Plus de 10 ans après le départ de la sonde Rosetta et 14 mois après son arrivée autour du noyau de 67P/Churyumov-Gerasimenko, l’aventure de cette grande mission européenne continue, déjà riche d’une moisson considérable sur les comètes. Retour sur quelques-uns des grands moments de son odyssée.

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    La sonde RosettaRosetta, dédiée à l'exploration du noyau d'une comète durant une partie de son périple autour du Soleil, est devenue mondialement célèbre lorsqu'elle s'est mise en orbite autour de 67P/Churyumov-Gerasimenko alias Tchouri, le 6 août 2014. Ce qui fit encore plus connaître cette ambitieuse mission de l'Esa auprès du grand public, fut peut-être la séquence de l'atterrissage de Philae, le 12 novembre de la même année. Beaucoup se souviendront en effet de cette incroyable journée où l'on pouvait suivre en direct sur InternetInternet la descente du robotrobot. On retenait son souffle avec les équipes techniques et scientifiques, souhaitant vivement que Philae touche le sol (« touchdown »)) et s'harponne, comme prévu, sur le dosdos de la comète. La suite, on la connait, il y eut quelques rebondissements et beaucoup de chances durant les heures qui suivirent cette première étude in situ d'un noyau cométaire. Après quelques jours de travail, le robot s'est ensuite endormi, faute d'énergie suffisante.

    Prolongée jusqu'en septembre 2016, l'aventure est encore loin d'être finie. Équipée de 11 instruments, Rosetta a déjà parcouru plus de 700 millions de km en compagnie de Tchouri, survolant cette dernière à différentes altitudes, entre 100 et 6 km au début (les premiers mois) et plus de 400 km actuellement... Fin septembre, début octobre, la sonde s'est même exceptionnellement éloignée de 1.500 km afin d'étudier les interactions de la chevelure de la comète avec le vent solaire.

    Périple de Rosetta depuis son lancement le 2 mars 2004 et son arrivée près de Tchouri le 6 août 2014. La sonde européenne est passée près de la Terre et de Mars pour accélérer et a survolé les astéroïdes Steins et Lutetia. © Esa

    Périple de Rosetta depuis son lancement le 2 mars 2004 et son arrivée près de Tchouri le 6 août 2014. La sonde européenne est passée près de la Terre et de Mars pour accélérer et a survolé les astéroïdes Steins et Lutetia. © Esa

    Dix années de voyage

    Cette merveilleuse odyssée scientifique a pour objectif de mieux comprendre les comètes et, à travers elles, l'histoire de notre Système solaire (tenter de répondre aussi à nos questions sur les origines de la Terre, de la vie, de nos océans, etc.) ; elle a débuté en 2004, avec son lancement depuis la Guyane française. La mission a été imaginée à ses origines, au début des années 1980, à partir d'un retour d'échantillons d'un fragment d'un noyau cométaire mais, comme la NasaNasa s'était retirée, il a fallu revoir les ambitions à la baisse. Dans le domaine de l'exploration cométaire, Rosetta -- nommée en référence à la pierre de rosetterosette qui avait permis à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens -- succède à la mission européenne de GiottoGiotto, remarquable excursion qui a permis d'approcher la fameuse comète de Halleycomète de Halley en 1986. Après avoir revu le programme plusieurs fois, avec désormais un et non plus deux atterrisseurs comme envisagé un moment, la sonde était enfin prête à s'envoler en 2003, vers la comète 46P/Wirtanen de la famille JupiterJupiter. Mais un problème technique qui fit exploser le lanceurlanceur Ariane 5Ariane 5 a obligé de différer son départ et, par conséquent, de choisir une nouvelle cible atteignable : 67P/Churyumov-Gerasimenko (également de la famille Jupiter). Découverte le 23 octobre 1969 par les astronomesastronomes ukrainiens (alors soviétiques) Klim Churyumov et Svetlana Gerasimenko, l'astreastre était supposé être relativement peu actif, donc peu menaçant pour la mission étant donné sa période orbitalepériode orbitale de 6 ans et demi, son périhéliepérihélie à 186 millions de km du Soleil et sa relative petite taille (estimée alors à un kilomètre).

