De forme surprenante en deux lobes et de forte porosité, le noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko (surnommée Tchouri) se révèle peu à peu grâce aux instruments de la sonde Rosetta. De récentes études montrent notamment que la comète serait riche en matériaux organiques et que les structures géologiques observées en surface résulteraient principalement de phénomènes d’érosion. La comète et sa magnétosphère sont scrutées à la loupe car elles pourraient bien renfermer des traces de la matière primitive du Système solaire.

Grâce à la mission Rosetta, lancée en 2004 par l'Agence spatiale européenne (Esa), les scientifiques font peu à peu connaissance avec la comète Tchouri. Sept études ont ainsi été publiées le 23 janvier 2015 dans la revue Science. Des Français y ont notamment participé. C'est le cas des chercheurs du CNRS, de l'Observatoire de Paris et de plusieurs universités, avec le soutien du Cnes.

Les images de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, surnommée Tchouri, prises par la caméra Osiris montrent une forme globale inhabituelle composée de deux lobes séparés par un « cou » dont l'origine demeure inexpliquée. Sa surface de composition globalement homogène présente une grande diversité de structures géologiques qui résultent des phénomènes d'érosion, d'effondrement et de redéposition.

L'activité de la comète, surprenante à grande distance du Soleil, se concentre actuellement dans ce « cou ». L'ensemble des images a permis de réaliser un modèle en trois dimensions de la comète et de retracer une topographie détaillée du site original d'atterrissage de Philae. Combiné avec la mesure de la masse, ce modèle a donné la première détermination directe de la densité d'un noyau cométaire qui implique une très grande porosité. Ce modèle fournit également le contexte cartographique pour l'interprétation des résultats des autres expériences.

Une comète riche en matériaux organiques

L'instrument Miro a permis aux chercheurs d'établir une carte de la température de la proche sous-surface de la comète. Celle-ci montre des variations saisonnières et diurnes de la température. Cela suggère que la surface de Tchouri est faiblement conductrice au niveau thermique, en raison d'une structure poreuse et peu dense. Les scientifiques ont également effectué des mesures du taux de production d'eau de la comète. Celui-ci varie au cours de la rotation du noyau (12,5 heures), l'eau dégagée par la comète étant localisée dans la zone de son « cou ».

Exemple de trou circulaire observé sur le noyau de la comète Tchouri. L’augmentation du contraste révèle la présence d'activité. Image prise par la caméra Osiris-NAC, le 28 août 2014 depuis une distance de 60 km, avec une résolution spatiale de 1 mètre par pixel. © Esa, Rosetta, MPS, Osiris, MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA

Exemple de trou circulaire observé sur le noyau de la comète Tchouri. L’augmentation du contraste révèle la présence d'activité. Image prise par la caméra Osiris-NAC, le 28 août 2014 depuis une distance de 60 km, avec une résolution spatiale de 1 mètre par pixel. © Esa, Rosetta, MPS, Osiris, MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA

Virtis a quant à lui fourni les premières détections de matériaux organiques sur un noyau cométaire. Ses mesures spectroscopiques indiquent la présence de divers matériaux contenant des liaisons carbone-hydrogène ou oxygène-hydrogène, la liaison azote-hydrogène n'étant pas détectée à l'heure actuelle. Ces espèces sont associées avec des minéraux opaques et sombres tels que des sulfures de fer (pyrrhotite ou troïlite). Par ailleurs, ces mesures indiquent qu'aucune zone riche en glace de taille supérieure à une vingtaine de mètres n'est observée dans les régions illuminées par le Soleil, ce qui trahit une forte déshydratation des premiers centimètres de la surface.

La naissance de la magnétosphère

En utilisant l'instrument RPC-ICA (Ion Composition Analyser), les chercheurs ont également retracé l'évolution des ions aqueux, depuis les premières détections jusqu'au moment où l'atmosphère cométaire a commencé à stopper le vent solaire, aux alentours de 3,3 UA (environ 495 millions de km). Ils ont ainsi enregistré la configuration spatiale de l'interaction précoce entre le vent solaire et la fine atmosphère cométaire, à l'origine de la formation de la magnétosphère de Tchouri.

Les propriétés essentielles de la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko, telles que déterminées par les instruments de Rosetta durant les premiers mois d’observations. © Esa

Les propriétés essentielles de la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko, telles que déterminées par les instruments de Rosetta durant les premiers mois d’observations. © Esa

Des traces de la matière primitive du Système solaire

Formées il y a environ 4,5 milliards d'années et restées congelées depuis, les comètes conservent les traces de la matière primitive du Système solaire. La composition de leur noyau et de leur coma donne donc des indices sur les conditions physico-chimiques qui régnaient au cours de cette période. L'instrument Rosina de la sonde Rosetta a mesuré la composition de la chevelure de 67P (la coma est une sorte d'atmosphère assez dense entourant le noyau et qui se compose d'un mélange de poussières et de molécules de gaz) en suivant la rotation de la comète. Ces résultats indiquent de grandes fluctuations de la composition de la coma hétérogène et une relation coma-noyau complexe où les variations saisonnières pourraient être induites par des différences de températures existant juste sous la surface de l'astre.

Le détecteur de poussière Giada a déjà récolté une moisson de données (taille, vitesse, direction, composition) sur les poussières de dimensions de 0,1 à quelques millimètres émises directement par le noyau. En complément, les images d'Osiris ont permis de détecter des poussières plus grosses en orbite autour du noyau, probablement émises lors du précédent passage de la comète.