Un des monuments de l'astrophysique du XXe siècle vient de nous quitter presque centenaire. Eugene Parker, qui avait prédit l'existence du vent solaire alors que personne ne le croyait, vient en effet de décéder à l'âge de 94 ans. La sonde solaire portant son nom s'est approchée comme jamais du Soleil et elle continue à nous livrer des clés des mystères de l'héliophysique.


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    La Nasa vient de faire savoir qu'un des grands pionniers de la physique solaire, Eugene Parker, est décédé à l'âge de 94 ans. Il avait été le premier scientifique à assister au lancement d'une sonde spatiale portant son nom, à savoir Parker Solar Probe en août 2018.

    Né en 1927 à Houghton, Michigan (États-Unis), l'astrophysicienastrophysicien est donc de la même génération que ses collègues en France, également décédés, Evry Schatzman et Jean-Claude Pecker, eux aussi des physiciensphysiciens solaires. Il fait donc partie de ces jeunes chercheurs qui au sortir de la Seconde Guerre mondiale vont profiter des progrès fulgurants de l'astrophysique nucléaire et de l'astronautique pour explorer le territoire de l'astrophysique, qu'avaient ouvert dans les années 1930 des génies comme Subrahmanyan ChandrasekharSubrahmanyan Chandrasekhar et Arthur Eddington avec leurs travaux sur la structure interne des étoiles.

    Eugene Parker obtiendra ainsi l'équivalent d'un master en physique de la Michigan State University en 1948 et son doctorat à Caltech en 1951, là où brilleront à partir de la même décennie les prix Nobel de physique Richard Feynman et Murray Gell-Mann, avant d'accepter un poste en 1955 à l'université de Chicago, où il est resté pour la suite de sa carrière, et toujours actif après sa retraite en 1995.

    À ce moment-là, l'astrophysique nucléaire n'était pas la seule en plein essor car l’astrophysique des plasmas se développait aussi, comme le prouvent les publications à la même époque de Chandrasekhar, lui aussi en poste à l'université de Chicago.

    Un flux supersonique de particules

    En 1957, Eugene Parker a une révélation. Il comprend que quelque chose comme le vent solaire doit exister, c'est-à-dire un flux de plasma constitué essentiellement d'ionsions (principalement d'atomesatomes d'hydrogènehydrogène et d'héliumhélium) et d'électronsélectrons qui sont éjectés de la haute atmosphèreatmosphère du SoleilSoleil. La dynamique en vitessevitesse et en température de ce souffle de plasma doit de plus varier au cours du temps en fonction de l'activité solaire dont, dès 1931, l'astronomeastronome et opticienopticien français Bernard LyotBernard Lyot avait commencé à en tirer des films impressionnants montrant les éruptions solaires en accéléré, grâce à ses observations au Pic du Midi avec le tout nouvel instrument qu'il vient de concevoir : le coronographecoronographe.


    Une présentation de la sonde solaire Parker et de ses découvertes. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa

    Mais, quand il envoie pour publication la même année l'article où il développe sa théorie d'un flux supersonique de particules quittant la surface du Soleil, le premier expert évaluant l'article, anonyme comme il se doit, renvoie un rapport incendiaire à l'éditeur « Eh bien, je suggérerais à Parker d'aller à la bibliothèque et de se renseigner avant d'essayer d'écrire un article à ce sujet, car c'est un non-sens total ! ».

    Chandrasekhar est l'éditeur, et lui aussi n'est absolument pas convaincu par l'article de Parker, mais comme il ne trouve aucune faute de raisonnement et de calcul, il autorise la publication, peut-être en se rappelant lui-même que sa propre théorie sur la masse limite des naines blanches avait été rejetée de la même manière par Eddington plus d'une vingtaine d'années auparavant.

    Quand on demandera plus tard à Parker des conseils pour de jeunes scientifiques débutants, sans doute marqué par cette histoire, il dira : « Si vous faites quelque chose de nouveau ou d'innovant, attendez-vous à des ennuis. Mais pensez-y de manière critique car si vous vous trompez, vous voulez être le premier à le savoir ! ».

    Si pendant quelque temps l'idée du vent solaire ne va en effet rencontrer que du scepticisme et même des moqueries, elle va s'imposer dès 1962 quand les instruments de la sonde Mariner II en route vers VénusVénus vont attester de l'existence du vent solaire.

    Du plasma solaire aux plasmas des galaxies

    Les travaux de Parker, lui-même, vont par la suite contribuer à révolutionner l'astrophysique des plasmas dans les champs magnétiqueschamps magnétiques au point que dans le communiqué de l'université de Chicago annonçant le décès de Parker, Nicky Fox, directeur de la division héliophysique de la Nasa, déclare : « Je ne pense pas qu'il soit exagéré de dire que le domaine de l'héliophysique existe aujourd'hui en grande partie grâce aux travaux du Dr. Eugene Parker. Même si le Dr. Parker n'est plus avec nous, ses découvertes et son héritage vivront pour toujours. »

    Eugene Parker est de plus allé au-delà de l'astrophysique du vent solaire car on lui doit des travaux sur l'origine des rayons cosmiquesrayons cosmiques, la génération des champs magnétiques cosmiques et stellaires par effet dynamo et les champs magnétiques dans les galaxies. On retrouve donc sa marque dans bien des branches de l'astrophysique comme on s'en convainc rapidement en prenant connaissance de l'existence de l'instabilité de Parker, qui décrit les champs magnétiques dans les galaxiesgalaxies ; de l'équationéquation de Parker, qui décrit les particules se déplaçant à travers les plasmas ; du modèle de Sweet-Parker des champs magnétiques dans les plasmas ; et la limite de Parker sur le flux des monopôles magnétiques dans la Voie lactéeVoie lactée.

    Dans le même communiqué, Robert Rosner, professeur d'astronomie et d'astrophysique ajoute : « Eugene représentait pour moi le physicien idéal - brillant et accompli, aimable, articulé, mais aussi humble. Je n'oublierai jamais le plaisir qu'il a pris à explorer un problème scientifique, et ses formidables connaissances physiques qui ont ensuite été étayées par ses compétences analytiques. Et on ne peut jamais oublier les encouragements qu'il a donnés à tous ceux avec qui il a interagi - ses propres étudiants et postdocs, et ses collègues. Son décès marque en effet une grande perte pour nous tous. »