Il y a 4,5 milliards d'années, naissait la Lune, suite à un impact entre la proto-Terre et un astre de la taille de Mars, appelé Théia. Mais certains détails manquent au scénario : dans une nouvelle étude, des chercheurs se sont penchés sur le magnétisme de la Terre. Est-il arrivé après la collision, ou était-il déjà présent ?
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Notre satellite, la Lune, naissait il y a 4,5 milliards d'années. Le scénario le plus admis pour l'expliquer suppose une collision entre la proto-Terre et un astre de la taille de Mars, surnommé Théia. L'impact aurait généré de nombreux débris qui ont pu ensuite s'accréter pour former la Lune. Tandis que le noyau de Théia aurait fusionné avec celui de la proto-Terre, expliquant pourquoi le noyau métallique de notre satellite est si petit, d'environ 660 kilomètres de diamètre. Mais une caractéristique de la Terre reste inexpliquée dans cette hypothèse : qu'en est-il du magnétisme de la Terre ? Existait-il avant la collision ? A-t-il au contraire été généré par elle ? Une étude dans la revue Pnas s'est penchée sur cette question.
La convection au sein du noyau ne peut que maintenir un champ magnétique déjà existant
Pour cela, les chercheurs ont d'abord séparé les différentes variantes de la collision avec Théia. Car selon les modèles, l'astre s'est enfui après l'impact (les scénarios appelés hit and run) ou bien a fusionné partiellement complètement avec notre Planète, ou même a été vaporisé par la force du choc ! Ils se sont ensuite penchés sur la dynamique des fluides en convection dans le noyau liquide externe de la Terre. « Notre nouvelle idée est de souligner que notre compréhension théorique du champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre aujourd'hui peut en fait nous dire quelque chose sur la formation même du système Terre-Lune, explique David Hughes dans un communiqué, co-auteur de l'étude et mathématicienmathématicien à l'université de Leeds (Angleterre). À première vue, cela semble quelque peu surprenant, et les théories précédentes n'avaient pas reconnu ce lien potentiellement important. »
L'aimantationaimantation de la Terre est maintenue grâce à la convection de fluides conducteurs au sein du noyau externe : c'est l'effet de la dynamo terrestre, aussi appelé géodynamo. Un phénomène qui ne peut cependant que maintenir un champ magnétique existant, comme l'explique Fausto Cattaneo, astrophysicienastrophysicien à l'université de Chicago et premier auteur de l'étude. « Une propriété particulière de la dynamodynamo terrestre est qu'elle peut maintenir un champ magnétique fort mais pas en amplifier un faible. » Ainsi, la magnétisation a été créée soit par l'impact, soit avant, mais impliquant dans ce cas que la collision ne l'ait pas modifiée suffisamment pour l'annuler. « Notre hypothèse est qu'il est arrivé à cet état particulier au début, soit avant l'impact, soit en conséquence immédiate de l'impact », ajoute David Hugues. Cela a permis à l'équipe de réduire le nombre de variables possibles, si bien qu'ils en sont arrivés à seulement quatre scénarios !
Quatre scénarios pour le système Terre-Lune
Tout dépend du moment où la Terre s'est magnétisée. En premier lieu, il est impossible que le champ magnétique soit un « champ "fossilefossile" résiduel », donc présent dès la phase d'accrétionaccrétion, décrit l'étude, car il existe « des preuves paléomagnétiques que la Terre a été magnétisée », de fait, elle ne l'était pas au départ. Les chercheurs ont ensuite utilisé un autre paramètre : le type de convection. La configuration actuelle étant connue, cela leur a permis, grâce à différents modèles d'évolution, de simuler la façon dont la Terre est arrivée aux conditions d'aujourd'hui. Pour cela, ils se sont appuyés sur les équationséquations de la mécanique des fluides et le nombre de Reynolds magnétique, un nombre adimensionnel utilisé en magnétohydrodynamique qui caractérise le rapport entre la convection et la diffusiondiffusion dans un fluide magnétique.
Ils ont ainsi conclu que « la dynamo de la Terre, aussi longtemps qu'elle a été entraînée par des mouvements convectifsmouvements convectifs, a dû être fortement sous-critique », donc incapable d'amplifier l'aimantation de la planète. Une conclusion qui signifie que le noyau a été d'abord magnétisé, puis les mouvements convectifs ont permis de maintenir cette condition. Mais il reste à savoir quand et comment cela s'est produit, et ce que cela implique pour le système Terre-Lune. « Quoi qu'il en soit, tout modèle réaliste de la formation du système Terre-Lune doit inclure l'évolution du champ magnétique », ajoute David Hugues.
Quatre moments clés ont ainsi été identifiés : « formation de la proto-Terre à partir de l'accrétion du disque, convection du noyau liquide avant l'impact, l'impact lui-même et immédiatement après l'impact ». À partir de ces quatre époques, les chercheurs ont récapitulé les scénarios possibles menant à la magnétisation de la Terre et à son maintien : ils en ont obtenu quatre.
Ils se distinguent chacun par l'époque à laquelle la Terre s'est magnétisée : dans le premier scénario, c'est durant l'accrétion que le processus s'enclenche, mais cela impose de nombreuses contraintes sur les propriétés du disque d'accrétiondisque d'accrétion originel. Le deuxième, dans lequel « la forte magnétisation survient après la formation et à partir de l'action dynamo entraînée par la convection du noyau » impose ensuite une rotation peu rapide de la Terre pour éviter une condition sous-critique, peu probable. Mais ces deux idées ajoutent ensuite « la contrainte très forte que l'impact ne peut pas conduire à une perturbation significative du noyau liquide », donc éliminent les collisions trop extrêmes, menant à une vaporisationvaporisation des astres.
Et si au contraire, c'était l'impact qui avait créé le champ magnétique de la Terre ? Dans ce cas, soit « l'impact lui-même entraîne une dynamo qui magnétise le noyau, et les instabilités de rotation qui en résultent ne le démagnétisent pas », soit « l'impact lui-même ne magnétise pas la Terre et la dynamo est entraînée par des instabilités de rotation qui se développent par la suite ». Impossible de trancher pour le moment. Finalement, les chercheurs concluent sur l'importance des futures études hydromagnétiques de la Terre, qui permettront de choisir entre tous ces scénarios !