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La navigation de RosettaRosetta est une des particularités de la mission. Son voyage de dix ans et les six milliards de kilomètres parcourus ont été ponctués de nombreuses corrections de trajectoire et l'on ne compte plus les courbes, triangles et autres formes géométriques sans nom qu'elle décrit depuis son rendez-vous avec la comète.
Il était impossible d'envisager une mise en orbite immédiate, d'autant qu'on ignorait à quelle altitude celle-ci pouvait s'établir. La sonde a donc été contrainte de suivre la comète en adoptant des trajectoires complexes et en effectuant des ajustements fréquents. Depuis la Terre, la masse de la comète et l'intensité de son champ gravitationnel ne peuvent être mesurés. Pour l'approche, les responsables du vol ont donc élaboré une trajectoire très particulière, une sorte de spirale triangulaire. Aujourd'hui, l'orbite stable et circulaire se situe à environ trente kilomètres d'altitude.
Rosetta a été conçue et réalisée pour l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne autour d'une plateforme spécifique par Airbus Defence and Space (anciennement Astrium), qui a également fourni le système de navigation. Pour nous en parler, Vincent Guillaud, directeur de l'ingénierie des satellites d'observation et scientifiques du site toulousain d'Airbus, avec qui nous nous étions entretenus au début de l'année lors du réveil de la sonde.
Une navigation au cordeau
Le système de navigation de la sonde se compose « de senseurssenseurs, d'actionneurs et de petits moteurs de propulsion ». Dans les senseurs, on trouve une centrale à inertie (gyroscopesgyroscopes et accéléromètresaccéléromètres) et deux senseurs d'étoiles utilisés pour que la sonde se repère par rapport à celles-ci. Par hybridationhybridation, ces deux types de senseurs permettent à chaque instant de connaître l'attitude de la sonde et donc de « pointer correctement les panneaux solaires vers le SoleilSoleil, l'antenne de communication vers la Terre et les instruments de Rosetta vers la comète ». Notez qu'avec les articulationsarticulations dont dispose Rosetta, il est possible de pointer concomitamment tous ces équipements.
S'il réussit, l'atterrissage de Philae devra beaucoup au système de navigation de Rosetta qui aura placé les pattes du robot en parallèle à la surface de la comète, à l'endroit ciblé. © Esa
Quant aux actionneurs, la sonde embarque quatre roues de réaction: « elle a besoin de seulement trois, une quatrième est en redondance ». Ces roues sont utilisées, par échange de moments cinétiquesmoments cinétiques, pour contrôler l'attitude. L'autre élément est le système de propulsion bi-liquideliquide avec 24 tuyèrestuyères d'une dizaine de newtonnewton qui « permet de réaliser les manœuvres deltadelta V de changement d'orbite », par exemple pour le rendez-vous entre le mois de mai et le mois d'août. « Manœuvres pendant lesquelles il a été nécessaire de freiner d'environ 750 mètres par seconde ». À ces grandes manœuvres s'ajoutent d'autres délicates faites à proximité de la comète, dont celle réalisée aujourd'hui pour « placer Rosetta sur la trajectoire d'éjection de Philae qui fera un demi-mètre par seconde ».
Le système de navigation embarque également un logiciellogiciel, seulement utilisé pour « contrôler l'attitude de la sonde et pas pour la navigation ». Rosetta ne fait pas elle-même son calcul de trajectoire; le pointage est autonome mais « l'estimation de la position par rapport a la comète et le calcul de l'orbite sur laquelle Rosetta est effectivement placée se fait depuis le sol », au centre des opérations de l'Agence spatiale européenne à Darmstadt en Allemagne (ESOC) « à partir des informations que la sonde donne ».
Se repérer aux étoiles au milieu des poussières
Au lancement, la sonde embarquait 1.600 kilogrammeskilogrammes d'ergolsergols, alors que son poids total en charge faisait trois tonnes : « plus de la moitié de la masse était constituée de carburant »! Aujourd'hui, les réservoirs sont pratiquement vides: il doit rester moins de 100 kg d'ergols ». C'est toutefois suffisant pour remplir la mission pendant l'année qui vient autour de la comète. Aujourd'hui, chaque manœuvre autour de la comète ne consomme guère plus que quelques dizaines de grammes. »
La mise au point de ce système de navigation n'a pas été simple. « Il a été nécessaire d'adapter les logiciels à l'environnement poussiéreux autour de la comète et de la sonde. » Le danger étant que des grains soient susceptibles de réfléchir la lumièrelumière solaire avec comme risque « qu'ils constituent de fausses étoiles pour les senseurs d'étoiles ». Les logiciels ont été adaptés à cette contrainte pour que les senseurs ne captent que la lumière des vraies constellationsconstellations.
Autre difficulté, la « multitude des modes d'attitude qu'il a fallu définir et concevoir spécifiquement pour cette mission » : tout au long de ces dix années de voyage à destination de sa cible, le pilotage de Rosetta a consisté en « des modes de changement d'attitude rapides » lors du survolsurvol des astéroïdesastéroïdes Steins (septembre 2008) et Luttetia (juillet 2010) et des quatre manœuvres d'assistance gravitationnelleassistance gravitationnelle pendant lesquels la sonde « devait rester pointée vers l'objet visé pendant le survol et cela avec des vitessesvitesses de près de 58.000 kilomètres par heure et des vitesses de rotationvitesses de rotation non constantes et rapides ». À cela s'ajoutent « des modes d'attitudes autonomes et inertiels spécifiques à la phase d'hibernation ».
Deux échelles de vitesse
Il faut savoir que les manœuvres que réalise la sonde « se font à des vitesses relatives très faibles », de l'ordre du mètre par seconde, alors que Rosetta et la comète voyagent à près de 60.000 kilomètres par heure autour du Soleil ! Ainsi, quand la sonde est en orbite à seulement dix kilomètres de la surface de Churyumov-Gerasimenko, la période de révolutionpériode de révolution est de trois jours alors que la comète mesure seulement 4 km !
Cette avionique de Rosetta a par la suite été dans son principe réutilisée pour les sondes Mars ExpressMars Express et Venus ExpressVenus Express, deux autres missions de l'Esa toujours en activité. Elle le sera de nouveau sur la future mission BepiColombo à destination de MercureMercure.