S’il y a bien quelque chose dont Thomas Pesquet peut témoigner c’est que dans l’espace, il n’y a ni haut ni bas. Et pourtant, dans notre esprit collectif, nous imaginons toujours la Terre avec le nord orienté vers le haut. Cette représentation exclusive prévaut sur toutes les cartes mais également dans toutes les images de la Terre que nous voyons. Elle n’a pourtant aucune valeur physique. Cette semaine, l’Exploratorium s’intéresse donc à l’origine de cette convention universelle.


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    Imaginez un planisphère représentant le monde avec le pôle Sud en haut. C'est ce qu'a fait l'Australien Stuart MacArthur. Une vision dérangeante, où tous nos repères sont brouillés. Le monde est à l'envers et nous sommes totalement perdus. Et pourtant cette représentation n'est pas moins valide que celle à laquelle nous sommes habitués. La représentation de la Terre est en effet très codifiée. L'axe de rotation est systématiquement placé de manière verticale, avec le nord en haut et le sud en bas. Nous pourrions pourtant représenter notre Planète en positionnant l'axe de rotation de manière horizontale. Étrange, mais pourquoi pas ?

    Au Moyen-Âge, l’est, symbole du Paradis, était placé en haut des cartes

    Les cartographes du Moyen-Âge n'avaient d'ailleurs pas les mêmes règles concernant la représentation du monde connu. En général, les cartes étaient dessinées sous forme sphérique, schématisant les trois continents connus de l'époque suivant une orientation qui peut paraître étrange : l'Asie était alors placée en haut, l'Europe à gauche et l'Afrique à droite. Le tout bordé d'une barrière océan, limitant le monde connu. Dans ce point de vue, l'est est donc en haut, le nord sur la gauche et le sud à droite. On parle d'Orientis Supra. Et il y a une bonne raison à cela. L'est indique en effet la direction du soleil levant, là où est censé se trouver le Paradis. Dans le contexte d'influence religieuse de l'époque il semble donc normal de placer cette partie du globe en position supérieure. Les cartes sont de plus généralement centrées sur la ville de Jérusalem, marquant un peu plus l'influence prédominante de la religion judéo-chrétienne sur les représentations graphiques européennes du monde.

    Carte de 1472 représentant l’Asie en haut. © Isidore of Seville, Wikimedia Commons, domaine public
    Carte de 1472 représentant l’Asie en haut. © Isidore of Seville, Wikimedia Commons, domaine public

    De manière générale, dans toutes les sociétés du Moyen-Âge, les lieux importants (lieux saints, palais impériaux, zones les plus peuplées) étaient préférentiellement placés dans la partie supérieure ou au centre. Les territoires moins importants étant délaissés dans la partie inférieure de la carte.

    Redécouverte de l’atlas de Ptolémée et mise en place des conventions

    Aucune convention universelle n'existait alors. Jusqu'à la redécouverte d'un ouvrage majeur de PtoléméePtolémée, intitulé La Géographie. Les cartographes des différentes régions du monde s'intéressent alors à cette œuvre écrite vers l'an 150 et compilant les connaissances géographiques et cartographiques de l'époque de l'Empire romain. Or, dans cet atlas, Ptolémée, en bon scientifique, définit certaines conventions, comme le fait de considérer l'équateuréquateur comme base de la latitudelatitude, mais également le fait de représenter les cartes avec le nord en haut. Quatorze siècles plus tard, les nouveaux cartographes vont donc adopter cette vision du monde, qui sera renforcée par l’utilisation de plus en plus généralisée de la boussole, dont l'aiguille aimantée indique le nord magnétique.

    Carte de la Scandinavie d’après Ptolémée dans son atlas <em>La Géographie</em>. Le nord est en haut. © National Library of Poland, Wikimedia Commons, domaine public
    Carte de la Scandinavie d’après Ptolémée dans son atlas La Géographie. Le nord est en haut. © National Library of Poland, Wikimedia Commons, domaine public

    C'est finalement le Néerlandais Gérard de Kremer, encore appelé Gerardus Mercator, qui fera de cette représentation une convention universelle. En 1569, ce mathématicienmathématicien réalise l'une des cartes les plus importantes de la géographie moderne. Il construit un planisphère en appliquant un système de projection, qui, s'il déforme légèrement les contours continentaux, permet aux marins de s'assurer de rester sur le bon cap lors des grandes traversées de l'Atlantique et du Pacifique. Un système de projection encore utilisé à ce jour et connu sous le nom de projection de Mercator.

    Cette carte, centrée sur l'Europe et présentant le nord en haut afin de mettre en avant la supériorité du vieux continent dans les échanges commerciaux de l'époque eut un tel impact qu'elle finit par entériner cette vision du monde, qui est toujours d'actualité. Seuls les Japonais continuèrent à utiliser leur propre système, centré sur le Palais impérial, jusqu'au milieu du XIXe siècle.