Les sursauts gamma sont les phénomènes les plus intenses que l'on peut trouver dans l'Univers. Ces salves énergétiques peuvent être plus ou moins longues. Jusqu'à maintenant, les sursauts dits « longs » étaient associés aux hypernovas, ces morts d'étoiles très massives. Mais une nouvelle étude change la donne : ce sursaut gamma provient d'une fusion d'étoiles à neutrons, appelée kilonova !


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    En décembre 2021, un sursaut gamma long a été détecté par les télescopes spatiaux SwiftSwift et Fermi de la Nasa. Appelé GRB211211A, et d'une durée de 50 secondes, il appartient aux sursauts dits « longs ». Sa source, située dans la galaxie SDSS J140910.47 + 275320.8, se situe à 1,1 milliard d'années-lumièreannées-lumière de nous, ce qui en fait l'un des sursauts gamma les plus proches jamais observés !

    Le signal complet a pu être imagé à l'aide de l'observatoire Gemini, situé à Hawaï, par une équipe d'astronomesastronomes, dont les détails ont été publiés dans la revue Nature. Il n'est pas rare de détecter un sursaut gamma long mais, pour la toute première fois, un tel signal est associé à une fusionfusion d'étoiles à neutronsétoiles à neutrons, appelée kilonova !

    Le mot « kilonova » a été établi en 2010, en référence à l'énergieénergie que ces collisions dégagent. Plus énergétiques que les novasnovas (ces étoiles qui brillent intensément pendant une courte période), mais moins que les supernovassupernovas (ces explosions d'étoiles massives), les kilonovas ont été attribuées à des fusions d'astresastres très denses, mais peu massifs. Soit deux étoiles à neutrons, soit une étoile à neutrons et un trou noir stellairetrou noir stellaire. Ces événements génèrent des émissionsémissions électromagnétiques, censées être particulièrement intenses et courtes. D'où la surprise des astronomes face à GRB211211A !

    Une vue d'artiste du sursaut gamma GRB 080319B, si intense qu'il aurait pu être vu brièvement à l'œil nu bien qu'il se soit produit à l'autre bout de l'Univers. © ESO
    Une vue d'artiste du sursaut gamma GRB 080319B, si intense qu'il aurait pu être vu brièvement à l'œil nu bien qu'il se soit produit à l'autre bout de l'Univers. © ESO

    Les sursauts gamma ont été découverts par hasard

    Aussi appelés GRB, pour Gamma Ray-Burst, qui signifie littéralement « rafale de rayons gammarayons gamma », les sursauts gamma sont connus depuis 1967, lorsque le tout premier a été détecté. À l'époque, les satellites équipés de détecteurs gamma surveillaient les explosions atomiques, qui génèrent des flashsflashs de rayons gamma. La découverte, surprenante, n'est rendue publique qu'en 1973, et l'on donne alors le surnom gamma ray burst à ce mystérieux signal.

    D'autres découvertes s'ensuivent, et deux catégories de sursauts gamma se distinguent : les courts ne dépassant pas la durée de 2 secondes, dont le maximum d'émissions se situe à très haute énergie au-delà du MeV (mégaélectronvolt), et les longs qui durent jusqu'à quelques minutes, avec un spectrespectre énergétique plus aplati, et un maximum autour du keV (kiloélectronvolt).

    Depuis les années 2000, les origines des sursauts gamma ont été identifiées. Dans le cas des sursauts gamma longs, la théorie veut qu'ils proviennent de la mort d'étoiles massives, appelées supernovas. L'étoile en fin de vie, d'une massemasse supérieure à 10 masses solaires, éjecte ses couches supérieures en une violente explosion, tandis que son cœur se contracte sur lui-même pour devenir une étoile à neutrons ou un trou noir. C'est dans ce dernier cas qu'un sursaut gamma peut se produire.

    Dans le cas des sursauts gamma courts, qui durent la plupart du temps quelques dixièmes de seconde, le phénomène à l'origine serait une kilonova, une collision entre deux étoiles à neutrons, ou une étoile à neutrons et un trou noir. Ces cataclysmes peuvent aussi générer des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles, et sont capables de libérer en moins de deux secondes plus d'énergie que ce que produira le SoleilSoleil au cours de sa vie !

