Une équipe internationale d'astrophysiciens a observé pour la première fois dans le milieu intergalactique l'évolution du plasma chaud provenant des éruptions d'un trou noir supermassif actif. Ils ont pu y voir des structures, rappelant fortement les volutes et panaches de fumée et de cendres produits par les éruptions volcaniques, avec des détails inédits et à une échelle de temps de l'ordre de cent millions d'années.


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    En 1963, lorsque Maarten Schmidt, un astronomeastronome néerlandais, a fait l'analyse spectrale d'un astre, la contrepartie dans le visible d'une source radio puissante nommée 3C 273, il était bien loin de se douter de ce qui se cachait vraiment derrière cet astre marquant la découverte des quasi-stellar radio sources, des quasars selon la dénomination proposée en 1964 par l'astrophysicienastrophysicien d'origine chinoise Hong-Yee Chiu. 

    3C 273 se présentait comme une étoile, mais elle se trouvait à plus de 2,4 milliards d'années-lumière de la Voie lactée, ce qui veut dire que pour être observable à une telle distance proprement cosmologique, elle devait être d'une luminositéluminosité absolument prodigieuse, dépassant les 5 millions de millions de fois celle du Soleil, ou présenté d'une autre façon était équivalente à celle de 1.000 fois les centaines de milliards d'étoiles de notre Voie lactée !

    Nous savons aujourd'hui que ces quasarsquasars sont des exemples de ce que l'on appelle des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies (Active Galactic Nuclei ou AGN, en anglais) et nous avons toutes les raisons de penser que leur prodigieuse énergieénergie provient de l'accrétionaccrétion de la matièrematière par des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs de Kerr en rotation, pouvant contenir des milliards de massesmasses solaires comme M87*, récemment imagé par les membres de la collaboration Event Horizon Telescope.


    Dans cet extrait de la plateforme TV-Web-cinéma « Du Big Bang au Vivant », qui couvre des découvertes dans le domaine de l'astrophysique et de la cosmologie, Jean-Pierre Luminet nous parle des quasars. © Jean-Pierre Luminet

    Toutes les observations faites à ce jour soutiennent de plus en plus l'idée que les trous noirs existent bel et bien mais il faut garder à l'esprit que la démonstration ultime de leur existence manque encore car nous pourrions voir en fait des objets se comportant d'un point de vue astrophysiqueastrophysique bel et bien comme des trous noirs mais qui n'en sont pas vraiment s'ils manquent la propriété essentielle qui les définit : l'existence d'un horizon des événementshorizon des événements fermé fonctionnant comme une membrane ne pouvant être traversée que dans un seul sens.

    Ce qui est certain par contre, c'est que les objets que nous pensons être des trous noirs supermassifs croissent de pair avec les galaxies qui les hébergent puisque l'on constate dans l'immense majorité des cas une même relation de proportionnalité croissante entre les masses des deux types d'astres. Les deux semblent croître essentiellement grâce à des filaments de matière froide, selon le paradigme actuellement admis au sujet de leur croissance.

    Une physique des plasmas relativiste révélée par la radioastronomie

    Lorsque suffisamment de gazgaz tombe sur les trous noirs supermassifs en rotation, il se forme un disque de matière qui s'échauffe et s'ionise, de sorte que des processus complexes de magnétohydrodynamique relativiste en espace-tempsespace-temps courbe se produisent. Au final, la rotation du trou noir se couplant avec ces processus, des jets de matière sont produits et des instabilités dans le disque conduisent à des éruptions. Ces éruptions sont étudiées depuis des décennies, comme le prouve le précédent article de Futura à ce sujet, ci-dessous.

    On aimerait bien en savoir plus sur l'effet de ces jets et de ces éruptions sur le milieu interstellaire et intergalactique car on soupçonne que l'activité des trous noirs a un impact sur la capacité des galaxies à produire des étoiles. L'activité des trous noirs supermassifs pourrait conduire le gaz dans les galaxies à être éjecté, ce qui expliquerait pourquoi certaines d'entre elles ne forment plus de nouvelles étoiles depuis des milliards d'années, faute de matière à utiliser.


    Observés avec un radiotélescope basse fréquence par une équipe de scientifiques dirigée par Marisa Brienza de l'Université de Bologne, l'un des trous noirs au centre d'une vingtaine de galaxies à environ 200 millions d'années-lumière de nous a révélé les effets de jets de matière qui rappellent les produits des éruptions volcaniques, c'est à dire des structures spectaculaires en forme de champignons, d'anneaux et de filaments. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en italien devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © MEDIAINAF TV

    On continue de nos jours à étudier ces questions et plus généralement les trous noirs supermassifs à l'aide de radiotélescopesradiotélescopes, comme au moment de la découverte des quasars. Un article que vient de publier dans Nature Astronomy une équipe internationale d'astronomes le montre bien ; un communiqué de l'Université de Bologne et l'Institut national italien d'astrophysique (INAF) l'illustre également.

