

    Des halos de trous noirs supermassifs autour des galaxies

    D'où sort cette affirmation ? Pas encore des observations, mais d'une simulation numérique du monde des galaxies en cosmologiecosmologie spécialisée dans la formation des trous noirs supermassifs et baptisée Romulus. Nous ne savons pas bien comment naissent ces astres géants mais nous soupçonnons que les collisions, et surtout les fusions qui les accompagnent parfois entre galaxies, contribuent à leurs croissances. Nous observons en effet des fusions de galaxies, ce qui doit donc conduire les trous noirs géants qu'elles contiennent en leur centre à plonger gravitationnellement vers le centre de la nouvelle galaxie formée, pour finalement fusionner en émettant un puissant flashflash d'ondes gravitationnelles.

    Mais d'après la simulation Romulus, les fusions entre galaxies ne conduiraient pas toutes à des fusions de trous noirs. Certains des trous noirs géants se retrouveraient en fait sur des orbites dans le halo galactique autour du centre des galaxies. Il pourrait y avoir ainsi de deux à huit trous noirs supermassifs dans un rayon de 30.000 années-lumière autour du centre de la Voie lactée. Nous n'aurions pas encore détecté ces trous noirs jusqu'à présent, parce qu'ils ne seraient pas entourés d'assez de gaz pour produire par accrétion du rayonnement facilement détectable. Ils ne seraient pas non plus suffisamment nombreux pour être facilement détectables par effet de lentilles gravitationnelles.

    Toujours est-il que ces trous noirs supermassifs nomades pourraient rester dans le halo pendant quelques milliards d'années. Mais selon l'astrophysicien Michael Tremmel, chercheur postdoctoral au Centre d'astronomie et d'astrophysiqueastrophysique de Yale, et qui a mené l'équipe à l'origine de ce travail : « Il est extrêmement improbable qu'un trou noir supermassif errant se rapproche suffisamment pour avoir un impact sur notre Système solaireSystème solaire ». Et le chercheur ajoute : « nous estimons qu'une rencontre rapprochée avec l'un de ces vagabonds, et capable d'affecter notre Système solaire, devrait se produire tous les 100 milliards d'années, soit près de 10 fois l'âge de l'univers ».