Combien de temps vous faudrait-il pour compter les bulles dans votre verre de bière ? Plus d’une semaine sans dormir et encore, en allant vite. Heureusement, des scientifiques du CNRS ont effectué le travail à notre place et établi une méthode de calcul… plus ou moins fiable.
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La science a parfois l'art de répondre à des questions que personne ne se pose : pourquoi les petites cuillères disparaissent plus vite que les fourchettes ? Comment casser un spaghetti en deux ? Combien de coups de langue faut-il pour finir une sucette ? Combien de bébés naissent dans les avions ? Voici une nouvelle preuve de l'utilité de nos chercheurs : on sait désormais qu'un verre de bière contient entre 200.000 et 2 millions de bulles, mais aussi que la bière contient plus de bulles que le champagne.
Comment bien verser la bière dans son verre
Cette question a fait l'objet d'une étude très sérieuse de deux chercheurs de l'université de Reims affiliésaffiliés au CNRS et publiée dans la revue ACS Omega. Car le phénomène des bulles est en réalité beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. La formation des bulles dépend non seulement de la nature du liquide, mais aussi de la température, de la forme du verre, de la quantité de liquide ou de la pression ambiante. « 100 ml de champagne versés directement au milieu d'une flûte orientée verticalement vont contenir environ un million de bulles. Mais du champagne servi plus doucement en versant le long de la paroi d'une flûte inclinée (une technique qui préserve mieux le CO2 dissous) donnera des dizaines de milliers de bulles de plus », indique Gérard Liger-Belair, principal auteur de l'étude.
Le saviez-vous ?
Les bulles apparaissent lors du processus de fermentation alcoolique durant lequel les sucres se transforment en alcool sous l’action de levures. Ce processus produit du dioxyde de carbone (CO2), qui va donner le pétillant à la boisson. Les bières blondes en bouteille ou en canette sont également soumises à une pression de CO2 en phase gazeuse afin d’augmenter la concentration de CO2 dissous dans le liquide. C'est ce qui explique pourquoi les canettes de bière sifflent lorsqu'elles sont ouvertes.
Or, « la présence de CO2 dissous est un paramètre sensoriel essentiel dans la dégustation de bière, car les bulles transportent des composés aromatiquescomposés aromatiques et parfumés, souligne le scientifique Gérard Liger-Belair. Nous avions précédemment montré qu'une concentration minimale de 1,2 gramme par litre de CO2 dissous est requise dans les vins mousseux pour subir une sensation de gazéificationgazéification en bouche ».
En combien de temps ma bière va-t-elle perdre toutes ses bulles ?
Restait à savoir comment compter les bulles. Gérard Liger-Belair et sa collègue ont d'abord mesuré la quantité de CO2 dissous dans une bière blonde (Heineken) en versant la bière dans un verre incliné (afin de préserver le CO2 dissous), et pour une température de dégustation de 7,22 °C. Ils ont ensuite modélisé comment le gaz dissous s'agrège spontanément pour former des flux de bulles dans les anfractuosités du verre. Enfin, à l'aide d'un appareil photo à très grande vitesse (high speed photography), ils ont observé comment les bulles grossissent et transportent des gaz dissous vers la surface, jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucun gaz dissous dans la bière. Résultat : entre 200.000 et 2 millions de bulles sont libérées avant qu'une demi-pinte de bière blonde (25 cl) ne soit totalement « vidée » de son gaz. Une estimation pas très précise, il est vrai, mais toujours plus fiable que de compter soi-même les bulles une par une.
À noter que cette estimation n'est pas valable pour le champagne. Étonnamment, les défauts du verre influencent différemment les deux boissons, davantage de bulles se formant dans la bière lorsque les anfractuosités du verre sont plus grandes, relèvent les chercheurs -- ce qui explique peut-être pourquoi la bière est souvent servie dans des chopes. Et si le cœur vous en dit de calculer vous-mêmes le nombre de bulles, voici l'équationéquation à utiliser :