Les engins spatiaux, en orbite autour de la Terre ou bien partis explorer d’autres planètes, doivent avoir une certaine autonomie de décision. Il ne s’agit pas encore d’intelligence artificielle mais pas loin. Pour les contrôler, il existe des « systèmes d’exploitation temps réel », ou RTOS. Olivier Charrier, ingénieur principal Aerospace & Defence de la société Wind River, nous en explique le fonctionnement.

au sommaire


    Aujourd'hui, les sondes d'explorationsondes d'exploration et les rovers de surface sont capables de prendre des décisions et de réaliser des tâches à des instants précis. En retour, les contrôleurs au sol ont besoin de savoir en temps réel si ces tâches ont effectivement eu lieu au moment voulu.

    Or, en raison de l'éloignement avec la Terre, les temps de communication se comptent en dizaines de minutes. Ces délais incompressibles empêchent les contrôleurs au sol de surveiller les opérations en temps réel. C'est pourquoi chaque mission est équipée d'un « système d'exploitationsystème d'exploitation temps réel (RTOS) qui se charge de l'exécution de ce monitoring », nous explique OlivierOlivier Charrier, ingénieur principal Aerospace & Defence chez Wind River.

    Cette société a développé un système d'exploitation temps réel appelé VxWorks, utilisé dans de nombreux secteurs d'activité, dont celui de l'exploration spatiale. Depuis 1997 et la mission Mars Pathfinder, la Nasa l'a installé sur 30 missions et l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Esa) l'utilise sur le satellite Proba ainsi que dans la Station spatiale européenne (ISSISS).

    Les logicielslogiciels temps réel comme VxWorks respectent des échéances temporelles et doivent garantir une fiabilité permanente. Ils ont pour fonction de réaliser un certain nombre de tâches critiques qui « permettent de contrôler le fonctionnement général de la mission en temps réel et l'exécution des tâches prévues à un instant précis ». Ils sont aussi utilisés pour « déclencher des commandes d'instruments, de senseurssenseurs et faire de la gestion de communication ».

    Le système d'exploitation temps réel VxWorks est celui employé par la Nasa pour le rover Curiosity. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS

    Le système d'exploitation temps réel VxWorks est celui employé par la Nasa pour le rover Curiosity. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS

    Des rovers et des sondes

    Dans le cas d'un rover, ces systèmes RTOS sont capables de « contrôler les opérations réalisées au sol, la collecte des données et les communications avec la Terre par exemple ». Dans les sondes en navigation ou en orbite, les systèmes RTOS sont « utilisés en temps réel lors des opérations critiques de guidage, de navigation, de propulsion et de transfert de données ou de communications ».

    Ils sont aussi capables de s'adapter à chaque phase d'une mission. C'est notamment vrai pour les sondes à destination de Mars qui transportent un engin de surface. Ainsi, dans la première partie de la mission, le système RTOS est « configuré pour contrôler le voyage interplanétaire de la sonde et s'assure que les fonctions de positionnement par rapport aux étoiles (calcul de trajectoire et gestion de propulsion) sont privilégiées ». À l'approche de Mars, le système change de mode de façon à gérer l'entrée dans l'atmosphèreatmosphère martienne avec la « mise en œuvre d'autres senseurs qui vont contrôler d'autres équipements comme les moteurs de freinage, le déclenchement de tous les systèmes d'entrée (éjection des boucliers, déploiement du parachuteparachute...) et d'atterrissage sur Mars ».

    À l'avenir, les systèmes d'autonavigation et d'exploitation temps réel seront capables de rendre très autonomes les constellations de satellites pour le contrôle de leur orbite et leur repositionnement mais pour les communications entre eux. © Thales Alenia Space

    À l'avenir, les systèmes d'autonavigation et d'exploitation temps réel seront capables de rendre très autonomes les constellations de satellites pour le contrôle de leur orbite et leur repositionnement mais pour les communications entre eux. © Thales Alenia Space

    Les systèmes RTOS pour rendre les satellites terrestres autonomes

    À l'avenir, dans le domaine spatial, ces systèmes d'exploitation temps réel évolueront avec « l'ajout de fonctionnalités qui auront toujours pour but le contrôle de l'exécution d'une tâche en temps réel mais avec de plus en plus d'intelligenceintelligence ». L'analyse du rayonnement cosmique, la gestion des systèmes de télécommunications et des futurs modes de propulsion sont des « exemples de nouveaux capteurs qui pourraient être gérés par ces systèmes ».

    L'intelligence viendra certainement des avancées de la technologie de « l'Internet des objets et de la gestion du big databig data appliquée aux systèmes autonomes (véhicules autonomesvéhicules autonomes, drones, etc.) ». Par exemple, des « fonctions de maintenance prédictive et des systèmes d'autonavigation » sont d'ores et déjà envisagés et à l'étude. La Nasa a d'ailleurs testé avec succès sur la sonde Deep Space 1 (1998) un système d'autonavigation. Le système fut modernisé pour la sonde Deep Impact qui l'utilisa en juillet 2005 pour calculer de manière automatique les manœuvres à effectuer lors de son rendez-vous avec la comète Tempel 1 et pour larguer son impacteur de manière précise sur ce petit objet.

    Très certainement, le périmètre des RTOS sera étendu aux méga-constellations, comme celle de OneWebOneWeb et ses centaines de satellites terrestres. Aujourd'hui, quand les satellites dérivent, ils ne sont pas capables de revenir d'eux-mêmes sur leur orbite. Plutôt que d'effectuer depuis le sol les corrections de trajectoire nécessaires, « on peut très bien envisager de réaliser ces corrections d'orbite de façon tout à fait autonome, sous contrôle d'un RTOS qui coordonnera et vérifiera que ces actions soient effectuées à des moments précis afin de préserver le précieux carburant en quantité limitée, et ainsi décharger les contrôleurs au sol de cette tâche qui prend beaucoup de temps ».

    Contrôler depuis le sol des satellites s'annonce déjà très compliqué lorsqu'il sera nécessaire de les repositionner correctement les uns par rapport aux autres. Rendre ces satellites capables de se repositionner les uns par rapport aux autres permettra de limiter les fonctions assurées depuis le sol au seul contrôle.