L'origine et la croissance des galaxies ne sont pas encore très bien comprises, même si l'on sait qu'il y a une liaison forte avec l'origine et la croissance des trous noirs supermassifs qu'elles hébergent. Les astrophysiciens se penchent depuis quelques temps sur ces questions avec Alma et l'instrument vient d'ailleurs dans cet but de débusquer les plus anciens vents galactiques connus dans une des plus lointaines galaxies avec quasar.


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    Cela fait moins de 60 ans que la communauté scientifique a commencé à prendre l'existence des trous noirs au sérieux, et cela, grâce aux travaux des pionniers qu'étaient John Wheeler, les désormais prix Nobel de Physique Roger Penrose et  Kip Thorne sans oublier Yakov Zeldovich, Igor Novikov et bien sûr, Stephen Hawking -- il faudrait en réalité ajouter une bonne douzaine de noms supplémentaires...

    Les trous noirs sont des objets si compacts, pas nécessairement denses, qu'il faudrait dépasser la vitesse de la lumière pour échapper à leur attraction gravitationnelle une fois à l'intérieur d'une région sphérique dont la frontière est définie par ce que l'on appelle un horizon des événements, entourant l'astre. Rappelons donc qu'il n'est nullement nécessaire qu'existe une singularité de l'espace-temps au centre de cette région pour qu'elle constitue un trou noir.


    Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au CNRS, et Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs. © Fondation Hugot du Collège de France

    L'énigme de la croissance conjointe des galaxies et des trous noirs supermassifs

    On comprend plutôt bien comment des trous noirs dit stellaires peuvent naître par effondrementeffondrement gravitationnel d'étoilesétoiles massives contenant quelques dizaines de massesmasses solaires. Mais il n'en est pas de même avec les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs contenant de quelques millions à quelques milliards de masses solaires au cœur des galaxiesgalaxies. Ils sont responsables de l'existence des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies et en particulier ceux découverts depuis 1963 et que l'on appelle des quasars. On sait que ces objets influencent l'évolution des galaxies et surtout que ces astres croissent ensemble, au moins en ce qui concerne les grandes galaxies spiralesgalaxies spirales et elliptiques, car il existe une remarquable relation de proportionnalité entre la masse des trous noirs au cœur de ces galaxies et la masse qu'elles contiennent sous forme d'étoiles.


    Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parle des trous noirs supermassifs. © École normale supérieure, PSL

    Les détails de tous ces processus ne sont pas encore bien compris même si l'on a beaucoup progressé depuis une décennie à ce sujet. Il semble clair maintenant que la principale source de la croissance des trous noirs supermassifs et des galaxies est l'accrétionaccrétion de la matièrematière normale sous forme de courants froids d'atomesatomes d'hydrogènehydrogène et d'héliumhélium produits par le Big BangBig Bang, canalisés par des filaments de matière noire.

    En retour, l'accrétion de matière par les trous noirs produit des jets et des ventsvents de matière qui rétro-agissent sur cette accrétion et sur la présence de gazgaz dans les galaxies que le souffle de ces vents peut éjecter, ce qui va inhiber la formation d'étoiles.

    Mais, pour préciser tout cela, il nous faut de nouvelles observations, notamment sur ce qui s'est passé tôt dans l'histoire du cosmoscosmos observable, des centaines de millions d'années après la fin du Big Bang.

    Des vents galactiques soufflant à 500 km/s

    Takuma Izumi,  chercheur à l'Observatoire astronomique national du Japon (NAOJ), est bien conscient de tout cela comme on peut le voir avec ses déclarations dans un communiqué sur le site de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), le puissant réseau de radiotélescoperadiotélescope de l'Eso au Chili : « La question est de savoir quand les vents galactiques sont-ils apparus dans l'UniversUnivers ? C'est une question importante car elle est liée à un problème majeur en astronomie : comment les galaxies et les trous noirs supermassifs ont-ils coévolué ? »

    Izumi et ses collègues ont donc entrepris de répondre à cette interrogation d'abord en utilisant le télescopetélescope japonais Subaru pour débusquer dans le visible une centaine de galaxies semblant héberger des trous noirs supermassifs en mode quasarquasar mais à des distances cosmologiques nous permettant de les observer tels qu'ils étaient il y a plus de 13 milliards d'années.

    Cette image d'Alma montre en fausses couleurs la galaxie J1243 + 0100 hébergeant un trou noir supermassif en son centre telle qu'elle était il y a 13,1 milliards d'années. La distribution du gaz calme dans la galaxie est représentée en jaune, et la distribution des vents galactiques à grande vitesse est représentée en bleu. Les vents sont situés au centre de la galaxie, ce qui indique que le trou noir supermassif est à leur origine. © Alma (ESO / NAOJ / NRAO), Izumi et <em>al.</em>
    Cette image d'Alma montre en fausses couleurs la galaxie J1243 + 0100 hébergeant un trou noir supermassif en son centre telle qu'elle était il y a 13,1 milliards d'années. La distribution du gaz calme dans la galaxie est représentée en jaune, et la distribution des vents galactiques à grande vitesse est représentée en bleu. Les vents sont situés au centre de la galaxie, ce qui indique que le trou noir supermassif est à leur origine. © Alma (ESO / NAOJ / NRAO), Izumi et al.

    Les astrophysiciensastrophysiciens ont ensuite changé de longueurs d'ondeslongueurs d'ondes pour obtenir des nouvelles informations concernant ces objets en utilisant justement Alma comme ils l'expliquent dans un article publié dans The Astrophysical Journal mais en accès libre sur arXiv. Le cas de la galaxie HSC J124353.93+010038.5 (en abrégé J1243+0100) s'est révélé particulièrement intéressant.

    En effet, Alma a révélé pour J1243+0100 la signature spectrale de flux de gaz à des vitesses de l'ordre de 500 km/s en étudiant le rayonnement associé à des ionsions carbonecarbone présents dans la galaxie. Tout calcul fait à partir de ces mesures, on montre alors que ces flux de gaz sont en mesure d'éjecter les nuagesnuages moléculaires dans J1243+0100 qui servent ordinairement de pouponnières à de jeunes étoiles. Il s'agit même d'un record, ce sont les vents galactiques parmi les plus puissants observés et surtout les plus anciens mis en évidence à ce jour.

    Les données collectées avec Alma concernant des mouvementsmouvements de gaz qui ne sont pas des vents galactiques suggèrent une courbe de vitesses associée à une galaxie spirale avec un bulbe contenant environ 30 milliards de masses solaires. Remarquablement, le rapport entre la masse estimée du trou noir supermassif derrière ce quasar de faible luminositéluminosité et la masse de ce bulbe est conforme à ce que l'on observe pour des trous noirs supermassifs plus proches de nous.

    Cela inspire à Izumi les déclarations suivantes : « Nos observations soutiennent les récentes simulations informatiquessimulations informatiques de haute précision qui ont prédit que des relations coévolutives étaient déjà en place il y a environ 13 milliards d'années. Nous prévoyons d'observer un grand nombre de tels objets à l'avenir et espérons faire la lumière sur la question de savoir si la coévolution primordiale vue dans cet objet est un témoignage représentatif de l'Univers à cette époque ».