Jurassic World: Fallen Kingdom fait à nouveau trembler les salles de cinéma avec ses impitoyables dinosaures. Mais étaient-ils vraiment des machines à tuer ? Qu’arriverait-il si on les ramenait à la vie ? Pour le savoir, Futura s’est aventuré dans les coulisses du blockbuster à sensations avec le paléontologue Jack Horner, conseiller scientifique pour les Jurassic World et tous les Jurassic Park précédents.

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    Après les vélociraptorsvélociraptors qui « conspirent » ou les TT-Rex assoiffés de sang dans les films Jurassic Park, les suites de la saga, Jurassic World et Jurassic World: Fallen Kingdom, ont fait le pari de moderniser leurs têtes d'affiche en inventant de toutes nouvelles machines à tuer, customisées par la génétiquegénétique. Parce qu'apparemment les bons vieux dinosauresdinosaures qui ont véritablement existé autrefois n'impressionnent déjà plus personne...

    Démêler le vrai du faux dans tout cela devient de plus en plus ardu. À quoi ressemblaient vraiment les dinosaures, physiquement et du point de vue comportemental ? Serait-il sage de ressusciter de telles bêtes féroces, pensées comme des armes dans Jurassic World 1 & 2, si on en avait les moyens ? Ce sont des questions à poser avant que les avancées en science ne rattrapent la fiction et ne fassent de Jurassic Park une réalité. Futura est allé chercher des éléments de réponse auprès de Jack Horner, paléontologuepaléontologue spécialiste du comportement social des dinosaures et conseiller scientifique pour la saga depuis ses débuts en 1993.


    Revenus du fond des âges, les dinosaures de Jurassic World : Fallen Kingdom, second volet de la franchise Jurassic World, font face à deux de leurs plus grands ennemis présumés. Le premier : une éruption volcanique. Le second, non pas une météorite, mais l’Homme… © Universal Pictures France, YouTube

    Comment étaient les dinosaures ?

    C'est bien connu, les dinosaures d'Hollywood s'attaquent à tout ce qui bouge. « Ils détruisent tout et s'introduisent dans les bâtiments et les véhicules dans le seul but de dévorer des gens, remarque Jack Horner. En revanche, on ne les voit pas (ou à peine) manger d'autres dinosaures. » Dans Jurassic World: Fallen Kingdom, ils menacent même de plonger la planète dans une nouvelle ère de terreur inédite depuis la fin du CrétacéCrétacé. N'étaient-ils pas en effet les maîtres du monde en leur temps ?

    Comment savoir si ces animaux éteints depuis des millions d'années pourraient cohabiter sans encombre avec l'espèceespèce humaine si l'on en vient à les ressusciter ? Le comportement des dinosaures peut être déduit des fossilesfossiles, comme nous l'explique Jack Horner. Ils n'apparaissent alors pas comme les prédateurs incontrôlables représentés dans les films - si on omet bien sûr les dinosaures herbivoresherbivores ou encore les bébés dinosaures.

    « On a appris qu'ils voyageaient en immenses troupeaux, que leur apparence changeait beaucoup au cours de leur croissance et qu'ils prenaient soin de leurs petits », rapporte le paléontologue, qui a d'ailleurs eu la chance de découvrir les premiers nids emplis d'embryonsembryons de dinosaures encore dans l'œuf. « Après leur éclosion, les bébés dinosaures ne pouvaient pas marcher, donc leurs parents devaient leur apporter à manger », explique-t-il. On estime qu'ils vivaient en groupe, car cela justifie qu'ils soient morts ensemble et que l'on retrouve de « gigantesques accumulations de fossiles appartenant à la même espèce ».

    « Les dinosaures juvéniles étaient très différents des adultes, poursuit Jack Horner. Ce qui a conduit certains paléontologues à nommer de nouvelles espèces qui étaient en fait des dinosaures déjà connus, mais juvéniles. » Ces différences ne sont pas seulement source d'erreurs. Elles nous apprennent également qu'ils devaient être en mesure de se reconnaître entre eux, puisqu'ils voyageaient ensemble et s'occupaient de leurs progénitures. « C'est comme pour les humains. Nous pouvons distinguer les jeunes des adultes, et c'est ce qui fait de nous une espèce sociale. »

    Confrontés à cette description, la plupart des actes des dinosaures vus au cinéma ne tiennent pas. « C'est de la fiction. Ils courent trop vite, ils sont plus intelligents qu'ils ne l'étaient probablement », confirme le paléontologue. « Ils [Les réalisateurs] les ont fait se comporter de telle sorte que les spectateurs puissent apprécier les films. »

    Le paléontologue Jack Horner émet l'hypothèse que les dinosaures, et tout particulièrement les mâles, arboraient des couleurs vives, comme les oiseaux. La tête des tricératops, par exemple, était recouverte de kératine et d’ornements, donc probablement très colorée, comme les casques des hoccos (oiseaux d’Amérique du Sud) et des calaos (oiseaux du sud-est asiatique). Malgré leurs couleurs voyantes, les oiseaux ne semblent pas attirer davantage les prédateurs que les espèces moins colorées. Peut-être était-ce le cas aussi pour les dinosaures. © Kari Scannella