    Ainsi, les radiotélescopes Lofar (LOw Frequency ARray) ont-ils été mobilisés pour étudier un groupe d'une vingtaine de galaxies situées à environ 200 millions d'années-lumière de la Voie lactée et contenant, comme bien des amas galactiquesamas galactiques, une galaxie elliptiquegalaxie elliptique centrale géante. Ce groupe de galaxiesgroupe de galaxies s'appelle Nest200047 et comme l'explique le communiqué de l'Université de Bologne, l'étude menée a aussi bénéficié des observations dans le domaine des rayons Xrayons X rendues possibles par le satellite russe Spektr-RG, à bord duquel se trouve également l'instrument eRosita.

    L'interprétation des données collectées par ces instruments laisse penser que les jets et les éruptions des trous noirs supermassifs produisent des effets dans l'environnement des galaxies hôtes de ces astres compacts pouvant s'étendre dans un volumevolume dont la taille peut être 100 fois plus grande que celles de ces galaxies. Les perturbations dans le milieu intergalactique y dureraient également des centaines de millions d'années.

    Les astronomes voient dans l'environnement de Nest200047 des bulles, et des filaments de plasma longs de millions d'années-lumière, chauds et associés à des champs magnétiqueschamps magnétiques dont les structures rappellent celles produites dans les panaches de cendres et de gaz injectés dans l'atmosphèreatmosphère de la Terre par certaines éruptions volcaniqueséruptions volcaniques.

     

    Les jets des éruptions d'un trou noir produisent en entrant en collision avec le milieu intergalactiques des bulles de plasma et de champs magnétiques qui s'élèvent par flottaison dans ce milieu à partir de la galaxie géante centrale elliptique de Nest200047. Les bulles se déforment et entre en collision pour former des structures toroïdales et en filaments rappelant celles des émissions de gaz et de fumé au dessus de certains volcans comme le montre la vidéo ci-dessus de l'Inaf. Cette image est une reconstitution d'une évolution sur environ 100 millions d'années.© M. Brienza / Università di Bologna / Inaf 
    Les jets des éruptions d'un trou noir produisent en entrant en collision avec le milieu intergalactiques des bulles de plasma et de champs magnétiques qui s'élèvent par flottaison dans ce milieu à partir de la galaxie géante centrale elliptique de Nest200047. Les bulles se déforment et entre en collision pour former des structures toroïdales et en filaments rappelant celles des émissions de gaz et de fumé au dessus de certains volcans comme le montre la vidéo ci-dessus de l'Inaf. Cette image est une reconstitution d'une évolution sur environ 100 millions d'années.© M. Brienza / Università di Bologna / Inaf 

     


    Le télescope international Lofar (ILT) est un projet collaboratif paneuropéen dirigé par ASTRON Netherlands Institute for Radio Astronomy. Combinant des milliers de récepteurs dipôles simples avec un traitement numérique puissant du signal et un calcul haute performance, Lofar peut rapidement surveiller de vastes zones du ciel, en regardant dans plusieurs directions simultanément et fonctionne à des fréquences radio basses relativement inexplorées, ouvrant une nouvelle fenêtre sur l'Univers pour astronomes. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © AstronNL

     

     


    Les éruptions d'un trou noir supermassif observées par Chandra

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 16/06/2015

    Le télescopetélescope ChandraChandra a mis en évidence trois paires de cavités dans le gaz chaud baignant un groupe de galaxies. Elles ont été produites par les éruptions du trou noir supermassif situé au cœur de la géante elliptique NGCNGC 5813. Ce nombre constitue un record.

    Les observations de Chandra en rayons X (en mauve) trahissent la présence d'un gaz chauffé à plus d'un million de degrés autour d'une galaxie elliptique géante. Ces émissions sont superposées à celles de la galaxie observée dans le visible par le programme du SDSS (<em>Sloan Digital Sky Survey</em>). © Rayon X : Nasa, CXC, SAO, S. Randall <em>et al.</em>, visible : SDSS
    Les observations de Chandra en rayons X (en mauve) trahissent la présence d'un gaz chauffé à plus d'un million de degrés autour d'une galaxie elliptique géante. Ces émissions sont superposées à celles de la galaxie observée dans le visible par le programme du SDSS (Sloan Digital Sky Survey). © Rayon X : Nasa, CXC, SAO, S. Randall et al., visible : SDSS

    Il y a cent ans cette année, Albert EinsteinEinstein découvrait les équationséquations de la relativité générale. Paradoxalement, il a commencé par rejeter deux des prédictions les plus spectaculaires de sa théorie de la gravitationgravitation : l'expansion de l'universunivers et l'existence de trous noirs. Aujourd'hui, nous étudions pourtant l'énergie noire à l'origine d'une accélération de cette expansion et nous nous préparons même à observer de près l'horizon des événements du trou noir supermassif situé au cœur de la Voie lactée.

