Il y a 10 ans, l'Agence spatiale européenne lançait les observatoires spatiaux Planck et Herschel. Le premier, conçu pour étudier les infimes variations de température du fond diffus cosmologique et le second, premier satellite à observer l'Univers jusque dans les rayonnements submillimétriques. Réalisés par Thales Alenia Space, ces deux satellites sont considérés comme les plus complexes jamais réalisés en Europe. Nous vous expliquons pourquoi.
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Le 14 mai 2009, il y a 10 ans jour pour jour, un lanceur Ariane 5 lançait, depuis Kourou, Herschel et PlanckPlanck. Ces deux observatoires spatiaux, réalisés par Thales Alenia Space (TAS) pour le compte de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA), ont été conçus pour dévoiler certains des secrets les mieux gardés de l'Univers, comme la formation des étoiles et des galaxies (Herschel) ou du Big BangBig Bang (Planck). À l'époque de leur réalisation, Thales Alenia Space s'était entourée d'une des plus grandes équipes industrielles jamais réunies pour un projet de cette nature avec 500 personnes et plus de 90 contractants dans 17 pays.
Ces deux observatoires avaient contraint TAS à de réelles innovations technologiques. Planck a été le satellite le plus froid jamais lancé et Herschel, avec son miroir primaire de 3,5 mètres, était le plus grand observatoire spatial d'imagerie jamais réalisé. Ils restent à ce jour répertoriés parmi les satellites scientifiques les plus complexes jamais réalisés en Europe.
Pour parvenir à observer le rayonnement fossile dont la température est de 2,725 K (-270,435 °C) et déceler les infimes variations de température qu'il comporte et qui n'excèdent pas 0,002 °C, Planck se devait d'être refroidi dans ce même ordre de grandeurordre de grandeur. Or, à l'époque, l'industrie spatiale n'avait jamais construit de satellite aussi froid. Avec des températures de fonctionnement proches du zéro absoluzéro absolu, TAS a dû innover au niveau de la cryogéniecryogénie et concevoir un système de refroidissement passif et actif qui faisait appel à des technologies complètement nouvelles.
Trois écrans thermiques et des refroidisseurs inédits pour l’époque
Le système passif du satellite se composait de trois écrans thermiques en aluminiumaluminium situés entre le télescopetélescope et la plateforme. Ce concept, alors entièrement nouveau, avait été conçu spécifiquement pour Planck. De cette façon, la charge utile était installée sur la face qui pointait en permanence à l'opposé du SoleilSoleil. Elle était séparée du module de service par ces trois écrans de protection thermique, ce qui permettait de maintenir le télescope à moins de 60 K (-213 °C). Quant au refroidissement actif du satellite, il était « assuré par des refroidisseurs qui avaient pour mission de faire baisser encore plus bas cette température ». Jusqu'à 4 K, voire 0,1 K pour les bolomètresbolomètres de l'Instrument à haute fréquencefréquence (HFI), fournis par l'ESA. Pour s'assurer du bon fonctionnement de toute cette chaîne cryogénique, TAS a utilisé les installations du Centre spatial de Liège où la température du satellite est descendue à -273,05 °C (à 0,1 °C du zéro absolu) pour la partie la plus froide. Une température maintenue durant deux semaines, ce qui avait représenté un défi technique. C'était en effet la seule fois que la chaîne complète de refroidissement du satellite Plancksatellite Planck avait été testée sur Terre avant son lancement.
Quant à Herschel, son miroir primaire de 3,5 mètres était évidemment la pièce maîtresse. En 2009, il était le plus grand jamais réalisé à ce jour pour un satellite. Il a été réalisé en carbure de siliciumcarbure de silicium, ce qui a permis de limiter son poids à seulement 350 kgkg. À titre de comparaison, Hubble est doté d'un miroir de seulement 2,4 mètres de diamètre qui pèse trois fois plus.
L'autre point dur a été le cryostat. Large et haut de trois mètres, il était alors identique dans son principe à celui d'ISOISO, un satellite précurseur d'Herschel. À la différence que si le télescope ISO avait pu être entièrement logé à l'intérieur du cryostat grâce aux 70 centimètres de son miroir, cela n'a pas été le cas avec le miroir de 3,5 mètres d'Herschel, situé à l'extérieur et face au cryostat. La difficulté a été de rendre le cryostat plus efficace, en ligne avec les spécifications et les objectifs de la mission. Sa duréedurée de vie contractuelle devait être plus longue, 4 ans contre 18 mois pour ISO. Au final, la durée de vie d'Herschel aura été augmentée de six mois.
Même s'il y a moins d'innovations qu'avec Planck, Herschel est aussi un satellite très innovant. Sa conception globale répondait à une multitude de contraintes comme celles imposées par les panneaux solaires, dont la mise au point a posé quelques problèmes liés à des températures élevées (jusqu'à 130 °C) au niveau de la tenue mécanique et des cellules solaires. Autre souci, il a fallu s'assurer que le miroir primaire soit à la température la plus basse possible avec le moins de lumièrelumière parasiteparasite possible.
Pour Thales Alenia Space, le programme Herschel/Planck a permis de consolider des compétences préexistantes. Cela lui a permis de remporter le programme EuclidEuclid (2022) de détection et d'étude de la matièrematière et de l'énergie noireénergie noire et une contribution à Plato (2024), une mission inédite de recherche d'exoplanètesexoplanètes dont un millier de planètes telluriquesplanètes telluriques semblables à la Terre parmi lesquelles une centaine dans la zone d'habitabilitézone d'habitabilité de leur étoile. Ces deux missions de l'Agence spatiale européenne ont des exigences et des orbitesorbites similaires à celles d'Herschel/Planck. Euclid est fortement inspiré d'Herschel/Planck, dont le design a été transposé avec évidemment une charge utile très différente. Quant à Plato, l'héritage d'Herschel/Planck se situe au niveau du système de gestion de la stabilité et du contrôle du satellite dont les 34 télescopes de 12 centimètres nécessiteront une stabilité parfaite. Enfin, Herschel/Planck est aussi un atout pour Thales Alenia Space qui concourt à la réalisation d'ArielAriel, une mission ESA conçue pour étudier l’atmosphère d’un millier d’exoplanètes (à l'horizon 2030).
Des avancées scientifiques significatives
Herschel, le télescope spatialtélescope spatial, a su observer des régions de l'Univers, froides et chargées de poussières, inaccessibles aux autres télescopes de cette période. Il a notamment pu étudier la genèse des galaxies et l'évolution des étoiles en formation, ainsi que les nuagesnuages de gazgaz et de poussières où naissent les étoiles, les disques protoplanétairesdisques protoplanétaires et les moléculesmolécules organiques complexes dans la chevelure des comètescomètes. Il a notamment été le premier satellite à étudier le spectrespectre complet des longueurs d'ondelongueurs d'onde de l'infrarougeinfrarouge lointain. Planck, l'observatoire scientifique, a quant à lui permis l'étude du « bruit de fond cosmologique », autrement dit le rayonnement fossile de la toute première lumière de l'Univers, qui a été émise 380.000 ans après le Big Bang, il y a donc 13,8 milliards d'années. Planck a fourni des informations essentielles sur la création de l'Univers et de notre propre Système SolaireSystème Solaire. Planck a décelé de nombreuses zones où des étoiles sont sur le point de naître ou entament tout juste leur cycle de développement.