    Le paléontologue Jack Horner émet l'hypothèse que les dinosaures, et tout particulièrement les mâles, arboraient des couleurs vives, comme les oiseaux. La tête des tricératops, par exemple, était recouverte de kératine et d’ornements, donc probablement très colorée, comme les casques des hoccos (oiseaux d’Amérique du Sud) et des calaos (oiseaux du sud-est asiatique). Malgré leurs couleurs voyantes, les oiseaux ne semblent pas attirer davantage les prédateurs que les espèces moins colorées. Peut-être était-ce le cas aussi pour les dinosaures. © Kari Scannella

    Qu'en est-il de leur apparence ? « À l'époque du premier film (1993), les dinosaures ressemblaient énormément à ce que l'on pensait, se souvient Jack Horner. Mais depuis, on a réalisé que tous les dinosaures devaient avoir des plumes et que les dinosaures herbivores devraient être plus colorés. » Ainsi, le paléontologue prête une parure très vive aux dinosaures, car « les oiseaux, en particulier les mâles, sont en général très colorés, donc je soupçonne que leurs ancêtres l'étaient également ».

    À ceux qui se demanderaient pourquoi les nouveaux films se refusent à prendre en compte les nouvelles découvertes sur les dinosaures, Jack Horner répond : « Ils ne pouvaient pas changer les dinosaures car ils devaient ressemblaient à ceux des premiers Jurassic Park. C'est aussi pour les rendre plus effrayants. Ils ont justifié cela en disant qu'ils étaient génétiquement modifiés ». Il faut reconnaître effectivement que de beaux oiseaux au cinéma, aussi grands et carnivorescarnivores soient-ils, ne font pas très peur...

    La dé-extinction des dinosaures, une idée qui fait réfléchir

    Étant les descendants des dinosaures, les oiseaux pourraient être la clé pour les ressusciter, une prouesse que les anglophones appellent « dé-extinction ». En effet, on sait désormais que le clonageclonage à partir du sang de dinosaure, comme dans les films, est impossible.

    « On ne peut pas ramener les dinosaures par la méthode de Jurassic Park, parce que nous n'avons pas leur ADNADN », rappelle Jack Horner. Au cours de sa carrière, le paléontologue et son équipe ont bien fait des découvertes extraordinaires : ils ont trouvé de l'hème, constituant de l'hémoglobinehémoglobine, dans les os d'un T. rex et des vestiges de vaisseaux sanguins sur un autre fossile. Mais aucune trace d'ADN. On sait depuis peu que la molécule se dégrade complètement au bout de 6,8 millions d'années.

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    Peut-on ressusciter les dinosaures comme dans Jurassic Park ?

    Reste donc l'option de la modification génétique des oiseaux. « Je pense qu'il est possible d'activer des gènesgènes silencieux, qui ont été désactivés au cours de l'évolution », déclare à Futura Jack Horner. Lors d'une conférence sur ce sujet (voir vidéo ci-dessous), il explique comment transformer un poulet en chickenosaurus, c'est-à-dire avec des dents, des pattes à trois doigts à la place des ailes, ainsi qu'une longue queue articulée comme chez les vélociraptors.


    Jack Horner explique dans cette conférence comment « fabriquer » un dinosaure à partir d’un poulet. On obtiendrait ainsi un chickenosaurus. Les sous-titres en français sont disponibles. © TED, YouTube

    Mais dans l'éventualité où l'on soit capable de ramener les dinosaures à la vie, peut-on courir le risque de le faire ? Certains scientifiques préviennent qu'il faudra créer un environnement où placer les animaux ressuscités. Cela vaut pour la dé-extinction des espècesextinction des espèces récentes, car après tout, elles ont dépéri à cause des pressions humaines et les ressusciter pour qu'elles affrontent les mêmes conditions n'a pas de sens. Pour les dinosaures, faudra-t-il recréer leur paléo-environnement ? Auront-ils du mal à s'adapter à un monde si différent du leur sachant que 65 millions d'années se sont écoulées ?

    Jack Horner ne partage pas ces inquiétudes. « Je pense que les dinosaures se porteraient très bien dans notre environnement, confie-t-il à Futura. Ils vivaient partout sur la planète, depuis l'équateuréquateur jusqu'aux pôles. Des dinosaures herbivores ont pu être spécifiques à certaines plantes, mais la plupart des dinosaures avaient des dents capables de supporter un régime très varié, comme les iguanes, qui peuvent manger tout et n'importe quoi. »

    Le paléontologue estime également que, même si les dinosaures étaient des animaux sociaux, cela ne serait pas nécessaire de les ramener en masse pour qu'ils se tiennent compagnie. « Ils seraient comme des animaux domestiques. Je ne pense pas qu'on devrait les relâcher dans la nature, mais plutôt qu'on devrait en prendre soin, comme pour les chienschiens et les chats. » On ne saura toutefois conseiller à quelqu'un d'adopter un T. Rex. Mais au bout du compte, un chickenosaurus paraît plus à notre portée et moins dangereux qu'un véritable dinosaure.

    Jurassic World: Fallen Kingdom, réalisé par Juan Antonio Bayona, est sorti au cinéma le 6 juin 2018.

    Chronique SF