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En mars 1982, Jean-Pierre Luminet et Brandon Carter expliquaient dans le journal Nature qu'une étoile pénétrant dans la zone définie par le rayon de marée d'un trou noir supermassif devait d'abord être aplatie comme une crêpe par les forces de marée. Dans un second temps, expliquaient-ils, des réactions thermonucléaires devaient se produire au sein de l'étoile, conduisant à des détonations capables de la disloquer. En pratique, le phénomène devait se signaler d'abord par l'apparition d'une supernova puis par l'émission de rayons Xrayons X par le gazgaz de l'étoile formant un disque d'accrétiondisque d'accrétion autour du trou noir avant que celui-ci ne l'avale en partie.
Or, le 22 novembre 2014, les télescopestélescopes automatisés observant sur le Haleakalā, un volcanvolcan sur l'île de Maui (Hawaï), dans le cadre du programme All-Sky Automated Survey for SupernovaeSupernovae (ASAS-SNSN), ont débusqué une étrange source lumineuse transitoire dans le visible. Baptisée ASASSN-14li, elle a rapidement été observée de plus près dans le domaine des rayons X par un trio de télescopes spatiaux bien connus, ChandraChandra et SwiftSwift de la NasaNasa, et XMM-NewtonXMM-Newton de l'Esa. Les analyses ont montré qu'il s'agissait précisément de la destruction d'une étoile par les forces de marée d'un trou noir supermassif dont elle s'est approchée de trop près. L'événement s'est produit dans la galaxiegalaxie PGC 043234 située à environ 290 millions d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactée, en direction de la constellationconstellation de la Chevelure de Bérénice.
Présenté par Hubert Reeves et Jean-Pierre Luminet, Du Big bang au vivant est un projet TV-Web-cinéma qui couvre les plus récentes découvertes dans le domaine de la cosmologie. © Dubigbangauvivant, YouTube
Une clé pour comprendre la croissance des trous noirs supermassifs
Ce n'est pas la première fois que les astronomesastronomes observent la destruction d'une étoile par les forces de marée d'un trou noir supermassif. Celui au cœur de PGC 043234 n'est lui-même aucunement remarquable puisqu'il ne contient qu'un million de massesmasses solaires environ et qu'il n'est pas classé comme un noyau actif de galaxiesnoyau actif de galaxies. Ce n'est donc pas un quasarquasar. Mais, comme l'expliquent les astrophysiciensastrophysiciens dans un article déposé sur arxiv, l'événement est remarquable à plus d'un titre.
Tout d'abord, c'est le plus proche observé de ce type depuis une dizaine d'années. Ce qui veut dire qu'il est plus facile d'y glaner des informations nouvelles sur la physiquephysique et l'astrophysiqueastrophysique des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs. Et nous savons encore peu de choses sur ces trous noirs alors que les futurs programmes de recherches, comme eLisa et le Event Horizon Telescope, sont encore loin d'être opérationnels.
Enfin et surtout, ASASSN-14li représente la destruction d'une étoile accompagnée de la formation d'un disque d'accrétion autour du trou noir supermassif. Jusqu'à présent, les observations de ce genre n'avaient montré que des disques qui existaient déjà. Ici, les télescopes observent le disque d'accrétion en pleine formation.
Le spectromètrespectromètre à haute résolutionrésolution de XMM-Newton a d'ailleurs permis de mesurer la vitessevitesse du gaz dans le disque d'accrétion et, pour la première fois, sa densité et son degré d'ionisationionisation. On a également montré la présence du gaz au-delà du disque, constitué soit de matièrematière éjectée par le disque par la pressionpression de son rayonnement, soit de matière en cours d'accrétion en direction du trou noir.
Comprendre la formation d'un disque d'accrétion autour d'un trou noir supermassif est bien sûr intrinsèquement intéressant. Cela devrait également aider à mieux comprendre comment croissent ces trous noirs.