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Une vue du pic central du cratère d'impact Bullialdus, sur la face visible de la Lune. Son nom est un hommage rendu à l'astronome français Ismaël Boulliau (1605-1694). C'est dans les roches de ce pic que se trouveraient des molécules d'eau issues du manteau de la Lune, amenées en surface par l'impact d'un astéroïde. © Nasa/GSFC/Arizona State University
On peut se demander si avant d'imaginer des projets comme Mars One, une mission de ce genre vers la Lune ne serait pas une étape préliminaire plus sage. Nettement moins spectaculaire, elle serait moins dangereuse et plus facile à mettre en œuvre. Mais il faudrait sans doute que la première colonie lunaire permanente soit édifiée à proximité d'une zone riche en eau pour augmenter les chances de sa réussite.
Les débats sur l'existence d'eau sur la Lune sont anciens et seul le retour d'échantillons lunaires a permis de poser de vraies contraintes sur sa présence à la surface ou dans les profondeurs. Beaucoup d'échantillons rapportés par les missions Apollo sont pauvres en eau. Certains en contenaient de plus grandes quantités mais on pouvait facilement invoquer une contaminationcontamination lors du retour sur Terre. En fait, les scientifiques ont réalisé récemment seulement que des preuves de l'existence de quantités notables d'eau existent depuis... 1976 dans les échantillons ramenés par la sonde russe Luna 24.
De l'eau aux pôles lunaires : une présence déjà suspectée
On gardait pourtant espoir de trouver d'importantes quantités d'eau sous forme de glace dans les cratères polaires car certains y sont plongés dans une nuit quasi-perpétuelle. De l'eau apportée par la chute de comètes pouvait s'y trouver piégée sous forme de glace depuis des millions d'années. Cette glace pouvait aider à l'établissement d'une base lunaire et c'est d'ailleurs près d'un cratère du pôle sud que se trouve celle du roman d'Arthur Clarke, 2001 l'Odyssée de l'espace.
On vient d'apprendre, grâce à une publication parue dans Nature Geoscience, que la petite sonde lunaire indienne Chandrayaan-1 avait détecté indirectement la présence d'eau dans le sol de la Lune cette fois à l'équateuréquateur. C'est ce qu'ont révélé les analyses d'observations réalisées en 2009 en utilisant l'instrument M3 (Moon mineralogy mapperMoon mineralogy mapper) de la Nasa, embarqué à bord du vaisseau indien.
Chandrayaan-1 en cours d'intégration. Les objectifs scientifiques de cette mission lancée en octobre 2008 étaient notamment de cartographier la surface lunaire et d'analyser sa composition minéralogique. Le contact avec la sonde a été perdu le 29 août 2009. © ISRO
Ce n'est pas la première fois que la sonde indienne fournit des indications de l'existence d'eau sur la Lune car elle en avait déjà trouvée au pôle nord. Ce n'est pas non plus la première fois que l'on détecte des traces d'eau, et même de glace, dans le sol lunaire puisque les mesures de LCross effectuées sur le panache d'éjectats provoqué par l'impact du module Centaure dans le cratère Cabeus le 9 octobre 2009 ont prouvé la présence d'eau. On peut aussi citer les données de Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) montrant la présence de glace au fond du cratère Shackleton.
De l'eau dans le manteau de la Lune
Les mesures de Chandrayaan-1Chandrayaan-1 sont tout de même originales car elles concernent la présence d'eau d'origine magmatique. C'est même la première détection réalisée depuis l'orbite de cette eau profonde. Les chercheurs indiens l'ont découverte associée au pic central du cratère Bullialdus (du nom d'Ismaël Boulliau, un astronomeastronome français contemporain de Galilée et NewtonNewton), d'un diamètre de 60 km, et situé près de l'équateur lunaire. L'existence de l'eau dans ce cratère est déduite de la mesure d'un enrichissement en radicaux/ionsions hydroxyles (OH-) des roches du pic central par rapport aux roches environnantes.
Cette détection effectuée là encore avec l'instrument M3 n'est pas le fruit du hasard. Les chercheurs savaient que lors d'un impact d'astéroïde suffisamment puissant, une partie de la roche présente sous la surface de la Lune, et même de son manteaumanteau, remonte pour former le pic central d'un cratère. En étudiant avec M3 un tel pic et ce loin des pôles, en particulier près de l'équateur, on pouvait donc espérer repérer la présence d'eau au sein de la roche et, surtout, repérer une eau dont la provenance ne pourrait être attribuée à des apports extérieurs à la Lune. On ne peut pas, en effet, invoquer à l'équateur la présence de glace formée par de l'eau cométaire solidifiée.
L'enrichissement en hydroxyles des roches du pic central trahit donc non seulement indirectement l'existence d'eau dans ces roches mais, selon les chercheurs, il indique aussi sa présence dans le manteau lunaire.
Selon Rachel Klima, une géologuegéologue planétaire et l'un des auteurs de l'article de Nature Geoscience : « Maintenant que nous avons détecté de l'eau susceptible de provenir de l'intérieur de la Lune, nous pouvons commencer à comparer cette eau à d'autres caractéristiques de la surface lunaire. Cette eau "magmatique" interne fournit également des indices sur les processus volcaniques de la Lune et sur sa composition interne. Cela nous aide à répondre aux questions que nous nous posons sur la façon dont la Lune s'est formée et comment des processus magmatiques l'ont changée lors de son refroidissement ».