    Finalement, la sonde a pu quitter la Terre à bord d'une fuséefusée Ariane 5 version G+, le 2 mars 2004. Un an plus tard, elle revenait dans les parages de notre Planète bleue pour bénéficier d'une assistance gravitationnelleassistance gravitationnelle qui allait lui permettre d'augmenter sa vitessevitesse. En février 2007, même chose avec cette fois, Mars. Rosetta revint nous voir (et, par la même occasion, nous tirer le portrait) en novembre 2007 et novembre 2009. Rappelons qu'avant de visiter et escorter le noyau de Tchouri, la sonde européenne a survolé, en prélude, les astéroïdesastéroïdes Steins (« un diamant dans le ciel »), en septembre 2008, et Lutetia, en juillet 2010.

    Activité du noyau cométaire entre le 31 janvier et le 25 mars 2015. © Esa, Rosetta, Navcam, CC by-sa igo 3.0

    Activité du noyau cométaire entre le 31 janvier et le 25 mars 2015. © Esa, Rosetta, Navcam, CC by-sa igo 3.0

    L’arrivée autour du noyau bilobé

    Le hasard fait bien les choses puisque cette comète, qui porteporte donc deux noms, s'est révélée être formée de deux lobes quand Rosetta, arrivée en vue de son objectif, la découvrit au mois de juillet 2014. Les scientifiques, qui la surnommèrent alors le « canard » pour sa forme apparente d'un « canard pour le bain », émirent dès lors les hypothèses qu'il s'agissait soit d'une binairebinaire par contact soit d'un noyau très érodé dans la partie la plus mince du « cou ». Une récente étude basée sur plusieurs mois d'observation a finalement montré que ce sont en réalité deux comètes indépendantes liées ensemble par une douce, très douce collision, très ancienne.

    Après 10 longues années de voyage, Rosetta arriva enfin dans le girongiron de cet astre glacé le 6 août 2014. Sa mission d'exploration de la structure interne du noyau bilobé, l'étude de sa composition minéralogique, chimique et isotopique, de la formation de son atmosphèreatmosphère, la comacoma, etc. allait pouvoir commencer. Peu à peu, l'orbiteur descendit à moins de 100 km de la surface pour faire connaissance avec sa géomorphologiegéomorphologie, cartographier le patchwork de terrains et, bien sûr, préparer l'arrivée de Philae, annoncée le 12 novembre 2014. Les équipes scientifiques et techniques venues des quatre coins de l'Europe ont en effet beaucoup débattu quant au choix des terrains qui pourraient accueillir l'atterrisseur aussi grand qu'une machine à laver. Le milieu était très accidenté et on ne connaissait pas bien la duretédureté du sol. En outre, en se rapprochant du Soleil, le dégazagedégazage allait être de plus en plus intense, aussi toutes les précautions devaient être prises pour éviter de le perdre.

    Paroi fissurée à laquelle fait face l'atterrisseur Philae, coincé sur le site nommé Abydos, à la surface de la comète. © Esa, Rosetta, Philae, Civa

    Paroi fissurée à laquelle fait face l'atterrisseur Philae, coincé sur le site nommé Abydos, à la surface de la comète. © Esa, Rosetta, Philae, Civa

    Les péripéties de Philae

    Le jour J arriva enfin. Cela faisait plus de 10 ans que les scientifiques attendaient cela. Le robot équipé de 12 instruments allait leur ouvrir une fenêtrefenêtre exceptionnelle sur ce qui se passe à la surface du noyau d'une comète et surtout, livrer des informations plus précises que jamais sur la riche palette de matériaux qui la recouvre et sont piégés dans ses glaces. Glaces, gazgaz et poussières sombres sont l'universunivers qui attendait le visiteur.

