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Avec le New Shepard de Blue Origin, le Lynx d'XCor est un des deux avions suborbitaux qui réussiront le pari d'envoyer des touristes à la frontière de l'espace. © XCor Aerospace
Le Salon du Bourget est l'occasion de faire le point sur l'état d'avancement des différents projets d'avions suborbitaux touristiques. Et force est de constater que l'optimisme des années précédentes laisse place, chez de nombreux experts, à l'expectative. Il y a 10 ans, en octobre 2004, Richard Branson remportait l'Ansari X Prize, qui récompensait la première société capable de faire voler un véhicule habité à 100 km d'altitude et ce à deux reprises. Nombreux, alors, étaient ceux qui pariaient sur un développement rapide du tourisme spatial. Il était question de vols touristiques dès 2008... Aujourd'hui, les seuls vols prévus avant la fin de cette décennie serviront à des démonstrations et à des qualifications. Au mieux, un service commercial pérenne de transport suborbitalsuborbital n'est guère envisageable avant la prochaine décennie.
Virgin Galantic, dont on attendait qu'elle soit la première société à faire voler des touristes, est peut-être celle qui jettera l'éponge la première. L'année 2014 a été marquée par le terrible crash du SpaceShipTwo survenu lors d'un vol d'essai qui a coûté la vie à un des deux pilotes d'essais. Depuis cette date, très peu d'informations ont filtré sur l'état d'avancement réel de ce véhicule. Peut-être parce que le rapport d'enquête de l'accidentaccident n'est pas encore sorti et qu'il pourrait sceller le sort de l'appareil. En effet, il pourrait émettre des recommandations majeures au niveau de l'avion et ses ailes à géométrie variable, voire demander son interdiction de vol.
Une partie des débris du SpaceShipTwo après son crash qui aura coûté la vie à Michael Alsbury, un des deux pilotes d'essai. © DR
À cette épée de Damoclès s'ajoute l'incertitude autour de la propulsion du véhicule. Certes, elle n'est pas en cause dans l'accident mortel mais il semble que l'équipe du projet se résoudrait à abandonner la propulsion hybridehybride au profit du tout liquide (oxygène liquide-kérosène), ce qui imposerait une refonte majeure de l'avion. Les ingénieurs de Virgin GalacticVirgin Galactic rencontrent en effet des difficultés de développement du moteur et les performances restent en deçà des objectifs initiaux alors que l'engin est plus lourd que prévu.
De plus, Richard Branson donnerait aujourd'hui la priorité à son projet de lanceur LauncherOne. Ce lanceur à propulsion liquide est annoncé avec une performance d'emport d'environ 150 kilogrammes en orbiteorbite basse, voire plus. Toutefois, avec un prix de lancement estimé à 10 millions de dollars, LauncherOne n'est guère compétitif. On estime qu'à partir de 5 millions de dollars le lancement d'un satellite de 250 kilogrammes, l'offre est en concurrence avec le marché du « piggyback », c'est-à-dire d'une place supplémentaire vendue sous la coiffe d'un lanceur qui embarque déjà un gros satellite. Toutefois, malgré ce coût élevé, Virgin Galactic a remporté un contrat de lancement et réalisera 39 missions. L'entreprise lancera une petite partie des 900 satellites de la constellation OneWeb, que construira Airbus Defence and Space, le reste étant lancé par ArianespaceArianespace.
Ce n'est pas simple d'atteindre l'espace
Ce coût élevé de l'accès à l'espace est aussi ce qui pourrait bien compromettre les chances de succès commerciaux du Soar (Sub-Orbital Aircraft Reusable)) de Swiss Space System (S3) qui vise le lancement de petits satellites (250 kg) sur des orbites inférieures à 800 kilomètres et du tourisme spatialtourisme spatial à plus longue échéance. Ce n'est qu'après une dizaine d'années, voire moins si l'état du marché le nécessite, que le Soar serait adapté pour des vols habités suborbitaux.
L'engin, conçu par Dassault, avait été dévoilé lors du précédent Salon du Bourget, en juin 2013, et nombreux étaient ceux qui pensaient qu'une présentation officielle serait faite cette année. Il n'en a rien été. Bien que son développement se poursuive, il se heurte vraisemblablement à des difficultés techniques et politiques car l'avion utilise un moteur russe. Le Soar ne décollera pas grâce à un lanceur conventionnel mais sur le dosdos d'un avion et il devra allumer son moteur en vol. Il embarquera de plus un étage supérieur, qui utilisera un moteur différent et ne sera pas réutilisable, ce qui alourdit les coûts du système de lancement, de sorte qu'il est pas évident que ce bel avion trouve son marché.
Au chapitre des bonnes nouvelles, on saluera la performance de Blue Origin qui, en toute discrétion, développe le New ShepardNew Shepard dont le premier vol d’essai, en mai 2015, a agréablement surpris les experts. Il est le seul véhicule en compétition à avoir réalisé un vol à près de 90 kilomètres d'altitude (chez Virgin Galactic, c'est le SpaceShipOne qui l'avait fait). Toutefois, le pari n'est pas encore gagné. Ce système de lancement est complexe avec des possibilités de défaillance nombreuses. Il lui manque encore une tour d'extraction, ce qui laisse une grosse incertitude si le moteur s'éteint à 150 mètres d'altitude.
L'avion Soar, conçu par Dassault, se destine en priorité au lancement de petits satellites. Mais il peut tout aussi bien être adapté pour le transport de passagers. © S3
Le Lynx à Bordeaux ?
En France, émerge l'idée de construire un « spaceport » à Bordeaux. Cette initiative que l'on doit à Marc Alban, ancien directeur du Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget, se heurte à un financement difficile à trouver. Quant à l'avion spatialavion spatial qui décollerait de ce futur site, l'idée de commercialiser le Spaceplane d'Airbus, semble abandonnée. Le développement de cet avion tournerait au ralenti et seules des activités autour du moteur-fuséefusée (oxygène liquide et méthane liquide) serait menées par Airbus DS.
L'autre idée serait de faire venir le Lynx de XCor. Comme les autres projets d'avions suborbitaux, le développement de cet appareil a énormément de retard - les premiers vols étaient prévus en 2014 -, mais il se poursuit. Toutefois, compte tenu de la réglementation américaine ITAR, qui restreint la vente et l'exportation de matériel et de composants sensibles, la probabilité de le voir effectivement décoller depuis la France est faible, voire nulle. Ce spaceport abritera également des installations spatiales comme une piscine, une centrifugeuse à usage des professionnels mais également du grand public. Un avion Zéro-G (qui réalise des séances d'apesanteurapesanteur) pourrait également être stationné sur place.