    Impression d'artiste d'une collision entre deux étoiles à neutrons. © Mark Garlick, <em>university of Warwick</em> 
    Impression d'artiste d'une collision entre deux étoiles à neutrons. © Mark Garlick, university of Warwick 

    Les kilonovas peuvent contre toute attente être à l'origine de sursauts gamma courts !

    Il est donc en théorie possible de distinguer quel événement se trouve à l'origine de chaque sursaut gamma, selon les caractéristiques du signal. Mais problème, les astronomes se sont retrouvés cette fois face à un signal long, mais correspondant à une kilonova ! « Il y a beaucoup d'objets dans notre ciel nocturnenocturne qui s'estompent rapidement », explique Wen-fai Fong dans un communiqué, coauteure de l'étude et astrophysicienne à l'université Northwestern.

    « Nous imageons une source dans différents filtres pour obtenir des informations sur ses couleurscouleurs, ce qui nous aide à déterminer l'identité de la source. Dans notre cas, la couleur rouge a prévalu et les couleurs plus bleues se sont estompées plus rapidement. Cette évolution est une signature révélatrice d'une kilonova, et les kilonovae ne peuvent provenir que de fusions d'étoiles à neutrons. »

    Autre surprise de taille : la galaxie hôte, d'où provient le signal, est encore jeune et forme de nouvelles étoiles. À l'opposé de NGC4993, la galaxie abritant la toute première fusion d'étoiles à neutrons avérée, qui correspond au signal GW170817. Découvert en 2017, c'est le tout premier signal pour lequel des ondes gravitationnelles et électromagnétiques ont été détectées, confirmant la théorie selon laquelle les kilonovas produisent des sursauts gamma courts.

    Le télescope ultraviolet optique de Swift a imagé la kilonova produite par la fusion d'étoiles à neutrons dans la galaxie NGC 4993 (boîte) le 18 août 2017, environ 15 heures après la détection des ondes gravitationnelles et du sursaut gamma. © Nasa/Swift
    Le télescope ultraviolet optique de Swift a imagé la kilonova produite par la fusion d'étoiles à neutrons dans la galaxie NGC 4993 (boîte) le 18 août 2017, environ 15 heures après la détection des ondes gravitationnelles et du sursaut gamma. © Nasa/Swift

    « Après la détection de GW170817 et son association avec une galaxie hôte massive, rouge et morte, de nombreux astronomes ont supposé que les hôtes de fusions d'étoiles à neutrons dans l'universunivers proche ressembleraient à NGC4993 », explique Anya Nugent, étudiante diplômée de l'université Northwestern et coauteure de l'étude. « Mais cette galaxie est assez jeune, forme activement des étoiles et n'est pas si massive que ça. En fait, elle ressemble plus aux hôtes GRB courts vus plus profondément dans l'Univers. Je pense que cela change notre vision des types de galaxies que nous devrions surveiller lorsque nous recherchons des kilonovae à proximité. »

    Cet événement représente un changement de paradigme passionnant pour l'astronomie des sursauts gamma

    Ainsi, GRB211211A prouve non seulement que des sursauts gamma longs peuvent provenir de kilonovas, mais que celles-ci peuvent se trouver dans des environnements très différents ! « Cet événement ne ressemble à rien d'autre que nous ayons vu auparavant à partir d'un long sursaut gamma », s'enthousiasme Jillian Rastinejad, premier auteur de l'étude, et astrophysicienastrophysicien à l'université Northwestern.

    « Ses rayons gamma ressemblent à ceux des sursauts produits par l'effondrementeffondrement d'étoiles massives. Étant donné que toutes les autres fusions d'étoiles à neutrons confirmées que nous avons observées ont été accompagnées de sursauts d'une durée inférieure à deux secondes, nous avions toutes les raisons de nous attendre à ce que ce GRB de 50 secondes soit créé par l'effondrement d'une étoile massive. Cet événement représente un changement de paradigme passionnant pour l'astronomie des sursauts gamma. »