Les employés d’un crématorium aux États-Unis ont eu une grosse frayeur lorsqu’ils ont appris avoir été exposés à de très importantes doses de radiation suite à l’incinération d’un patient. Atteint d’un cancer du pancréas, celui-ci avait été traité avec un produit radioactif en intraveineuse quelques jours avant sa mort. Les chercheurs tirent la sonnette d’alarme à la suite de ce cas qui pourrait se multiplier.
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Le malheureux patient ne pensait sans doute pas provoquer une telle histoire. Dans l'Arizona, aux États-Unis, un crématorium a été accidentellement contaminé après avoir brûlé le corps d'un défunt traité par radiothérapieradiothérapie avant sa mort. Le cas est rapporté par des médecins de la Mayo Clinic dans une étude publiée par la revue JAMA, le 26 février dernier.
Un produit radioactif administré en intraveineuse
Atteint d'un cancercancer du pancréas, le patient âgé de 69 ans est traité au LutétiumLutétium Lu 177-Dotatate dans un hôpital spécialisé. Ce produit, autorisé aux États-Unis depuis 2018 (et approuvé par la Commission européenne en 2017 sous la marque Lutathéra®) est un anticancéreux administré dans le cadre d'une radiothérapie interne vectorisée (RIV) : le patient est perfusé avec un peptide radiomarqué par le radioisotoperadioisotope Lutétium-177, qui se lie à la tumeurtumeur et relâche son énergie de manière ciblée avant d'être éliminé par les urines.
Deux jours après le début de sa radiothérapie, le patient se sent un peu souffrant et se rend dans un autre hôpital où il va brutalement décéder quelques jours plus tard. Cependant, comme le Lu 177-Dotatate présente une demi-vie de 6,65 jours et que la crémation a lieu à peine 5 jours après la mort, il est encore présent en assez grande quantité dans le corps du patient.
Une dose de radioactivité effarante un mois après la crémation
Le problème est que personne n'a averti le crématorium de la radiothérapie suivie par le défunt. Celui-ci procède donc normalement à sa crémation. Un mois plus tard, les médecins de l'hôpital où le patient avait été traité au 177 Lu-Dotatate sont enfin avertis de sa mort. Ils alertent immédiatement les responsables du crématorium qui procèdent alors à des vérifications. Ils ne vont pas être déçus : plus d'un mois après le décès, le compteur Geiger mesure, au niveau du four et des filtres, un débitdébit de dose de 0.075 mSv/h, alors que la limite maximale fixée par l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire français (IRSN) est de 20 mSv pour toute une année.
Fort heureusement, le niveau de radiation diminue rapidement au fur et à mesure que l'on s'éloigne, ce qui n'a pas mis en danger outre mesure le voisinage. Le personnel, en revanche, a subi un niveau élevé d’exposition et s'est donc vu prescrire des tests urinaires pour vérifier une possible présence de Lutétium, qui s'est avérée finalement négative. L'un des employés présentait cependant des traces d'un autre composé radioactif, le technétium 99m, utilisé pour des images scintigraphiques. Une présence « sans doute issue de la crémation d'un autre patient ayant eu recours à ce produit », avancent les auteurs de l'étude de JAMA.
Le personnel des crématoriums plus exposé aux radiations que les patients eux-mêmes
Les médecins en appellent donc à une meilleure régulation, actuellement inexistante ou très disparate. « Si la réglementation en matière d'innocuité est bien établie pour l'administration radiopharmaceutique chez les patients vivants, les produits radiopharmaceutiques présentent un danger souvent négligé en matière d'innocuité post-mortem, mettent ainsi en garde les auteurs de l'étude. La crémation d'un patient exposé volatilise le produit radiopharmaceutique, qui peut alors être inhalé par les travailleurs ou rejeté dans la communauté adjacente, et entraîner une exposition plus importante que celle d'un patient vivant ». Un comble !
En France, 216.400 personnes atteintes de cancer ont été traitées par radiothérapie en 2017, selon l’Institut national du cancer. Mais la radiothérapie interne, telle que le RIV, ne représente que 0,8 % des cas. Il n'empêche que les crématoriums doivent faire face à de plus en plus de casse-têtes médicaux. En 2016, l'un des fours d'un crématorium de Saint-Étienne avait ainsi explosé lors de l'incinération d'un défunt portant un pacemaker que le médecin avait « oublié » de signaler.
Ce qu’il faut
retenir
- Un patient traité avec un produit radioactif pour son cancer a provoqué la contamination d’un crématorium dans l’Arizona.
- Le personnel a été directement exposé à d’importantes doses de radiation.
- Il n’existe pour l’instant aucune règlementation précise concernant la radiothérapie pour la sécurité post-mortem comme c’est, par exemple, le cas pour les pacemakers.