    Nous étudions depuis environ 15 ans déjà les émissionsémissions dans le domaine des rayons X des trous noirs, ce qui nous a permis de mieux comprendre l'astrophysique qui leur est associée quand ils accrètent de la matière et l'expulsent sous forme de jets. Un phénomène que peut par exemple observer le télescope Hubble à d'autres longueurs d'ondeslongueurs d'ondes.

    L'une des dernières prouesses permises par Chandra, un télescope de la NasaNasa, est d'observer dans le domaine des rayons X les traces d'une série d'éruptions associées à un trou noir supermassif, comme on peut le voir dans un article sur arXiv.

    NGC 5813 fait partie de ce que l'on appelle parfois des galaxies centrales dominantes, c'est-à-dire des galaxies elliptiques particulièrement massives situées au cœur des amas ou des groupes de galaxies. © SDSS
    NGC 5813 fait partie de ce que l'on appelle parfois des galaxies centrales dominantes, c'est-à-dire des galaxies elliptiques particulièrement massives situées au cœur des amas ou des groupes de galaxies. © SDSS

    Des ondes de choc creusent des cavités

    NGC 5813 est une galaxie elliptique appartenant à un groupe de galaxies situé à environ 105 millions d'années-lumière de la Terre dans la constellation de la Viergeconstellation de la Vierge. Ce groupe a été observé à neuf reprises entre 2005 et 2011 sur une duréedurée totale légèrement supérieure à une semaine. Il s'agit en l'occurrence d'un record de durée pour un groupe de galaxies observé grâce à Chandra. Rappelons que les groupes de galaxies n'en contiennent en général que quelques dizaines, contrairement aux amas qui en comportent de quelques centaines à quelques milliers. Tout comme les amas, ils baignent dans un gaz porté à plus d'un million de kelvinskelvins, une température qui n'est pas sans rappeler le gaz coronal de la couronne solaire.

    Le trou noir supermassif au cœur de NGC 5813 a visiblement connu plusieurs éruptions depuis environ 50 millions d'années, selon les images fournies par Chandra. On sait que les trous noirs de Kerr en rotation et accrétant de la matière produisent des lignes de champs magnétiques, qui s'enroulent, montent au-dessus de leurs pôles et s'accompagnent de jets de particules. Lors d'une éruption, des paires d'ondes de choc se propagent le long de ces jets en partant des deux pôles et créent dans le gaz du groupe de galaxies des cavités de type coronal.

    En mauve, les observations de Chandra en rayons X sont superposées à celles du SDSS (<em>Sloan Digital Sky Survey</em>) dans le visible. On voit trois paires de cavités (cavity) qui sont d'autant plus anciennes qu'elles sont éloignées du centre de l'image. © Rayons X : Nasa, CXC, SAO, S. Randall <em>et al.</em>, visible : SDSS
    En mauve, les observations de Chandra en rayons X sont superposées à celles du SDSS (Sloan Digital Sky Survey) dans le visible. On voit trois paires de cavités (cavity) qui sont d'autant plus anciennes qu'elles sont éloignées du centre de l'image. © Rayons X : Nasa, CXC, SAO, S. Randall et al., visible : SDSS

    De la même façon que dans l'eau des bulles de gaz remontent vers la surface, ces bulles s'éloignent du trou noir supermassif. Il est alors possible de les observer à grandes distances de celui-ci. Trois paires de cavités ont donc été repérées par les astrophysiciens. Leurs caractéristiques les renseignent sur les dates des éruptions et leurs durées. Ils peuvent aussi faire des bilans d'énergie pour évaluer la puissance des éruptions.

    Il semble ainsi que trois explosions distinctes du trou noir ont eu lieu il y a respectivement 3 millions, 20 millions et 90 millions d'années. Les puissances moyennes des deux explosions les plus anciennes sont comparables. En revanche, celles des plus récentes diffèrent d'un facteur de six, montrant que la puissance délivrée par les jets peut varier considérablement sur des périodes d'environ 10 millions d'années.