    La descente s'est très bien passée, mais des harpons ne sont pas déclenchés comme prévu. Aussi Philae fit bien le « touchdown » tant attendu, mais on apprit quelques dizaines de minutes plus tard que c'était un premier bond. Il en fit encore un autre avant de se retrouver coincé dans un creux étroit situé à une centaine de mètres de l'endroit initialement choisi... Ce fut un grand soulagement car, étant donné la faible gravitégravité qui règne sur ce corps d'à peine plus de 4 km de long, Philae ne s'est pas envolé, perdu à jamais dans l'espace.

    Après des mois de recherches, on n'est toujours pas certain de son emplacement. Quoi qu'il en soit, presque toutes les opérations que les chercheurs espéraient réalisées sur le dos de Tchouri ont pu se faire jusqu'à l'épuisement total de sa batterie primaire. Cela a duré plus de 70 heures. Ensuite, faute d'un ensoleillement suffisant, les panneaux solaires n'ont pas pu recharger la seconde batterie qui aurait permis de prolonger les investigations. Philae s'est endormi...

    Heureusement, la comète s'est rapprochée du Soleil. Certaines régions, comme celle où se cache l'atterrisseur, allaient recevoir de plus en plus d'énergie, ce qui laissait espérer un réveil imminent. Début juin, les opérateurs eurent enfin la joie de capter de nouveau un signal. Les semaines suivantes, ils purent échanger avec Philae par intermittence sans, hélas, pouvoir vraiment envoyer toutes les instructions pour reprendre une activité. L'atterrisseur n'est pas très bien orienté, gêné par les parois fissurées qui l'entourent et, en plus de cela, la sonde Rosetta a été contrainte de s'éloigner de plusieurs centaines de kilomètres du noyau. Pour l'instant, tout n'est pas perdu mais, puisque la comète retourne vers le Système solaireSystème solaire externe, les chances de communiquer avec Philae s'amenuisent...

    Jet intense photographié le 12 août 2015, la veille du périhélie. © Esa, Rosetta, Navcam, CC by-sa igo 3.0

    Jet intense photographié le 12 août 2015, la veille du périhélie. © Esa, Rosetta, Navcam, CC by-sa igo 3.0

    Plus d’un an en compagnie d’une comète

    Rosetta qui était venu rejoindre la comète le 6 août 2014, alors qu'elle était à environ 4 unités astronomiquesunités astronomiques de notre étoileétoile, a déjà parcouru en sa compagnie plus de 700 millions de km, progressant peu à peu vers le Système solaire interne. Le 13 août 2015, Tchouri atteignait le point le plus proche du Soleil de son orbite elliptique de 6 ans et demi, le périhélie. Un moment très attendu par tous les scientifiques car cela leur permet d'observer en direct les modifications à la surface du noyau bilobé, de mieux comprendre tous les processus de dégazage, caractéristiques des comètes. Début octobre 2015, à l'heure où nous écrivons ces lignes, l'activité de l'astre commence doucement à décroître, après une période « estivale » plus intense qui a suivi le périhélie, marqué entre autres par des jets plus forts et le délestage important de poussières, de matériaux volatils, d'eau, etc. L'orbiteur, qui s'est éloigné par sécurité de plusieurs centaines de km, devrait se rapprocher à nouveau à de plus petites distances avant la fin de cette année, quand tout sera redevenu plus calme. Avec les yeuxyeux de Rosetta, les chercheurs constateront alors les dégâts, euh pardon les changements, causés par la douceur de l'été...

    Plus d'un an après le début de la mission, les astronomes ont récolté énormément d'informations sur ces astres de glace et de poussière considérés comme de véritables fossilesfossiles de la formation du Système solaire. Voici un florilège des principales découvertes réalisées et par l'orbiteur et par l'atterrisseur Philae :