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Quand on admire l'étincelante Vénus dans un instrument (ce sera bientôt possible au crépuscule), on peut la découvrir sous ses différentes phases (croissant, quartier, gibbeuse...)), selon sa position relative au Soleil et à nous. Mais il est impossible de distinguer sa surface qui, pourtant, possède des reliefs variés comme sa voisine la Terre... En effet, cette planète rocheuseplanète rocheuse, aussi grande que la nôtre, est enrobée d'une atmosphèreatmosphère très épaisse et opaque, riche en dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2). C'est d'ailleurs ce masque, uniforme dans le visible, qui fait son éclat et sa beauté légendaire.
Pour y voir plus clair, il a fallu attendre que des sondes spatiales s'y aventurent, certaines en orbite et d'autres s'enfonçant dans l'atmosphère jusqu'à même toucher le sol, où la pression est 90 fois supérieure à celle de la Terre, et les températures, dans un effet de serreeffet de serre intense, affichent en moyenne 460 °C. C'est dans les années 1990 qu'enfin, grâce à la mission Magellan et son radar, les astronomesastronomes ont pu mettre à nu cet astre qui porteporte le nom de la déesse romaine de l'Amour, et ainsi découvrir ses courbes en surface... Des montagnes -- probablement des volcans --, des vallées, des plaines et aussi quelques cratères.
Toujours pour comprendre comment cette sœur jumelle de la Terre a pu mal tourner, d'autres vaisseaux s'y sont rendus ces dernières années : notamment Venus ExpressVenus Express (en activité de 2006 à 2014) et, plus récemment, après quelques déboires, Akatsuki (depuis décembre 2015).
Une des caractéristiques les plus étonnantes de Vénus est sa « super-rotation ». Sur cette planète dont le jour est plus long que l'année (la rotation est de 243 jours terrestres et sa révolution est de 223 jours), l'enveloppe atmosphérique tourne en seulement... 4 jours. C'est en observant dans l'ultravioletultraviolet, où des irrégularités sont visibles, que les chercheurs ont pu constater et mesurer les déplacements rapides de ses nuagesnuages en haute altitude : 360 km/h (100 m/s).
Des nuages plus clairs et ralentis
Récemment, une équipe germano-franco-russe s'est penchée sur les huit années de données collectées avec la caméra VMCVMC (Venus Monitoring Camera) de la mission européenne Venus Express (Esa), dont les capteurscapteurs sont sensibles à la lumièrelumière visible et en ultraviolet (UV). Ces chercheurs ont montré que les parties les moins sombres (en UV) du sommet des nuages, vers 70 km d'altitude, peuvent être liées aux reliefs de la planète, en l'occurrence Aphrodite TerraTerra, une des plus hautes terres de Vénus avec Ishtar Terra. En outre, ils ont observé un ralentissement important des ventsvents au niveau du massif montagneux : 82 m/s au lieu de 100 m/s en moyenne.
« C'est un peu comme si les nuages au-dessus de l'Himalaya étaient plus brillants qu'ailleurs, et qu'ils se déplaçaient moins vite » illustre Jean-Loup Bertaux, l'auteur principal de cette étude publiée dans le Journal of Geophysical Research. Toutefois, sur VénusVénus, il y a quelque 65 km entre le sol et ces nuages.
C'est aussi par analogieanalogie avec la Terre que le chercheur au Latmos et son équipe expliquent le phénomène : il est généré par des ondes de gravitégravité. Des vaguesvagues d'airair se propageant à la verticale après s'être heurtées aux excroissances du sol. « Lorsqu'elles arrivent un peu en dessous du sommet des nuages, leur mouvementmouvement vertical s'arrête et elles déferlent brutalement, comme les vagues de la mer au bord du rivage. » Le ralentissement observé se produit un peu plus en aval des reliefs.
En haut : carte géographique longitude-latitude du relief de Vénus, obtenue par le radar de la sonde Magellan (Nasa). L’altitude du relief est codée en couleurs. Dans la zone observée, il y a, au sud de l’équateur, un massif montagneux important, Aphrodite Terra, et un autre moins haut, Alta Regio. La flèche rouge indique la direction moyenne du vent, d’est en ouest, vers les longitudes décroissantes. En bas : carte géographique de l’intensité du vent dressée par la caméra VMC (en m/s, codée en couleur, le rouge correspondant à une vitesse plus faible, donc un vent ralenti). Il y a une région de vent minimum (en valeur absolue) centrée à environ 30° de longitude en aval d'Aphrodite Terra, et qui s’étend vers le sud. Cette carte du vent a été établie à partir de 31.604 mesures individuelles obtenues en comparant à l’œil deux images successives de VMC. © Esa
Quel est l’ingrédient qui assombrit l'atmosphère ?
Ensuite, le vent réaccélère, ce qui « provoque au sommet des nuages un étirement de la masse d'airmasse d'air horizontale » et crée un vide aspirant l'air en dessous. Ces nuages plus sombres dans l'ultraviolet sont vraisemblablement chargés d'un composé non identifié qui absorbe ce rayonnement. Dans le communiqué du CNRS, le chercheur précise : « on soupçonnait déjà que la source de l'absorbant UV de Vénus venait d'en dessous : en voilà une nouvelle preuve éclatante, si l'on peut dire, quand il s'agit de nuages sombres ! ».
Indépendamment, l'instrument Spicav, qui peut détecter la vapeur d'eau (plus abondante sous les nuages), a relevé des concentrations plus élevées dans la même région que ces anomaliesanomalies atmosphériques. Elle est donc, selon eux, aspirée en même temps que les composés absorbants d'UV.
Curieusement, le modèle français du Laboratoire de météorologiemétéorologie dynamique de l'atmosphère vénusienne ne présente pas ce phénomène observé par la sonde européenne, alors qu'il reproduit très bien la « super rotation ». « Cela demeure donc un objectif théorique stimulant de trouver l'ingrédient qui manque au modèle pour reproduire les observations. » indique Jean-Loup Bertaux.
L'hypothèse d'une interaction des ondes de gravité avec le vent horizontal avait déjà été proposée en 1985 après la descente dans l'atmosphère des ballonsballons des missions russes VegaVega-1 et Vega-2. « [Ils] ne s'étaient pas comportés de façon identique durant leur dérive de deux jours à 53 km d'altitude. Le ballon de Vega-2, passant au-dessus du massif d'Aphrodite Terra, avait eu une trajectoire plus perturbée, et une dérive plus lente, que celle du ballon de Vega-1 qui, lui, était passé plus au nord de la montagne sur une région de plaine » note le chercheur.