Avoir toujours la « positive attitude » au bureau malgré une pile de dossiers à gérer, est-ce vraiment une bonne idée ? Faire bonne figure, même en période de stress, peut s'avérer contreproductif. Cette pratique appelée « glossing » peut nuire à la santé mentale et créer un environnement dysfonctionnel. D'après une étude, feindre le bonheur augmente le désengagement, tandis que ressentir sincèrement de la joie améliore la satisfaction professionnelle. 


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    Il est de bon ton d'avoir une attitude positive au travail. Mais il n'est pas toujours facile de garder « le smile » quand les dossiers s'accumulent et que le stressstress se fait ressentir. Certains salariés se sentent pourtant obligés de le faire, quitte à ce que cela leur porteporte préjudice.

    Perte d'investissement, burn-out, dépression... La santé mentale des actifs ne cesse de se dégrader depuis la crise du Covid. Pourtant, certains employés se sentent obligés d'afficher un air heureux au bureau, comme si le simple fait d'adopter une attitude positive suffisait à faire taire leur mal-être professionnel. Une pratique connue sous le nom de « glossing ».

    Le « glossing » se réfère au fait de réprimer ses émotions négatives au travail, quelles que soient les circonstances. Cette volonté de sauver les apparences peut s'avérer néfaste, non seulement pour le salarié qui feint le bonheur, mais aussi pour ses collègues. En effet, les travailleurs qui expriment leurs véritables pensées ou préoccupations peuvent passer pour des rabat-joie ou des fauteurs de troubles auprès de leur hiérarchie. 

    Taire son ressenti, afficher une bonne humeur constante et une attitude positive, c'est beaucoup de pression au quotidien qui peut conduire au burn-out. Face au manager, exprimer ses préoccupations sans faux semblants est plus constructif. © Khosrork, Getty Images
    Taire son ressenti, afficher une bonne humeur constante et une attitude positive, c'est beaucoup de pression au quotidien qui peut conduire au burn-out. Face au manager, exprimer ses préoccupations sans faux semblants est plus constructif. © Khosrork, Getty Images

    Car, en entreprise, c'est souvent le désir de conformité qui prime. Les salariés ont tendance à se calquer sur la manière de communiquer et de travailler de leurs collègues, par peur d'être ostracisés s'ils ne se conforment pas aux attentes de leurs pairs. S'ils voient que leurs voisins d'open space affichent un sourire de circonstance, 24 heures sur 24, ils se sentiront obligés d'en faire de même pour ne pas détonner. C'est « une réaction naturelle à l'anxiété ou à la peur », explique Leena Rinne, responsable mondiale du coaching chez Skillsoft, à Business Insider

    De la bonne humeur à toute épreuve ? 

    Mais faire semblant d'être heureux au travail ne suffit pas à l'être. Pire encore, cela peut davantage affecter notre moral. Des chercheurs américains sont arrivés à cette conclusion après avoir suivi une soixantaine de chauffeurs de bus pendant deux semaines. Durant leur service, certains d'entre eux pratiquaient le « surface acting », c'est-à-dire qu'ils feignaient des émotions positives qu'ils ne ressentaient pas réellement ; tandis que d'autres étaient davantage dans le « deep acting ». Ces derniers s'efforçaient d'être de bonne humeur en pensant, par exemple, à des souvenirs heureux. Dans une étude parue dans la revue Academy of Management Journal, les scientifiques expliquent que les conducteurs du bus qui faisaient semblant d'être heureux étaient plus désengagés que leurs collègues. À l'inverse, ceux qui s'évertuaient à ressentir sincèrement de la joie étaient bien plus satisfaits de leur vie professionnelle. 

    Autrement dit, rien ne sert d'être toujours souriant et enthousiaste au travail, si l'envie nous en manque. Pourtant, 51 % des employés se sentent « fréquemment » ou « toujours » obligés de faire preuve d'une bonne humeur à toute épreuve au travail, d'après un sondage mené en 2017 auprès de 5 000 actifs. Une pression insidieuse qui vient souvent d'en haut. En effet, les dirigeants ont tendance, plus ou moins consciemment, à valoriser les personnes à la bonhomie naturelle. Ils aiment s'entourer de collaborateurs volontaires et optimistes, qui insufflent une énergieénergie positive au reste de l'équipe. Dans l'absolu, rien de mal à ça. 

    Ne pas taire ses émotions

    Mais le bât blesse quand les managers créent un environnement dysfonctionnel, où les salariés ne peuvent plus exprimer leurs doutes ou leur mécontentement. « En demandant aux membres de l'équipe de simplement sourire davantage, c'est comme si l'on balayait d'un revers de main ou que l'on invalidait les émotions ou les réactions négatives qu'ils pourraient ressentir au travail ou dans leur vie privée », a récemment déclaré Lan Phan, autrice du livre Do This Daily et fondatrice de l'entreprise de développement du leadership Community of Seven, à Harvard Business Review

    Haro donc sur le « glossing ». La pensée positive a du bon, mais il ne faut non plus réprimer ses sentiments négatifs. Les problèmes que vous pouvez rencontrer dans votre carrière ne vont pas se résoudre d'eux-mêmes, si vous êtes toujours de bonne humeur au bureau. En revanche, vous y mettrez un terme plus vite si vous parlez ouvertement de vos difficultés à vos coéquipiers et à vos supérieurs hiérarchiques. Sans faux semblants ni sourire forcé.